Opinion
De Genève 2 à
Sawari 3
le fabuleux destin de Hollande en Arabie
Hedy Belhassine
Photo:
D.R.
Lundi 2 décembre 2013
« Je veux aider Hollande et les
Français ! »
Cette petite phrase du puissant roi
Abdallah d'Arabie pourrait bien valoir à
la France des dizaines de milliards
d'euros de contrats.
Le doyen des monarques du monde est
totalement tombé en amour. Il faut dire
que depuis son arrivée à l'Elysée, le
Président français a
inconditionnellement aligné sa politique
arabe sur celle du souverain wahhabite.
De Damas à Téhéran, Hollande est plus
royaliste qu'Abdallah.
Boudant ostensiblement son allié
historique étatsunien, le souverain des
deux saintes mosquées encense avec
ferveur son nouvel ami européen qu'il
entend récompenser avec grandeur. La
cour propage qu'il faut désormais
traiter les frankaouis avec égard et
amabilité. Attentif à sa relation avec
le Président français, le roi a
récemment missionné à Paris son médecin
personnel - qui est aussi son ministre
de la santé - pour faire taire les
vilaines rumeurs que propageait la
petite presse sur son agonie.
Las, Paris n'a pas encore pris toute la
mesure de la faveur royale.
Certes, gouvernement et patronat ont
sonné la mobilisation. Mais en dehors
des 40 groupes du CAC, les industriels
marquent peu d'appétence pour une
destination dénuée de charme. Nul n'aime
vraiment séjourner à Riyad où le temps
n'a pas la même horloge qu'ailleurs. La
minute dure une heure. Ce n'est pas
Dubaï ou Las Vegas ! Alors pour éviter
les découchés, ministres, hauts
fonctionnaires et PDG multiplient les
aller-retour mais en jet privés.
Les exportateurs français négligent leur
chance inespérée d'avoir un HEC à
l'Elysée. Ils anticipent mal les
dividendes de la diplomatie économique
hollandeuse.
Pourtant, de gigantesques opportunités
se présentent dans tous les domaines.
Ainsi la France devrait consolider sa
position dans le pétrole et l'eau mais
surtout prendre une sérieuse option sur
le programme de seize réacteurs
nucléaires dont le royaume souhaite se
doter dans les quinze prochaines années
pour un budget de cent milliards de
dollars !
Dans cette perspective, les cranes d'oeuf
de la finance gambergent fébrilement un
projet d'accord cadre portant sur un
mécanisme de compensation « pétrole
contre made in France », façon barter
britannique Yamamah mais en plus
ambitieux. Car redoutant l'éphémère de
la lune de miel, d'aucuns souhaiteraient
aller jusqu'à sceller l'alliance
franco-saoudienne dans le marbre d'un
pacte entre François et Abdallah, à la
façon de Roosevelt et Abdulaziz Saoud en
1945.
Le ministre de la défense Le Drian, au
retour d'un voyage au chevet du roi a
sonné la mobilisation du secteur de
l'armement. Car dans cette filière
l'enjeu est capital. Des prochaines
commandes saoudiennes dépendent la
poursuite de programmes industriels, la
survie de bassins d'emplois et la
dotation des armées françaises.
Les armées saoudiennes se distinguent
par l'usage de l'achat « clés en main ».
Cette pratique est singulière, elle est
contraire à celle de tous les autres
pays qui acquièrent des sous-sytèmes de
provenance diversifiées comme par
exemple une carlingue italienne, un
module de navigation israélien, un
moteur allemand, un armement
américain...Les Saoudiens eux achètent
une capacité d'emploi, du prêt à à
combattre, du tout compris : armement,
formation, entretien du matériel, pièces
détachées, construction des bases...
C'est un peu comme si l'acheteur d'une
voiture toutes options incluait dans sa
commande une station service et une
auto-école.
En contre partie de cette généreuse
formule, le royaume saoudien exige de
traiter avec un mandataire chef de file
et d'avoir la garantie de performance de
l'Etat vendeur.
Pour répondre à ce besoin multiforme
Paris dispose d'une structure dédiée qui
rassemble les principaux industriels de
l'armement sous l'autorité d'un
représentant du ministre de la défense.
En quarante ans, cette équipe a négocié
la vente d'un formidable arsenal de
véhicules blindés, missiles, avions
ravitailleurs hélicoptères... Mais sa
principale référence reste la ventes des
frégates du programme Sawari 1 et 2 dont
les dérives rétro-commissionnées
resteront sans doute le mystère le mieux
gardé de la cinquième République.
L'officine a bon espoir de placer le
réassortiment d'une flottille de navires
supplémentaires : Sawari 3, pour une
poignée de milliards d'euros.
Cerise sur le gâteau, Riyad ambitionne
d'accéder au club très fermé de la sous
marinade.
A part l'Egypte et l'Algérie, aucune
marine arabe n'a la capacité de faire
évoluer des sous-marins d'attaque.
L'acquisition de ce type d'engin par
l'Arabie se justifie surtout par des
considérations de fierté nationale car
le royaume est bordé d'une part à l'Est
par le Golfe persique peu profond donc
vulnérable aux submersibles et d'autre
part à l'Ouest par la mer rouge, dont la
seule menace sérieuse provient des
requins et des pirates.
Les opposants au projet soulignent que
les ressources humaines du pays et les
modestes compétences des forces navales
saoudiennes ne lui permettent pas
d'envisager un tel bon technologique
sans avoir recours à la « coopération »
en doublon d'équipages étrangers
(français ou pakistanais).
Ces objections opérationnelles ne
devraient pas empêcher la conclusion
prochaine d'un accord pour la mise en
chantier d'une flottille de six à dix
sous marins assortis de leurs
environnements logistiques. Le projet
est gigantesque car il inclut des
coopérations industrielles et la
construction de bases navales.
Des milliards par dizaine en
perspective...
Mais le jackpot saoudien du VRPrésident
Hollande n'est que le tremplin d'autres
ambitions commerciales régionales encore
plus audacieuses.
Ainsi le Rafale n'a sans doute jamais
bénéficié d'un contexte politique aussi
favorable. L'avionneur-sénateur qui ne
brille pas par ses talents d'exportateur
saura-t-il saisir l'opportunité unique
de déverrouiller le ciel du Moyen Orient
massivement doté de chasseurs américains
et britanniques ?
La seconde ouverture commerciale des
industriels de l'armement français
concerne l'accès au marché commun de la
défense du conseil de coopération du
Golfe ; une organisation qui rassemble
les six pétromonarchies du golfe
persique. Le GCC a développé un
gigantesque projet de protection de son
espace pour contrer la menace iranienne
et irakienne et tenir les monarchies du
Golfe à l'abri d'agressions de toute
nature. « Le Bouclier de la Péninsule
Arabe » dont la contribution saoudienne
est majoritaire est une ligne Maginot
des temps modernes qui incluera un mur
de missiles infranchissables.
Des milliards encore et encore....
Le Drian ministre, tisse patiemment des
liens de confiance avec chacun des rois
du pétrole et de l'armement. Déjà, le
Saoudien et l'Émirien semblent apprécier
le langage breton.
Finalement toute cette diplomatie
d'affaires est cohérente avec la volonté
politique affichée de restaurer le
commerce extérieure et l'emploi. Reste
que pour gagner ce challenge, Hollande
président et Le Drian breton devront se
prémunir des colporteurs du syndrome
Ordralfabétix du nom du célèbre
poissonnier bagarreur dont la marée
n'est pas très fraîche et qui propage la
guerre dans son propre camp.
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