Monde
Pourquoi la Jordanie est la prochaine
cible de l’Etat Islamique
Emily Przyborowski
Abdallah II, roi
de Jordanie
Lundi 12 novembre 2018
Par Emily
Przyborowski (revue de presse : The
National Interest - 31/10/18)*
Le groupe Etat
Islamique est peut-être en train de
perdre du terrain en Irak et en Syrie
mais ses militants pourraient bien
trouver refuge tout près, dans le
royaume hachémite de Jordanie.
La réputation de la
Jordanie, en tant qu’état stable et
allié clé dans la lutte contre l’Etat
Islamique en Irak et en Syrie, l’a
placée en première ligne de la
« guerre contre le terrorisme »
menée par les Etats-Unis. Cependant,
malgré tous ses liens avec l’Ouest,
certains signes laissent à penser qu’il
pourrait devenir une prochaine cible de
l’Etat Islamique post-Syrie.
En août 2018, une
attaque terroriste dans la ville de Salt
a tué 4 agents de sécurité jordaniens et
blessé 16 civils. Cinq ressortissants
jordaniens partisans de l’idéologie
radicale de l’Etat Islamique ont
été arrêtés suite à cela. Ils détenaient
de larges quantités d’explosifs
artisanaux, enterrés non loin et qui
devaient servir à de futures attaques
sur des installations civiles et de
sécurité.
Cet incident a fait
voler en éclat le calme précaire qui
prévalait dans le royaume ces dernières
années. Il se peut que cet acte présage
d'autres changements en raison d’une
augmentation depuis 2015 de l’activité
extrémiste en Jordanie, alors que les
conséquences de la guerre en Syrie se
faisaient ressentir dans tout le pays,
donnant naissance à un nombre croissant
de cellules terroristes et de tentatives
d’attentats.
Les chiffres
parlent d’eux-mêmes. La Jordanie est le
troisième plus gros fournisseur de
combattants étrangers au sein du
« califat de l’Etat Islamique ». On
estime à 3000 le nombre de militants
jordaniens qui ont rejoint les rangs de
ce groupe, prouvant ainsi la possibilité
réelle d’une radicalisation du pays.
De plus, un rapport
publié en 2017 par le Centre
international d’étude de la violence
extrémiste explique en détail que si
les Jordaniens sont attirés par Daech
à cause du chômage et de la pauvreté
ambiante, l’exclusion, la mauvaise
gouvernance et l’éducation religieuse
jouent un rôle prépondérant dans leur
recrutement et adhésion. A cela s’ajoute
le fait que de nombreux Jordaniens
pensent qu’il est de leur devoir de
défendre leurs coreligionnaires sunnites
en Syrie.
Puisque Daech
recule à la fois en Syrie et en
Irak, nous pouvons nous attendre à un
retour des combattants étrangers dans
leur pays d’origine. Dans le cas de la
Jordanie, 250 d’entre eux sont déjà
rentrés. Jusqu’à présent, Amman a réussi
à déjouer les attentats mais ce sera de
plus en plus difficile une fois que les
« alumni » jordaniens de la
guerre en Syrie seront revenus. Ces
combattants étrangers, armés de
l’idéologie nocive de l’Etat
Islamique, entraînés au combat et
avec une expérience solide du terrain,
auront la capacité de recruter et de
mobiliser directement les populations
vulnérables ou de les influencer à
travers des intermédiaires ou
connections familiales.
La population la
plus à risque est sans doute celle des
réfugiés syriens dans la pays. En
février 2018, on en dénombrait 657 628
en Jordanie, soit environ sept pour cent
de la population totale du pays estimée
à 9,5 millions. Ils vivent dans des
conditions effroyables, sont entassés
dans des camps surpeuplés où sévissent
faim, pauvreté et crime, autant de
facteurs importants pouvant contribuer à
leur radicalisation.
La politique
anti-terroriste du pays fait quant à
elle l’objet de vives contestations. La
Jordanie a par exemple criminalisé
l’adhésion ou même la promotion
d’organisations terroristes, y compris l’Etat
Islamique. Mais cette approche
sécuritaire « dure » a rendu
difficile pour les autorités à Amman
d’endiguer le recrutement ou de
s’engager de façon proactive dans la
compétition idéologique.
Cela dit, le
royaume hachémite commence à recevoir de
l’aide dans ce domaine. En mars 2018, le
pays s’est associé aux Etats-Unis pour
inaugurer un centre d’entraînement
anti-terroriste au sud d’Amman. Celui-ci
a pour mission de renforcer la capacité
de la Jordanie à combattre le terrorisme
intérieur, et s’accompagne d’une aide
militaire de 350 millions de $ sur 4
ans.
Mais cet effort est
tout récent et doit encore faire ses
preuves, à savoir renforcer la situation
sécuritaire de la Jordanie. Il est aussi
exceptionnel dans la mesure où la
communauté internationale n’a jusqu’à
présent prêté que peu d’attention à la
Jordanie, préférant concentrer ses
efforts sur le démantèlement du califat
de l’Etat islamique en Syrie et
lutter contre les combattants de
Daech qui rentrent au pays.
C’est là une belle
erreur. Il est de plus en plus clair que
la Jordanie avec ses populations
hautement vulnérables et son exposition
à l’islamisme est un candidat idéal à la
subversion. L’Etat Islamique ne
le sait que trop bien. L’attaque
terroriste de Salt doit servir d’alarme
à la communauté internationale aussi.
*Source :
nationalinterest.org
Traduction et
Synthèse : Z.E pour
France-Irak Actualité
Le sommaire de Gilles Munier
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|