Opinion
Jihad en Syrie et engagement dans Tsahal
:
pourquoi interdire l’un et tolérer
l’autre?
Hicham Hamza
Vendredi 25 avril 2014
Paradoxe. Le
Figaro publie aujourd'hui une tribune
du juge Marc Trévidic qui propose
la "création d'un délit-obstacle faisant
interdiction à un Français de combattre
à l'étranger sans autorisation". Si les
"djihadistes" sont explicitement visés,
silence est fait sur les Français
volontaires dans l'armée israélienne.
Le premier site à relayer la tribune du Figaro n'est pas le moindre: le
Conseil représentatif des
institutions juives de France n'a pas
tardé
à promouvoir l'appel du juge Marc
Trévidic en faveur d'une loi visant à
interdire de partir "combattre"
en Syrie.
Nulle surprise à constater ici que
cet organisme communautaire s'empresse
de publier ce texte co-signé par le
magistrat anti-terroriste: comme l'avait
souligné Panamza, Marc Trévidic est
un
invité du dîner annuel du Crif, ce
qui pose problème au regard du principe
de l'indépendance des juges et de la
nature parfois sensible des dossiers à
caractère religieux traités dans les
affaires de terrorisme.
Photo:
D.R.
« Je pense terrorisme, je mange
terrorisme, je dors terrorisme ! »,
déclare d'ailleurs Marc Trévidic au
quotidien La Croix. L'homme qui
prône aujourd'hui une "interdiction
de combattre à l'étranger sans
autorisation" était plus radical un
mois auparavant. Interrogé sur Rmc, Marc
Trévidic défendait déjà la même idée
mais sans préciser une quelconque forme
d'exception basée sur la délivrance
d'une "autorisation": tout départ
pour "combattre à l'étranger"
devait être "interdit".
Entre cette interview sur Rmc et la
tribune du Figaro, un mois seulement
s'est écoulé. Le juge a visiblement
estimé désormais nécessaire d'accorder
une sorte de dérogation pour certains
types de "combattants" qui
seraient "autorisés" à partir à
l'étranger. Un assouplissement qui ne
devrait pas déplaire pas à la direction
du Crif dont la plupart des membres
tolèrent -voire défendent- l'engagement
de Français juifs (tel le conseiller
d'Etat
Arno Klarsfeld) dans l'armée
israélienne. Sur ce point, un récent
papier étayé du webmedia
Orient XXI soulignait que ces
derniers vont "intentionnellement
participer à l’occupation de
territoires, en violation du droit
international. Mais cette démarche-là ne
semble interroger personne, pas plus que
les éventuelles implications de Français
dans des violations de la charte
internationale des droits de l’Homme ou
du droit de la guerre."
Par ailleurs, tandis que la France
déplore la jeunesse des combattants
partis en Syrie, il faut rappeler ici, à
l'instar d'Orient XXI, qu'un programme
de l'armée israélienne, dénommé Sar-El
et réalisable dès l'âge de 16 ans, a
intégré 1086 citoyens français pour la
seule année 2012. Ce chiffre demeure
d'ailleurs supérieur à celui des
Français comptabilisés par le
gouvernement Valls dans les
"filières djihadistes" mais une
telle discussion, politique ou
médiatique, n'est probablement pas
envisageable à court terme sur les
antennes hexagonales: le thème
audacieux des "filières sionistes"
ne constitue pas exactement un
marronier typique de la presse
française.
Remarquons, au passage, un autre élement
croustillant de la tribune du Marc
Trévidic: elle est co-signée par
l'avocat Thibaut de Montbrial (un homme
qui
condamne -sans rire- la
"stigmatisation" des policiers par
la communauté musulmane de Trappes) mais
également -et surtout- par Jean-Charles
Brisard. La
plupart des médias présentent
aujourd'hui ce dernier comme un "consultant
international
spécialiste du terrorisme".
Léger souci: Brisard est aussi -comme le
rappela incidemment Le
Parisien du 20 janvier- un
ancien "honorable correspondant de la
DST", autrement dit -précisa le
quotidien- une "taupe" des
services secrets. Cette activité
singulière, encore méconnue du grand
public, était notoire parmi les
journalistes spécialisés sur les
questions de police mais largement
passée sous silence. Le "consultant"
a ainsi été régulièrement convié par les
médias pour défendre la version
officielle du
11-Septembre comme celle de
l'affaire Merah.
Précisons ici que Brisard est à
l'intersection idéale des appareils
d'Etat de Paris, Washington et Tel Aviv.
Collaborateur du contre-espionnage
hexagonal et chantre
de Charles Pasqua (dont il partage le
même avocat:
Léon-Lef Forster), ce
Franco-Américain résidant en Suisse est
également membre du conseil
d'administration d'un think-tank dénommé
American Center for Democracy et
ex-chercheur auprès du
Terror Finance Blog: comme
l'illustre le profil idéologique de
leurs membres, ces deux organisations
sont emblématiques de ce qu'il convient
factuellement de dénommer -n'en déplaise
aux
apprentis censeurs-"l'américano-sionisme".
En résumé, un juge proche d'un organisme
ultra-sioniste et un agent officieux des
services secrets -également lié à des
hégémonistes israélo-américains-
demandent aux parlementaires d'interdire
aux Français musulmans de combattre
en Syrie mais se taisent sur ces
Français juifs qui sont volontaires pour
servir un régime "colonial" et
"ségrégationniste" pratiquant le
"nettoyage ethnique" (selon les
termes de
Richard Falk, bête noire
du Crif et rapporteur spécial de
l'ONU entre 2008 et 2014).
Au mieux, c'est une farce. Au pire, une
tragicomédie.
HICHAM HAMZA
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