Opinion
François
d'Arabie
Hedy Belhassine
Photo:
D.R.
Dimanche 22 décembre 2013
Le Président de la République François
Hollande terminera l'année par une
visite de deux jours en Arabie Saoudite.
Il y percevra les dividendes de la
diplomatie du plus offrant. Les étrennes
seront généreuses. Elle permettront à
quelques industriels d'assurer un plan
de charge de plusieurs décennies et
conforteront la place de la France au
troisième rang mondial de l'armement.
Ce n'est pas rien.
Cette rencontre au sommet marquera aussi
une prodigieuse évolution de la doctrine
du parti socialiste.
Que de chemin parcouru depuis l'élection
du premier Président de gauche de la
cinquième république François
Mitterrand, exigeant le désarmement des
avions exposés au salon du Bourget !
En trente ans, la rue de Solférino a
mangé son chapeau. Anti militarisme
primaire et pacifisme naïf ont fait long
feu. L'ultime étape est franchie.
Avant Hollande, les relations militaires
franco-saoudiennes étaient exclusivement
gérées par des hommes politiques de
droite. Tous les ministres de gauche qui
faisaient le voyage de Riyadh étaient
reçus comme des diablotins dans un jeu
de quilles. Récemment, Le Drian a cassé
le plafond de verre en gagnant l'exploit
d'être invité par le roi en personne.
Cette performance est d'autant plus
étonnante qu'elle s'appuie sur des
fidèles de Sarkozy. L'ambassadeur de
France à Riyad est l'ancien conseiller
d'Alliot-Marie, le pilotage des ventes
de matériels sensibles est assuré par
une équipe de caciques de l'ancien
régime, enfin, on cherchera avec
difficulté des encartés à la rose dans
le cénacle des industriels de
l'armement.
En un rien de temps, le gouvernement
Ayrault aura converti les plus
conservateurs du très fermé cercle
militaro-industriel.
La doctrine de Hollande : « l'emploi par
la relance à n'importe quel prix » »
marque avec ce voyage les limites du
supportable pour les pachydermes
socialistes qui eussent préféré que l'on
se serra la ceinture pour marcher tête
haute.
Car le rapprochement avec l'Arabie n'est
pas seulement une opération de
remplacement d'un client -le Qatar – par
un autre, c'est le virage idéologique
d'une alliance stratégique surprenante
qui marquera l'histoire de la gauche.
L'Arabie Saoudite est-elle
fréquentable ?
Non. Mais la question est incongrue car
Paris n'a plus les moyens de chipoter la
vente de frégates, centrales nucléaires
et poulets de Bretagne. Tout au plus,
les bonnes consciences pourront-elles
espérer que le Président – ira-t-il avec
sa compagne ? - osera chuchoter à
l'oreille du roi quelques paroles
étrangères: « liberté, égalité,
fraternité, justice.... pour les
femmes... »
On se consolera pareillement en songeant
que François Hollande n'allait tout de
même pas refuser les généreux retours
sur investissement de sa posture
levantine, ni bouder son plaisir d'être
l'artisan du spectaculaire dialogue
israélo-saoudien sur fond de crise
persique.
Finalement, tout cela n'est pas si
navrant.
L'indécence est ailleurs, elle est
collatérale à ce voyage.
Car pour marquer la lune de miel
franco-saoudienne, le Centre Pompidou a
prêté au musée de Dahran des œuvres de
Picasso.
Oui Picasso.
Picasso exhibé en Arabie.
En Arabie Saoudite, le pays Guernica des
Droits de l'Homme !
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