L'actualité du
droit
Syrie : Le grand retournement
français
Gilles Devers
Samedi 28 novembre 2015
En début de semaine, la
mainstream class nous vantait le
marathon diplomatique de Hollande,
suite au discours du Congrès où il avait
annoncé la création d’une
coalition unique contre Daech, avec
standing ovation de nos parlementaires
décervelés. A la fin de la semaine,
Fabius annonce que la France est prêtre
à coopérer avec l’armée nationale
syrienne, sous les ordres donc de Bachar
El-Assad.
Un écroulement prévisible, mais
spectaculaire et lourd de conséquences.
Petit
retour en arrière ?...
La politique française a
toujours été la nécessité de renverser
le régime de Bachar El-Assad.
En septembre 2013, Hollande
entonnait la rhétorique de George W.
Bush, voulant bombarder Damas : « La
France est prête à punir ceux qui ont
pris la décision infâme de
gazer des innocents. Le massacre
chimique de Damas ne peut rester sans
réponse».
L’ONU avait dit non, et
Obama l’avait lâché.
Le 1er octobre 2015,
le ministère des affaires étrangères
avait manœuvré pour l’ouverture d’une
enquête préliminaire par le parquet de
Paris pour «
crimes de guerre » contre le régime
Assad, Fabius étant grandiose : « Face à
ces crimes qui heurtent la conscience
humaine, à cette bureaucratie de
l’horreur, face à cette négation des
valeurs d’humanité, il est de notre
responsabilité d’agir contre l’impunité
de ces assassins ». Le 25 aout, Hollande
souhaitait la « neutralisation
de Bachar El-Assad ». Le 27
septembre, Hollande affirmait à
la tribune de l’ONU vouloir battre
Daech, mais sans El-Assad.
Le 5 octobre, Hollande
affirmait comme évidence que « Monsieur
Poutine n’est pas notre allié ».
Des
déclarations en nombre,… jusqu’à hier
Aujourd’hui, les « assassins »
sont appelés à la rescousse par
Fabius, sur RTL : « Il y a deux
séries de mesures : les bombardements,
et des forces au sol qui ne peuvent pas
être les nôtres, mais qui peuvent être à
la fois des forces de l’Armée syrienne
libre, des forces arabes sunnites, et
pourquoi pas des forces du régime, et
des Kurdes également bien sûr ».
Le chef de la diplomatie
syrienne, Walid Mouallem, a salué les
déclarations de Fabius : « Mieux vaut
tard que jamais. Si Fabius est sérieux
concernant l’idée de travailler avec
l’armée syrienne et avec les forces sur
le terrain qui combattent Daech, alors
nous saluons» cette position. Mais cela
nécessiterait un changement fondamental
dans leur manière de gérer la crise».
Libération,
le plus guerrier de nos journaux, marque
son écœurement : « C’est une
magnifique victoire diplomatique pour
Bachar al-Assad ».
Il faut dire que le marathon
diplomatique de Hollande a été
calamiteux. Seul Cameron a
bronché, mais il doit passer par un vote
des Communes, et c’est loin d’être
acquis. En fait, il cherche surtout à
mettre en difficulté le nouveau leader
travailliste,
Jeremy Corbyn. Obama a fait une
déclaration, mais rien de plus. Merkel
s’est montrée sympathique mais elle ne
veut pas entendre parler du mot de
guerre, et elle a proposé l’envoi de 650
soldats… au Mali ! Renzi a fait
comprendre que l’Italie ne ferait rien,
et que la priorité était la Libye.
Hollande s’est rendu ni en Turquie, ni
en Irak, ni en Arabie-Saoudite. Il a
fini sa tournée par une visite à
Poutine, qui lui a rappelé vertement
l’excitation française contre la Russie,
avec les
gels d’avoir, les
mesures antiéconomiques, la
surenchère
au sein de l’OTAN, et un discours
d’une incroyable hostilité… allant
jusqu’à contester le principe de la
visite de Sarkozy en Russie il y a
trois semaines.
Ce que nous constatons, quel
que soient nos points de vue, c’est que
la politique française depuis juin 2012
en Syrie s’est fracassée sur les
réalités. Et la suffisance de Fabius
pour annoncer comme si rien n’était ce
retournement de la France… sidérant ! On
attend maintenant les nouvelles
contorsions de ces girouettes pour
expliquer ce revirement à
l’Arabie-Saoudite, au Qatar et à Israël,
à tous ceux - surtout ceux vivant là-bas
- qui avaient cru à ce choix politique.
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