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Actualités du droit

L’apologie à la sauce Hollande :
La liberté d’expression menacée

Gilles Devers


Photo: D.R.

Mardi 27 janvier 2015

Amnesty International a eu raison de publier un communiqué pour dénoncer les dérives autoritaires de la justice du Maréchal-Président Al-Sissi… Euh, non du socialiste-libéral Hollande… C’est tout le problème : le matin, c’est « la liberté d’expression non négociable », et le soir soixante-dix arrestations pour apologie de crime terroriste, sans compter les conseils de discipline pour les élèves, qui incités à s’exprimer, n’ont pas dit ce qu’il fallait.

Ecoutons John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International : « Les États sont tenus, en vertu du droit international relatif aux droits humains, d’interdire tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Mais les infractions définies de manière vague, comme « l’apologie du terrorisme », risquent de criminaliser des propos ou diverses formes d’expression qui, tout en étant indéniablement choquants pour de nombreuses personnes, ne vont pas jusqu’à constituer une incitation à la violence ou à la discrimination. Les traités internationaux sur la prévention du terrorisme prévoient la criminalisation de l’incitation à commettre un acte terroriste. Cependant, une notion comme « l’apologie du terrorisme » risque d’être utilisée pour criminaliser des propos tenus sans l’élément intentionnel nécessaire à la définition d’une infraction et sans qu’ils soient directement susceptibles de provoquer des violences de ce type. Certains des cas récemment signalés en France ont peut-être dépassé le seuil au-delà duquel il devient légitime d’engager des poursuites, en dépit de la liberté d’expression. Mais d’autres cas ne remplissent pas ces conditions, même si les paroles prononcées sont révoltantes ».

John Dalhuisen conclut : « La liberté d’expression ne doit pas être réservée à certains. L’heure n’est pas à l’ouverture de procédures inspirées par des réactions à chaud, mais bien plutôt à la mise en place de mesures réfléchies qui protègent des vies et respectent les droits de tous ».

Amnesty cite le cas d’un homme qui hurle en pleine rue « Je suis fier d’être musulman, je n’aime pas Charlie, ils ont eu raison de faire ça », ou bien celui d’un homme arrêté pour conduite en état d’ivresse qui aurait crié aux policiers « Il devrait y en avoir plus, des Kouachi. J’espère que vous serez les prochains », ou encore un homme interpellé dans un tramway pour défaut de titre de transport, aurait lancé aux contrôleurs « Les frères Kouachi, c’est que le début, j’aurais dû être avec eux pour tuer plus de monde ». La presse en a rapporté bien d’autres. Des propos débiles et outrageants, et l’outrage est une infraction, bien dans l’esprit Charlie qu’a bien résumé mon excellent confrère Richard Melka, avocat  du journal : « Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, et les pires horreurs, et on les dit, sur le christianisme, le judaïsme et l'islam, car au-delà de l'unité des beaux slogans, c'est ça la réalité de Charlie Hebdo ». Journal qui se proclame irresponsable.

Bien sûr, je ne vais me prononcer sur le principe des condamnations… car je ne suis pas juge, et que je n’ai pas les PV. Je ne vais pas me prononcer non plus sur les sanctions, car si elles sont plus que sévères, elles entrent évidemment dans ce qu’avait prévu cet inconséquent de Législateur, faisant passer avec la loi du 13 novembre 2009 l'apologie du statut d’abus à la liberté d’expression, à une infraction de droit commun, et donc au jugement en comparution immédiate. C’est une loi grave, qui vise à limiter la liberté d’expression. La loi n’a pas changé la définition de l’apologie, et le couard de Législateur croit éviter la critique, alors tout change avec cette déclassification.

D’abord, dans la vraie vie, jamais le parquet n’aurait osé saisir la célèbre et si classe 17° chambre, qui traite du droit de la presse, de telles élucubrations rotées par des ivrognes ou des déficients mentaux. Jamais. C’aurait été zéro procédure engagée, et le but est donc bien de jouer sur la procédure pour poursuivre ce qui en l’était pas.

Ensuite, en droit de la presse, la procédure oblige à prendre du temps, à juger sans urgence, pour réfléchir, placer le propos dans son contexte et jauger s’il y a vraiment abus.

Quand Antonin Arthaud écrit un fantastique poème contre une loi sur les stupéfiants, sommant le Législateur d’avaler sa loi, fait-il l’apologie de la toxicomanie ? Mais il faut alors saisir tous les exemplaires de L’ombilic des Limbes, et les brûler. Et quand Boris Vian appelle à la désertion, on passe ses livres, dans la Pléiade, au pilori ? Et Mein Kampf, nous sommes trop bêtes pour le lire ?

Avec ces procédures en comparution immédiate, toute répression devient possible, car le juge doit prendre en compte que la volonté du Législateur, soit supprimer les précautions de la loi sur la presse. Il n’est pas facile pour les personnes poursuivies de demander un délai, car elles risquent de se faire entauler en attendant le procès, et elles n’auront peut-être pas trop envie de faire appel, après ce jugement express marqué par la sidération Charlie. Pourtant les arguments ne manquent pas.  

Le premier point est de faire la différence entre l’outrage, qui a toujours été un délit de droit commun, car il n’a rien à voir avec l’expression des idées, et l’apologie qui, par son contenu, est du registre des idées, rappelant la jurisprudence Handyside (CEDH, 7 décembre 1976, n° 5493/72) selon laquelle doivent être protégées toutes les idées et même « celles qui heurtent, choquent ou inquiètent ». Oui, à partir du moment où on a à faire à des « idées », et non pas à du dégueulis de mots. Mon vieux traité de droit pénal, Merle et Vitu, explique : « Alors que la provocation tend à obtenir la commission d’un acte délictueux déterminé, l’apologie ne cherche pas à atteindre ce but : elle n’agit que d’une façon indirecte, en semant dans le public les germes d’une détérioration grave du sens moral ou civique ou en troublant les esprits ».

La jurisprudence de la Cour de cassation est bien dans ce sens : « Constitue une apologie de crime de guerre la publication d’un texte de nature à porter un jugement de valeur morale favorable aux dirigeants du parti national socialiste allemand condamnés comme criminels de guerre par le Tribunal de Nuremberg » (Cass. crim. 14 janvier 1971, Bull, n°14 p. 30). Encore : « L’apologie suppose que les propos incriminés constituent une justification du crime considéré » (Cass. crim. 12 avril 2005, Bull. n° 128 p. 446).

C’est donc le premier écueil, et il est sérieux : des propos abrutis, lâchés sous le coup de la colère, de l’alcool ou de faiblesse d’esprit ne « sèment pas dans le public les germes d’une détérioration grave du sens moral ou civique ou en troublant les esprits ». Il faut un minimum d’articulation d’idées et de volonté de marquer l’opinion publique pour passer de l’outrage à l’apologie.

Dans la tradition jurisprudentielle, la notion d’apologie a bien sa place dans la liberté de la presse, comme abus ou non de la liberté d’expression… mais c’est à peu près tout car la tradition jurisprudentielle sur la sanction de ce type de propos a été réduite à néant par la CEDH dans l’affaire Aussaresses (CEDH 15 janvier 2009, Orban, no 20985/05 ) où la Cour de cassation, condamnant le général et l’éditeur Orban pour apologie s’était pris un gadin d’anthologie.

Le général avait publié chez Orban l’ouvrage « Services Spéciaux Algérie 1955-1957 », où il nous racontait ce crime sous l’uniforme qu’était la torture en Algérie. Pour conclure que c’était sur ordre, et qu’il était bien d’avoir obéi, car la torture était alors nécessaire et justifiée. Ni compassion, ni larme à l’œil, ni regret, et au contraire « si c’était à refaire, je referai »… Pour la Cour de cassation, cette absence de distance était de l’apologie. Rien du tout, avait répondu la CEDH : le témoignage direct de quelqu’un qui dit ce qu’il pense, c’est une opportunité de connaitre son histoire et sa société, et ce propos n’encourt ni censure, ni sanction. Alors que reste-t-il pour l’apologie ? Pas grand-chose assurément.

Si je résume… Pour qu’il y ait apologie, il faut une idée, une élaboration de pensée articulant des arguments, et des propos débiles ou injurieux ne dépassent pas le stade de l’outrage. Ensuite, il ne suffit pas que l’idée soit odieuse ou admette le crime, il faut encore qu’elle sème dans le public les germes d’une détérioration grave du sens moral ou civique. L’apologie, c’est la phase 1 de l’incitation à la haine. Que le propos soit pourri ne suffit pas, il faut qu’il soit émis avec la volonté de frapper l’opinion, et d’amener à considérer comme légitime et moral un fait criminel.

Bref, on peut encore dire « mort aux cons » sans être accusé d’apologie de génocide.

 

 

   

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Source : Gilles Devers
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/...

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