L'actualité du
droit
Ça se complique pour Erdogan
Gilles Devers

Mardi 29 mars 2016
Le 17 décembre 2013,
Reza Zarrab, un jeune homme
d’affaires turc, proche du pouvoir, est
arrêté avec des dizaines personnes
issues des hauts cercles de l’AKP pour
des faits de trafic d'or avec l'Iran.
Une sale affaire, qui met en cause
des ministres du gouvernement Erdogan.
Quatre d'entre eux ont dû dégager, dans
un contexte politique délétère, avec la
publication d’écoutes téléphoniques
entre Erdogan et son fils Bilal qui
puent l'argent. Pour Erdogan, c’était un
complot mené par son ex-allié l'imam
Fethullah Gülen, dont les réseaux
sont restés très influents. Gülen qui
vit en Pennsylvanie, et que les
Etats-Unis refusent d’extrader.
Erdogan a entrepris les grandes
manœuvres,
frappant dans les services de la police
et de la justice pour détruire ces
réseaux honnis. Reza Zarrab n’a fait que
deux mois de prison, et il a été lavé
des accusations de trafic d’or et
blanchiment d’argent. Quelques mois plus
tard, Erdogan a été élu président.
En Iran, l'associé iranien de
Zarrab, le fortuné Babak Zanjani, a été
condamné à mort.
Affaire classée ? Pas pour tout
le monde.
La semaine dernière Zarrab est
parti en vacances en Floride,… une bien
mauvaise idée. A son arrivée à Miami, il
a été interpellé sur décision du
procureur du
district sud de New York,
Preet Bharara, et conduit devant un
juge du tribunal fédéral de Miami qui
l’a inculpé et incarcéré. Il était en
compagnie de deux Iraniens, Camelia
Jamshidy, 29 ans, et Hossein Najafzadeh,
65 ans, inculpés mais laissés en
liberté. Tous
trois sont accusés d'avoir, entre
2010 et 2015, manœuvré pour contourner
les sanctions US contre l’Iran, en
camouflant des transactions financières
de centaines de millions de dollars à la
banque Mellat, une banque
privée iranienne, et à la compagnie
nationale pétrolière iranienne, par le
biais de sociétés installées en Turquie
comme la Royal Holding, Durak Döviz
Exchange, Asi Kiymetli Madenler Turizm
Otom, ECB Kuyumculuk Ic Ve Dis Sanayi
Ticaret Limited Sirketi, Günes General
Trading LLC…

En Turquie, tout le monde a
senti ce qui se passe. Kemal
Kiliçdaroglu, leader (fatigué) de la
gauche, s’est réjoui : « Zarrab a été
arrêté. Et je suis certain que certains
ne vont pas pouvoir dormir cette nuit.
Il va parler là-bas, vous verrez. Tous
les liens cachés vont éclater au grand
jour. » La presse hostile au régime est
sur la même ligne. Diego Rodriguez,
directeur adjoint en charge du bureau de
New York du FBI ajoute : « Les
accusations annoncées aujourd'hui
devraient être un message à l'adresse de
tous ceux qui essaient de cacher
l'identité de leurs véritables
partenaires ».
Cette affaire tombe au plus mal
pour Erdogan, alors qu’il est sévèrement
fâché avec la Russie, vu sa position
dans le conflit syrien et la fameuse
destruction d’un chasseur, et avec les
Etats-Unis, qui font des Kurdes leurs
alliés. Hier, Israël a invité ses
ressortissants à
quitter la Turquie.
Erdogan se rend cette semaine à
Washington pour une conférence sur la
sûreté nucléaire, et il avait laissé
entendre que ce serait l’occasion d’une
rencontre avec Obama. Hier,
les services de la présidence US ont
fait savoir qu’une telle rencontre
n’aurait pas lieu. Samedi, dans une
allocution, Obama a souligné que le
sommet sur la sécurité nucléaire sera
aussi l'occasion d'évoquer la lutte
contre Daech et de « s'assurer que le
monde reste uni dans cet effort ».
Dis, Erdogan, pourquoi tu
tousses ?
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