BDS
Sur la campagne contre Omar Barghouti
Haidar Eid
Jeudi 6 avril 2017
Omar Barghouti,
l’un des militants palestiniens les plus
charismatiques, a été
soumis à un interrogatoire des plus
intenses par les autorités israéliennes.
Il est le cofondateur particulièrement
engagé du mouvement BDS, il est
membre du secrétariat du Comité
national pour le boycott (BNC)
et membre du comité de direction de la
Campagne palestinienne pour le
boycott académique et culturel d’Israël
(PACBI). Les forces
israéliennes ont enlevé Omar il y
a douze jours afin de l’empêcher de se
rendre aux États-Unis pour y
recevoir le prestigieux prix Gandhi
de la Paix. Elles le détiennent sous
de fausses accusations, montées de
toutes pièces et qui font partie de leur
tactique habituelle consistant à lancer
des mensonges et des rumeurs afin de
ternir l’image des militants BDS
– et, par la même occasion, jeter le
discrédit sur le mouvement BDS.
Cette attaque
contre Omar n’est pas nouvelle,
mais fait partie de la guerre totale
menée par Israël sur le plan des
lois, des renseignements et de la
propagande contre le mouvement BDS,
et qui s’est intensifiée depuis 2016. Ce
regain de concentration sur le mouvement
BDS constitue une réaction au
succès croissant du mouvement BDS
non violent qui a vu des navires
israéliens empêchés d’accoster dans des
ports du monde entier, des centaines
d’artistes et de musiciens refuser de se
produire en Israël et d’éminents
combattants sud-africains pour la
liberté, comme Ahmed Kathrada,
l’archevêque Tutu et Ronnie
Kasrils s’aligner sur le mouvement
BDS et déclarer que l’apartheid
israélien était bien pire que celui
qu’avaient enduré les Sud-Africains.
Mais Israël
connaît parfaitement le succès que
BDS rencontre au niveau mondial – et
que BDS est le nouvel outil de
résistance – bien qu’ancien déjà –
utilisé par les Palestiniens et
soutenu par la société civile
internationale, pour amener Israël
devant la justice et lui réclamer des
comptes pour tous les crimes qu’il a
commis contre le peuple palestinien, à
savoir l’occupation, la colonisation et
l’apartheid. C’est un mouvement mondial,
avec des supporters dans le monde
entier, concentré sur l’élimination de
l’oppression et de l’injustice en
Palestine, mais avec un objectif qui
va bien au-delà de la Palestine
et se situe hors de portée de l’habituel
recours barbare d’Israël aux
crimes de guerre et aux crimes contre
l’humanité, y compris les assassinats de
masse et les punitions collectives.
L’engagement et les
positions d’Omar émanent de la
défense par le mouvement des droits
humains palestiniens. Ses slogans –
liberté, égalité et justice – posent une
sérieuse menace à la fondation raciste
d’Israël en tant qu’« État des
juifs ». Autrement dit, cet appel à
l’égalité et au retour des réfugiés
victimes du nettoyage ethnique de 1948,
appel dans lequel le mouvement BDS
se conforme à la Résolution 194 des
Nations unies, remet en question la
définition même de l’État d’Israël,
comme l’a expliqué clairement le rapport
de l’ESCWA, qui déclare sans
ambiguïté qu’Israël est un État
d’apartheid. Vouloir reconnaître et
accepter la nature exclusive et raciste
de l’État est la condition préalable
pour être bien accueilli en Israël. Il
n’y a pas de nationalité israélienne,
uniquement un caractère national juif –
et non pas israélien – qui exclut
effectivement tous les Palestiniens
et les « non-juifs » vivant en
Israël de la citoyenneté et des
références à l’État. Comme l’a fait
remarquer la Commission de l’ONU pour
les droits sociaux, économiques et
culturels, ceci « encourage la
discrimination et octroie un statut de
second rang aux citoyens non juifs
[d’Israël] ».
Il est on ne peut
plus clair que l’establishment ashkénaze
au pouvoir a fini par en avoir plus
qu’assez du tsunami croissant qu’est le
mouvement BDS. La conférence de
Yediot Ahronot, l’an dernier, à
laquelle avaient assisté toutes les
tendances de la vie politique en
Israël, a fini par conclure que le
mouvement constituait une menace
« stratégique » – sinon
existentielle – pour le projet sioniste
au Moyen-Orient ! D’où les
mesures extrémistes prises par le
gouvernement et les lois adoptées par la
Knesset en vue de combattre
BDS. L’une de ces mesures était le
« meurtre ciblé de civil » contre
les militants BDS. Il n’est donc
guère étonnant que, voici quinze jours,
la Knesset israélienne ait adopté
une résolution interdisant l’accès au
pays à tous les militants et supporters
BDS de l’étranger.
Fait intéressant et
similaire à l’expérience sud-africaine
de l’apartheid, aucun militant juif n’a
jamais été soumis au genre de traitement
que subissent les militants palestiniens
de la part des autorités – la riposte au
militantisme est elle aussi intégrée à
l’idéologie raciste qui anime les prises
de position et actions politiques d’Israël
et des hommes politiques israéliens.
Une solution
sensée, juste et complète de la question
palestinienne doit comprendre tous
les Palestiniens, y compris ceux
de Cisjordanie et de Gaza,
ceux qui sont restés en Israël et
les réfugiés palestiniens de 1948.
Le mécanisme censé remédier à cette
dépossession ne passe pas par un
bantoustan de type apartheid
sud-africain comme en ont convenu les
signataires des accords d’Oslo.
En lieu et place, un État
démocratique laïc où tous les
citoyens seront traités de façon égale
quelle que soient leur religion, leur
sexe ou la couleur de leur peau, est la
seule solution juste et équitable qui
mettra un terme à l’apartheid israélien.
C’est ce qu’Omar
a réclamé – et qu’il continue de
réclamer dans ses toutes dernières
déclarations. Cette détermination du
mouvement BDS et son engagement
inflexible en faveur de la justice pour
tous les Palestiniens, voilà la
véritable raison qui sous-tend la fausse
campagne contre Omar; et, comme
Omar l’a préconisé, c’est
pourquoi le mouvement BDS doit
intensifier ses efforts de telle sorte
qu’Israël sera obligé de se plier
aux lois internationales. Plus de BDS,
telle est la voie qui mettra un terme à
l’apartheid en Israël de la même
façon que ce fut le cas en Afrique du
Sud.
Publié le 3 avril
2017 sur
Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal
Haidar
Eid est écrivain et
professeur de littérature postcoloniale
à l’université Al-Aqsa à Gaza, après
avoir enseigné dans plusieurs
universités à l’étranger. Vétéran dans
le mouvement des droits nationaux
palestiniens, c’est un commentateur
politique indépendant, auteur de
nombreux articles sur la situation en
Palestine.
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