Opinion
La plume de Valls est membre du Crif
Hicham Hamza
Photo:
D.R.
Mardi 22 avril 2014
INFO
PANAMZA. L'homme chargé d'élaborer les
discours du Premier ministre est un
militant communautaire et sioniste.
Révélations.
Délicate omission de la part des
médias traditionnels: en identifiant le "conseiller
pour les discours" -officiellement
nommé le 11 avril- du nouveau
Premier ministre,
Le Monde,
Paris Match et Le
Journal du dimanche ont passé
sous silence ses connexions idéologiques
pour le moins singulières. Âgé de 37
ans, Benjamin
Djiane, désormais présenté comme la
"plume" de Manuel Valls, n'est
pas seulement un produit typique de
l'élite française,
passé par Sciences Po Paris et
l'École de management de Lyon.
L'homme est également le
vice-président de Socialisme
et judaïsme, une association
fondée à la fin des années 70 et
devenue adhérente
du
Conseil représentatif des institutions
juives de France en 1985.
Son but?
Selon son site (désormais
hors-ligne), elle vise à
"être un trait
d’union entre un judaïsme de progrès,
ancré dans les réalités de la société et
la gauche française" et "faire
vivre, au sein de la gauche française,
une vision plus équilibrée de la
question israélo-palestinienne".
Benjamin Djiane en est le
"vice-président
chargé de l'animation
intellectuelle".
Opération séduction à Tel Aviv
En 1990, un livre intitulé
"Mitterrand, Israël et les juifs"
et rédigé par le tandem Yves Azeroual-Yves
Derai
donnait une définition plus
explicite des objectifs de l'association
créee par
Jacques Attali,
Robert Badinter,
Maurice Benassayag, Georges
Dayan et
Michel Dreyfus-Schmidt: "double
mission: amener la majorité des voix
juives dans l'escarcelle du PS et
initier les cadres de ce dernier aux
charmes de l'État d'Israël".
Sur ce dernier point, le
président actuel de l'association n'a
pas démérité:
Patrick Klugman, conseiller de la
ville de Paris, avait accompagné
Anne Hidalgo lors de sa
visite guidée en Israël et dans les
Territoires palestiniens occupés. Un
autre homme influent faisait
également partie du voyage:
Pierre Aïdenbaum, maire PS du 3ème
arrondissement de Paris, ancien
président de la Licra, membre du comité
d'honneur de Socialisme et judaïsme et
ex-organisateur (en 2006) d'un
colloque islamophobe initié par un
think-tank américain. Le 8 mars 2012,
Pierre Aïdenbaum mettait d'ailleurs les
locaux de la mairie à disposition de son
association afin d'organiser un
débat avec
Julien Dray et
Jean-Yves Camus.
Ancien assistant de Patrick
Bloche, l'ex-maire du 11ème
arrondissement de Paris, Benjamin Djiane
a été élu, le 31 mars,
conseiller du 3ème arrondissement
parisien
auprès de son camarade de
Socialisme et judaïsme: Pierre
Aïdenbaum, réélu à la tête de sa mairie.
Candidat aux élections municipales,
Benjamin Djiane se présentait durant
la campagne comme un simple "passionné
de littérature (…) qui travaille auprès
du ministre de l'Intérieur". Aucune
mention au groupe communautariste dont
il fait partie et aucun éclairage sur
son rôle exact auprès de Manuel Valls.
Querelles
d'opérette au sein du lobby
Notons également que son
association a été récemment encensée sur
le site du
"Centre communautaire laïc juif"
de Belgique par Laurent-David Samama.
Souvenez-vous: il s'agissait de ce
journaliste des Inrockuptibles
viscéralement hostile à Frédéric Taddeï
et dont Panamza avait
révélé son passage antérieur dans un
lobby ultra-sioniste américain. L'homme
collabore aussi à la revue de
Bernard-Henri Lévy comme c'est
également le cas de Benjamin Djiane: ce
dernier y avait
fustigé l'avocat
UMP (et ex-membre de la direction du
Crif) Gilles-William
Goldnadel en raison de son
rapprochement tactique avec le Front
national (et non pas à cause de ses
positions extrémistes sur la question
israélo-palestinienne). Rappelons
ici que le mépris de l'ancien
résistant Stéphane Hessel par Goldnadel
est partagé
par Valérie Maupas, une élue PS
également membre de Socialisme et
judaïsme et signataire -comme
Djiane- de l'appel
"Français juifs et de gauche"
publié en février 2012 par
Libération.
Enfin, il convient de souligner
que l'une des rares manifestations
publiques de Benjamin Djiane dans le
débat d'idées a visé à ternir, comme le
tente actuellement
Frédéric Haziza, la réputation
de Pascal Boniface. En mars 2012, lui et
son ami Jérémy Sebbane rédigèrent
une
tribune pour encourager le candidat
François Hollande à s'inspirer de
"l'amitié de la gauche pour Israël"
incarnée par François Mitterrand. Au
passage, ils égratignèrent le
géopolitologue pour avoir antérieurement
dénoncé la position indulgente du PS
envers l'occupation israélienne des
territoires palestiniens. Pascal
Boniface leur avait alors
répondu en affirmant que leur
objectif réel consistait à "faire
triompher le communautarisme de gauche
sur le communautarisme de droite".
Le tandem Djiane-Sebbane a
rétorqué en niant curieusement leur
appartenance proclamée ailleurs ("notre
supposée judéité") et en procédant
par amalgame, laissant entendre que le
géopolitologue se serait arrêté à leur
patronyme: "en lisant nos noms, sans
regarder nos qualités, Pascal Boniface a
établi son diagnostic: il s'agit d'une
parole juive".
Benjamin Djiane: tel est
l'homme désormais placé au sommet de
l'État pour peaufiner les discours
d'un Premier ministre
ultra-sioniste (déjà assisté par
Harold Hauzy, conseiller en
communication et
membre depuis 2011 -comme Manuel Valls-
d'un "programme éducatif"
sur Israël) qui n'hésite pas à
présenter publiquement les
"juifs de France" comme
"l'avant-garde de la République et de
nos valeurs".
Ironie du sort, le nouveau
conseiller prend ses fonctions deux mois
seulement après
le départ contraint de Paul Bernard,
ancien co-rédacteur des discours de
François Hollande et membre du comité
directeur du Crif.
En résumé, deux hommes, dévolus
à l'art oratoire du pouvoir, se sont
presque croisés: un militant
communautaire et sioniste, à peine
installé à Matignon, succède ainsi à un
autre militant du même bord, tout juste
évacué de l'Élysée.
Il suffit d'imaginer une
analogie avec deux citoyens
intellectuellement similaires au duo
Djiane-Bernard mais qui seraient, quant
à eux, des musulmans identitaires et
pro-palestiniens assumés pour comprendre
l'extraordinaire d'une situation
pourtant passée sous silence par les
médias traditionnels.
Cela porte un nom dans le monde
du grand banditisme : omerta.
HICHAM HAMZA
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