Opinion
Témoignage: Le Shabak israélien à
l’œuvre
dans les aéroports européens
Gilles Munier
Gilles
Munier
Jeudi 21 novembre 2013
Avis aux Français
qui se rendraient en Cisjordanie
occupée, via Bruxelles et Tel-Aviv
... ou Paris
Dans le cadre du projet de coopération
décentralisée entre les villes de Saint
Pierre d’Aurillac et Fargues de Langon
(Gironde) avec la ville de Tubas
(Cisjordanie), une délégation de 3
élus
(Anne Larrouy et Francis Lacroix,
conseillers municipaux de Saint Pierre
d'Aurillac et Pascal Ramos, conseiller
municipal de Fargues) est partie le
jeudi 24 octobre 2013 de Toulouse via
Bruxelles à destination de Tel-Aviv sur
un vol de la compagnie Bruxelles
Airlines.
Journée du jeudi 24 octobre 2013
À Bruxelles, il s'est avéré que la
liaison Bruxelles - Tel-Aviv serait
assurée par la compagnie israélienne EL
AL. À l'embarquement, les élus ont été
abordés par la sécurité israélienne sur
un ton péremptoire. Les agents
exigeaient une arrivée de 2 heures avant
le vol, mais la connexion était d'une
heure et cinq minutes. Par la suite, la
délégation a été interrogée quant au but
de son voyage en Israël et sur la
présence d'exemplaires du livret
ci-joint dans les bagages. Pascal Ramos
a été fouillé au corps par un policier
belge sous l'ordre et la surveillance
d'un agent israélien. Finalement, il a
été autorisé à monter dans l'avion, sans
aucun bagage à main, ni même argent.
L'avion ayant une heure de retard et
devant décoller, seul Pascal Ramos qui
avait satisfait aux exigences de la
sécurité israélienne
(interrogatoire, fouille de bagages et
fouille au corps) a été autorisé à
monter à bord de ce vol.
En ce qui concerne Anne Larrouy et
Francis Lacroix, ils ont été interrogés
plus longuement puis orientés vers un
hôtel de Bruxelles en attendant le vol
du lendemain matin. La sécurité
israélienne leur a demandé de ne
conserver aucun bagage à main. Il leur a
semblé que les livrets des enfants
étaient la cause de ces interrogatoires
prolongés, en conséquence, ils les ont
laissés à Bruxelles.
Lorsque Pascal Ramos est arrivé à
Tel-Aviv, il a été de nouveau interrogé
par la sécurité intérieure durant 1h30,
puis autorisé à entrer sur le territoire
israélien sans avoir récupéré ni ses
bagages à main
(dont son ordinateur), ni son
argent. La personne qui l’attendait à la
sortie et qui connaissant les membres de
la délégation depuis plusieurs voyage,
s’était renseignée à l’aéroport, l’a
amené à l’hôtel Addar où des chambres
avaient été réservées et l’a assisté
ensuite.
Journée de vendredi 25 octobre 2013
Anne Larrouy et Francis Lacroix arrivent
à 8h à l'aéroport de Bruxelles pour
l'enregistrement. Il leur avait été
demandé par la sécurité israélienne de
mettre les bagages à main, e.pad,
ordinateur, médicaments, carnet de
rendez-vous dans la valise. Ils sont
pris en charge par la sécurité, les
bagages sont enregistrés : 2 valises et
un sac type appareil de photos avec (un
boitier, 2 objectifs, 3 batteries, 3
cartes mémoire SD 32 Go, un microphone,
une clé USB 32Go, un pied pliable. La
sécurité israélienne leur donne
rendez-vous à 9h45. Ils doivent alors
donner tous leurs papiers, détacher
toutes les cartes de crédit, vider le
portefeuille, mettre tous les documents
dans un panier, enlever pullover et
veste et les mettre dans un panier. Puis
une longue attente s'en suit avant de
passer à la fouille corporelle
(torse nu, détecteur explosif, passage
de tous les effets au scanner, etc…).
Des agents de police belges effectuent
la tâche sous l'oeil attentif de la
sécurité israélienne. Les agents belges
sont gênés et s'en excusent. Finalement,
Anne Larrouy et Francis Lacroix sont
autorisés à embarquer, encadrés par les
agents israéliens.
Arrivée à 17 heures à Tel-Aviv. À la
présentation du passeport à la douane,
Anne Larrouy et Francis Lacroix sont
appelés à aller dans le local de la
sécurité. Ils sont alors interrogés tour
à tour, de façon
« musclée » pendant plus de 5 h
notamment pour savoir où ils vont. Avec
l'expérience de la veille ils restent
sur leurs gardes et ne sont pas
tranquilles vu la pression exercée. Au
cours d'un des interrogatoires, le
téléphone d'Anne Larrouy est
«
fouillé » pour vérifier les appels,
ils trouvent un numéro palestinien qui
correspond à celui de l'interprète qui
doit accompagner la délégation dans la
mission. Anne Larrouy donne alors
quelques informations sur le travail
entre les écoles et sur le livret. Les
interrogatoires se poursuivent, en
anglais pour Anne Larrouy. Ils font
venir un interprète francophone pour
interroger Francis Lacroix. D'emblée
c'est le tutoiement et la suspicion. Ils
sont alors interrogés plusieurs fois sur
les mêmes éléments : à quel hôtel
vont-ils, combien d'argent liquide
ont-ils sur eux, combien d'argent
ont-ils sur leur compte bancaire en
France, quel est leur profession, leur
numéro de téléphone, leurs adresses
mails, le prénom du père, du grand père,
etc… Mais la suspicion continue car les
agents israéliens essayaient de joindre
Pascal Ramos, qui attendait dehors, sur
son portable mais ne peuvent l'obtenir
puisque son bagage avait été confisqué.
Vers 23h, épuisé, Francis Lacroix dit
qu'il a besoin de ses médicaments. À ce
moment-là on lui rendu son passeport et
l'interprète l'a accompagné aux bagages.
Il n'y avait plus d'accueil et il a pu
sans ticket (la sécurité avait gardé ses
tickets) prendre sa valise, le sac photo
n'y était pas. Quand il a ouvert sa
valise il n'y avait plus son sac avec
ses médicaments, ni son téléphone, ni
son e.pad. Il a informé la sécurité qui
a ensuite disparue dans les bureaux.
Francis Lacroix a alors obtenu son visa
et est revenu à la réception des bagages
où il a précisé l'absence d'une partie
de ses bagages. Comme le responsable de
la compagnie EL AL était parti il lui a
été demandé de revenir le dimanche
puisque le lendemain c'était samedi
(shabbat).
Pendant ce temps, le dernier
interrogatoire d'Anne Larrouy s'est
soldé par un refus d'accès au sol
israélien, sans qu'aucune raison précise
ne soit donnée. Elle a ensuite été
conduite dans un autre bureau, où
photos, empreintes digitales, etc... ont
été prises. Plus tard, elle est conduite
dans une grande salle de contrôle
sécurité où la totalité du contenu de
ses bagages est contrôlée, scannée. Elle
subit à nouveau des fouilles
corporelles.
Vers 2h du matin, Anne Larrouy est
conduite au centre de rétention situé à
côté de l'aéroport Ben Gourion. Elle est
conduite dans une pièce où elle doit
déposer toutes ses affaires, elle n'a le
droit de rien prendre avec elle. Le
lendemain, elle aura accès à quelques
produits de toilettes, des rechanges et
pourra passer un appel à sa famille. Les
conditions de rétention sont bien
entendu difficiles : entassement,
enfermement, nourriture. Elle passe 2
nuits en rétention et est reconduite
dans un avion pour Toulouse via
Bruxelles le dimanche 27 novembre au
matin.
Nota :
Le Shabak
(Bouclier, en hébreu) – ex
Shin Beth - est le service de
contre-espionnage israélien. Il est
notamment chargé de surveiller les vols
de la compagnie aérienne El Al. Il passe
ses passagers au crible –
et sans
ménagement - dès l’aéroport de
départ et à l'arrivée, et n’hésite pas,
souvent, à les interroger au cours du
vol.
© G. Munier/X.
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Publié le 21 novembre 2013 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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