Opinion
Fusillade de Bruxelles :
des ex-agents secrets israéliens parmi
les victimes
Hicham Hamza
Photo:
D.R.
Lundi 26 mai 2014
Attentat
antisémite ou assassinat ciblé? Suite
aux révélations de la presse
israélienne, Panamza apporte de nouveaux
détails au sujet de deux victimes de la
fusillade perpétrée au Musée juif de
Bruxelles.
Ce lundi, The
Forward, quotidien juif
américain, évoque sur son site une piste
troublante à propos de la tuerie
survenue samedi au Musée juif de
Bruxelles: celle d'un "assassinat
politique".
Le double motif d'une telle
spéculation: le tireur muni
d'une petite caméra
GoPro s'apparenterait à un
"tueur professionnel" selon
certains experts
sollicités et plusieurs médias
israéliens ont divulgué -au cours des
dernières heures- des informations
particulières quant au profil de deux
victimes (sur
les quatre).
Rédigé à partir d'une
dépêche de Reuters, le
papier de The Forward passe
néanmoins sous silence certains éléments
singuliers rapportés par l'agence de
presse. Extrait:
Une des victimes
israéliennes, Emanuel Riva, avait
antérieurement travaillé pour Nativ,
une agence gouvernementale qui a
joué un rôle clandestin
dans l'encouragement de
l'immigration juive en provenance de
l'ex-Union soviétique, rapporte un
officiel israélien.
Aux côtés de l'agence du
renseignement extérieur, le Mossad,
et de son équivalent chargé de la
sécurité intérieure, le Shin Beth,
l'agence Nativ était sous l'autorité
du bureau du Premier ministre.
Miriam Riva, son
épouse, travaillait également pour
le bureau du Premier ministre,
affirme l'officiel sans plus de
détails.
Des amis du couple
interrogés par les médias israéliens
ont affirmé que tous deux
travaillaient comme comptables dans
les services gouvernementaux.
Le site du journal
Israel Hayom ajoute
aujourd'hui un détail intéressant à
propos de leur collaboration antérieure
avec Nativ, une
agence d'espionnage fondée
en 1952 et devenue
semi-clandestine après la fin de la
guerre froide. Extrait:
Il y a quatre ans, ils (les
Riva) ont été envoyés travailler en
Allemagne par le ministère des
Affaires étrangères.
Selon
Yediot Aharonot, ils ont
vécu à Berlin jusqu'en 2011.
En 2009, responsable de Nativ
et soucieux de l'avenir de la communauté
juive allemande, le ministre des
Affaires étrangères était déjà celui de
mai 2014: Avigdor Lieberman.
Leader de l'extrême droite locale,
cet ultra-nationaliste (rencontré
en secret par
Manuel Valls à la mi-février)
s'était distingué sur la scène
politique pour avoir suscité le courroux
du Mossad, du Shin Beth et de
l'Agence juive pour une raison
spécifique: sa volonté d'utiliser Nativ
pour favoriser l'émigration en
Israël des citoyens juifs originaires de
Russie et résidant en Allemagne.
Dans son poste antérieur (celui
de ministre des Affaires stratégiques de
2006 à 2008), il avait ainsi bravé la
désapprobation des organisations juives
allemandes et la colère de plusieurs
haut-responsables israéliens qui
s'opposèrent à son projet (annoncé
en 2006) car il était susceptible de
saborder l'amitié israélo-allemande.
En 2005, le quotidien
Haaretz rapportait que
Nativ, dans le collimateur du Mossad qui
la jugeait caduque et encombrante, ne
devait son maintien que par la volonté
du Premier ministre alors en exercice:
Ariel Sharon. Dans sa foulée,
Avigdor Lieberman a repris le flambeau
et a réorienté la mission de l'agence en
direction des
200 000 juifs russes d'Allemagne.
Ancienne ambassadrice d'Israël
en Ukraine et ex-conseillère politique
de Lieberman,
Naomi Ben-Ami dirige Nativ depuis
sept ans. L'Agence juive
l'accusa en 2008 d'avoir provoqué
une crise diplomatique avec l'Allemagne,
pays allié, pour avoir exaucé le souhait
de son mentor: ce dernier, d'origine
russe, comptait précisement sur ces
potentiels citoyens israéliens
originaires de l'ex-Union soviétique
pour consolider sa propre base
électorale.
En janvier 2008, un article du
Jerusalem Post rapportait
un détail intrigant au regard du profil
des victimes israéliennes de Bruxelles:
selon le quotidien, la récente démission
de Lieberman du poste des Affaires
stratégiques devait geler un projet
décidé en juillet 2007 et relatif à
l'envoi -en Allemagne- de "deux
émissaires" de Nativ. Sa
dirigeante n'avait pas commenté cette
information et l'entourage de Lieberman
s'etait contenté de réitérer son souhait
que ce projet aille jusqu'au bout.
Un an plus tard, Lieberman
revint au gouvernement et dans le
ministère, plus puissant, des Affaires
étrangères. C'est alors que le couple
Riva, travaillant pour Nativ, fut envoyé
en Allemagne sous sa tutelle.
Troublante similitude: leur départ -dont
les détails sont inconnus à ce jour-
semble s'inscrire dans la reprise du
projet antérieur de 2006-2008 (dit "Operation
Germany").
Dans le contexte actuel de la
crise russo-ukrainienne, le rôle de
Nativ, autrefois attaquée publiquement
par le Mossad, a pris une ampleur
inattendue. Critiquée également dans un
rapport officiel (paru fin 2013)
en raison de son opacité, l'agence
-qui constitue toujours une tête de pont
avec les communautés juives de Russie,
d'Ukraine et d'Allemagne – demeure sous
la tutelle ministérielle d'un seul homme
qui continue de l'instrumentaliser:
Avigdor Lieberman. De notoriété
publique, ce dernier aspire à succéder à
Benyamin Netanyahou au poste de Premier
ministre.
Transformée en tremplin
politique à usage personnel, Nativ n'en
finit pas d'agacer: les rivaux
politiques de Lieberman comme les
groupes hostiles à l'émigration juive
hors d'Allemagne demandent toujours la
cessation des activités de l'agence.
Rien n'exclut que la fusillade
du Musée juif de Bruxelles soit l'oeuvre
d'un
"terroriste" antisémite
agissant à l'aveugle mais, au regard de
l'engagement passé du couple Riva au
sein d'une organisation controversée,
rien ne permet non plus d'écarter la
piste d'un assassinat ciblé en guise de
représailles. Ou d'avertissement.
HICHAM HAMZA
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