L'actualité du
droit
Un gros malaise à propos de Daech
Gilles Devers
Mardi 26 juillet 2016
Nous allons essayer de rester rationnels
cinq minutes, et je compte sur votre
aide, car je pose une question simple,
qui nous intéresse tous : après deux ans
de guerre, pourquoi Daech n’est-il pas
encore éradiqué ? On parle de 20.000 à
30.000 combattants.
Si j’ai bien suivi,
Daech est combattu par le monde entier
depuis deux ans. Donc, les mecs ont à
leur trousse l’OTAN – les Etats-Unis en
tête –, la Russie et ses alliés, le
monde sunnite, et le monde chiite. Aucun
allié, ils sont en autarcie diplomatique
et militaire. En termes de rapport de
forces, c’est du 99,9 contre 0,01 %.
Daech recule, c’est sûr, et sur place
des soldats jouent leur peau. Alors,
respect, mais quand même, il y a des
questions sérieuses qui se posent.
Daech dirige un
territoire en lambeaux, sans frontières,
sans structure d’Etat fiable, avec une
administration balbutiante, de nombreux
combattants étrangers, pour des
territoires – et des populations –
disparates. Au point de vue militaire,
ils ont des combattants courageux, voire
allumés, mais pas d’aviation, une
défense anti-aérienne embryonnaire, un
retard colossal dans la technologie,
notamment pour le renseignement, et un
armement qui doit avoir de sérieux
problèmes d’après-vente et d’entretien.
Au jour le jour, les forces de la
coalition occidentale d’une part, et
l’armée russe d’autre part, qui
contrôlent l’espace aérien de Daech,
tirent des milliers de photos qui
permettent de suivre la présence et
l’action des troupes de Daech, de
Mossoul à Raqqa. Pour en faire quoi ?
La guerre coûte
cher ? Certes, mais celle-ci bien moins
que celles conduites contre le Vietnam,
l’Afghanistan ou l’Irak. Et vu la
composition de cette immense coalition,
qui inclut les pays les plus riches,
dont nos amis saoudiens et qataris, il y
a de la monnaie, beaucoup et pas loin.
L’incapacité de
troupes étrangères pour reconquérir des
territoires essentiellement sunnites ?
C’est un problème sérieux, vu le bilan
là-bas. Après leurs actions désastreuses
au Moyen-Orient, on ne voit pas les
yankees accueillis à bras ouverts… Ni
les Iraniens, du fait de
l’instrumentalisation religieuse du
conflit, et parce que la guerre
Iran/Irak a à peine une génération. Ni
les dirigeants des pays sunnites de la
région, qui ont renoncé au patriotisme
arabe et à la solidarité internationale,
devenus des marionnettes dans la main
des occidentaux. Oui, il va falloir
faire de la vraie politique, pour créer
l’adhésion populaire, mais qui s’en
préoccupe ? Est-il vraiment impossible
de tenir un discours juste et crédible à
l’égard des populations du califat ?
Impossible de parler à ces familles, qui
au minimum, ne peuvent pas beaucoup
miser sur Daech pour donner un avenir à
leurs enfants ?
Voilà. Voilà
l’équation de cette guerre « impossible
à gagner », alors qu’elle est le « défi
de notre temps, avec la volonté de
détruire notre civilisation… ». Deux ans
à 99,9 contre à 0,01, pour quel résultat
réel ?
Alors, la question
se dédouble : quels intérêts pour des
responsables politiques qui jouent leur
avenir à court terme, en
instrumentalisant les enjeux de Daech,
contre l’intérêt de leurs peuples, et
contre l’intérêt de nos amis qui,
là-bas, subissent l’ordre de Daech ?
C’est une question.
Aujourd’hui, nous
n’avons ni toutes les cartes, ni le
dessous des cartes. Mais un jour où
l’autre, les informations seront rendues
disponibles, avec des comptes à
demander.
Le sommaire de Gilles Devers
Les dernières mises à jour
|