L'actualité du
droit
Abbas aux funérailles de Péres
Gilles Devers

Samedi 1er octobre 2016
Les
dirigeants israéliens n’étaient pas
présents aux funérailles de Yasser
Arafat, mais Abbas était présent à
celles de Shimon Péres. Et il y était
le seul dirigeant arabe... Même
l’Egypte, pourtant signataire d’un
traité de paix avec Israël, n’avait
mandaté que son ministre des affaires
étrangères. Péres le père de la
colonisation et du nucléaire israélien,
que lui avait refilé la Gauche
française, en
rupture avec la politique française. Pour
se rendre à Jérusalem, Abbas a du
mendier un sauf-conduit, imposé par les
sinistres accords d’Oslo… Voilà où en
est la « direction » palestinienne…
Il y a
une vision israélo-étatsunienne des
évènements, parfaitement mise en lumière
par la presse mainstream
européenne. Et puis il y a la réalité de
ceux qui vivent la réalité, et les faits
parlent. Pas un seul dirigeant arabe n’a
osé se rendre à Jérusalem pour une
raison simple : cela aurait causé un
soulèvement dans leur pays. Tous ont
renoncé, parce que tous ont peur de leur
peuple, et parce que les peuples arabes
ont de la mémoire. Prix Nobel de la
Paix…
Pour
donner de l’info, je n’ai pas besoin
d’aller loin. Je vous livre quatre
articles publiés dans le très
institutionnel quotidien L’Orient –
Le Jour.
1/
Massacre de Cana, colonisation, accords
d'Oslo... Shimon Peres en quelques
points
Article publié le 28 septembre 2016,
avec un excellent reportage de France 2.
Timour
Goksel, porte-parole de la Finul,
racontera aux journalistes du Monde,
après le massacre, que les combattants
du Hezbollah, "postés à 300 mètres du QG
fidjien", avaient "tiré deux salves de
roquettes Katioucha sur le nord
d'Israël, quelques instants avant le
bombardement israélien de Cana". "Nous
avons demandé à plusieurs reprises aux
Israéliens de faire cesser ces tirs sur
le QG fidjien en leur disant que nous
avions des victimes civiles, mais en
vain. Les Israéliens connaissent
parfaitement l'emplacement du QG du
contingent fidjien, vaste et visible, et
savaient parfaitement qu'il abritait des
civils", avait ajouté M. Goksel.
Réunis
à Moscou dans le cadre d'un sommet du
G7, les leaders des grandes puissances
disent leur indignation après le
carnage.
Une
mission d'enquête onusienne, menée après
le massacre, a conclu, dans un rapport
publié en mai 1996, qu'il "était peu
probable que le bombardement du poste
onusien (à Cana) soit le résultat d'une
erreur technique et/ou procédurale
grossière". Le rapport avait été
qualifié, par Israël d'"imprécis" et de
"partial".
Dans
un autre rapport, daté de septembre
1997, l'ONG Human RIghts Watch a
indiqué, après avoir mené une enquête
sur l'opération "Raisins de la colère",
que "l'absence de prise de précautions
avant l'attaque ainsi que les méthodes
d'attaque choisies par l'armée
israélienne font qu'Israël a violé la
loi internationale sur l'humanitaire.
Israël n'a pas rempli ses obligations
qui consistent à ne pas mettre en danger
des civils lors de la conduite
d'opérations militaires". HRW rappelle
que l'attaque s'est poursuivie alors
même que la Finul avait alerté Israël
que c'est un poste onusien qui était
bombardé. "Enfin, les déclarations
d'Israël selon lesquelles il n'avait pas
connaissance de la présence de centaines
de civils dans le poste onusien de Cana
ne sont pas crédibles", précise HRW. "La
décision, prise par ceux qui ont
planifié l'attaque, d'opter pour un
mélange d'obus d'artillerie hautement
explosifs, dont des bombes
anti-personnelles, destinés à faire un
maximum de dommages, violent les
principes clés du droit humanitaire
international", note encore HRW.
HRW
avait également accusé le Hezbollah
d'avoir violé les règles de la guerre,
en visant des concentrations de civils
en Israël, et en tirant ses roquettes à
partir de zones proches de foyers de
civils au Liban-Sud.
Lors
de l'opération "Raisins de la colère",
peut-on lire
dans
un rapport de l'ONG Human Rights Watch daté
de septembre 1997, les pilotes
israéliens ont mené 600 raids et les
unités d'artillerie ont tiré quelque
2500 obus en territoire libanais. 154
civils ont été tués au Liban, et 351
blessés. Le Hezbollah, pour sa part, a
tiré 639 roquette katiousha en
territoire israélien. Trois Israéliennes
ont été sérieusement blessés.
Peres et la colonisation
Alors
ministre de la Défense, M. Peres avait
cautionné dans les années 70 en
Cisjordanie occupée les premières
colonies, ces implantations considérées
comme illégales par l'ONU qui ont
proliféré depuis et sont largement
considérées comme un obstacle à la paix.
M. Peres avait ainsi déclaré que les
colonies étaient "les racines et les
yeux d'Israël".
Avec
le temps, M. Peres avait eu des
déclarations différentes sur la
colonisation. En 2012, le président
Peres avait dénoncé les dangers d'une
colonisation à tout-va sur l'avenir
d'Israël. Le président, opposé à
l'option d'un Etat binational, avait
déclaré en juillet 2012, que les
"implantations dans des zones à forte
densité arabe pourraient provoquer un
changement démographique dont nous
ferions bien de tenir compte". "Sans une
majorité juive, il est douteux qu'un
État juif puisse rester juif", avait-il
aussi averti à un moment où il craignait
une accélération de la colonisation en
Cisjordanie.
En
mars 2013, lors d'une tournée
européenne, M. Peres, alors toujours
président, avait néanmoins rejeté les
critiques de l'UE sur la colonisation
israélienne. Alors que président du
Conseil européen Herman Van Rompuy
rappelait l'opposition de l'UE à
l'expansion illégale de la colonisation,
Shimon Peres avait répondu que ce
n’était pas la colonisation israélienne
mais le "terrorisme" qui entravait le
chemin vers la paix.
Le
père du programme nucléaire israélien
A la
direction générale de la Défense, M.
Peres a jeté les fondations du programme
nucléaire israélien et œuvré à la
construction du réacteur de Dimona, avec
la France comme fournisseur majeur. Il
se créditait d'avoir instauré à l'époque
la politique, toujours en vigueur,
d'ambiguïté de la part d'Israël sur le
fait qu'il aurait ou non l'arme
nucléaire. Peres a justifié la
construction de Dimona par la pénurie de
ressources énergétiques en Israël, mais
a aussi invoqué les vertus de dissuasion
du réacteur. "Je n'ai aucun doute sur le
fait que Dimona a conféré à Israël une
dimension de dissuasion. Pour moi,
Dimona a constitué le premier pas vers
Oslo", disait-il en 2014.
Le
protégé de Ben Gourion
Né en
1923 au sein d'une famille aisée dans ce
qui était alors la Pologne et
aujourd'hui le Bélarus, M. Peres a
émigré en 1934 vers la Palestine sous
mandat britannique.
Très tôt engagé en politique au
kibboutz, il avait rejoint en 1947 la
Haganah, la devancière de l'armée
israélienne et avait été pris sous son
aile par David Ben Gourion, qui proclama
l'Etat d'Israël. Elu au Parlement en
1959, il y a servi quasiment sans
discontinuer jusqu'à son accession à la
présidence en 2007.

2/
Massacre de Cana : « un cauchemar ! »,
se souvient Timur Goksel,
ex-porte-parole de la Finul et témoin
Article publié le 28 septembre 2016
L'ancien président israélien Shimon
Peres, décédé dans la nuit de mardi à
mercredi, était Premier ministre en 1996
lorsque l'armée israélienne bombarda un
camp de l'Onu au Liban-Sud. Timur Goksel,
porte-parole de la Finul à l'époque, se
souvient de ce jour-là, dans un
entretien à L'Orient-Le Jour.
Suite
à l'annonce du décès, dans la nuit de
mardi à mercredi, de l'ancien président
israélien Shimon Peres, les hommages ont
afflué, à travers le monde, pour saluer
la mémoire d'un artisan de la paix. En
1994, alors qu'il était le chef de la
diplomatie israélienne, Shimon Peres
avait reçu le prix Nobel de la paix,
avec le chef de l'OLP, Yasser Arafat, et
le Premier ministre Yitzhak Rabin. Cette
prestigieuse décoration venait couronner
"les efforts" des trois hommes "en
faveur de la paix au Moyen-Orient" qui
s'étaient concrétisés, un an plus tôt,
par le premier accord d'Oslo. Cet accord
jetait les bases d'une autonomie
palestinienne et offrant un espoir de
règlement du conflit. Espoir largement
évanoui, 23 ans plus tard.
Si
nombreux sont donc ceux à avoir salué,
aujourd'hui, la mémoire de l'ancien
faucon devenu partisan de la paix, au
Liban, le parcours de Shimon Peres
suscite plus d'amertume. Ce dernier
était en effet Premier ministre lorsque
fut lancée, le 11 avril 1996,
l'opération militaire "Raisins de la
colère" dont l'objectif était d'éliminer
des cibles situées en territoire
libanais afin de détruire ou fragiliser
le Hezbollah, qui menait une guérilla
anti-israélienne depuis le Liban-Sud,
alors occupé par l'armée israélienne.
C'est dans le cadre de cette opération,
qui prendra fin le 27 avril, que fut
perpétré, le 18, le massacre de Cana. Ce
jour-là, l'armée israélienne bombarde un
camp onusien accueillant des déplacés
près de ce village du Liban-Sud. 106
civils, dont des femmes et des enfants,
sont tués. Des dizaines d'autres sont
horriblement mutilés.
A
cette époque, Timur Goskel était le
porte-parole de la Force intérimaire des
Nations unies au Liban (Finul). Pour
L'Orient-le Jour, il revient sur cette
journée tragique.
"On
nous bombarde"
"J'étais dans mon bureau à Naqoura, ce
jour-là. Comme d'habitude, mon poste
radio était constamment allumé, se
souvient-il. Dans un premier temps, je
ne comprends pas ce qui se passe. Puis,
je reçois un appel d'un officier
libanais posté à proximité du camp de
déplacés de Cana. +Nous sommes attaqués,
on nous bombarde, me lance-t-il en
pleurant+".
Au
même moment, le contingent fidjien de la
Finul, en charge du poste de Cana,
essuie un barrage de tirs lancé par
l'artillerie israélienne positionnée
derrière la frontière libanaise. "34
obus se sont abattus sur le camp où se
trouvaient entre 700 à 800 déplacés
libanais qui étaient sous protection de
la Finul. Les projectiles explosaient
dans l'air pour faire un maximum de
victimes", se souvient l'ex-responsable
onusien.
Comprenant que l'affaire est grave,
Timur Goksel envoie son assistant sur le
terrain afin de s'enquérir de la
situation. "Nous (la Finul, ndlr) avons
envoyé toutes nos équipes médicales afin
de porter secours aux victimes. Nous
avons également appelé en renfort nos
équipes situées dans la ville de Tyr".
"Nous
ne comprenions pas pourquoi le
contingent fidjien était bombardé par
les Israéliens. Ces derniers savaient
qu'il n'y avait que des civils et des
militaires de la Finul dans la zone. Ils
avaient les cartes de la zone. En outre,
un drone ainsi que plusieurs
hélicoptères israéliens survolaient la
zone".
Suite
au massacre, Israël a évoqué une erreur
technique. "Dire que c'était une erreur
n'est qu'un mensonge", lance Timur
Goksel.
Une
enquête menée par l'Onu après le
massacre, parviendra à la conclusion
suivante en mai 1996 : "On ne peut
écarter totalement cette hypothèse, mais
il est très peu probable que le
bombardement du poste des Nations unies
(à Cana) soit le résultat d'une
grossière erreur technique et ou de
procédure".
Les
Israéliens avaient également justifié
leur bombardement en évoquant des tirs
du Hezbollah provenant de la région de
Cana.
"Plusieurs éléments du Hezbollah ont
tiré sept à huit obus de mortier à
partir d'un vieux cimetière situé à
Cana. Mais ces obus ne pouvaient en
aucun cas atteindre le territoire
israélien", affirme M. Goksel. "Par
ailleurs, et contrairement à ce
qu'affirmait Shimon Peres à l'époque,
des soldats israéliens se trouvaient en
territoire libanais dans le village
voisin de Hanaouay. Ils y plantaient des
mines. Ce sont eux qui étaient visés par
le Hezbollah. Pris de panique, ils ont
réclamé l'envoi de renforts. Un
officier, en pleurs, a réclamé, par
radio, que l'artillerie israélienne
bombarde fortement."
"Il
ne s'agit pas d'une erreur"
L'armée israélienne, poursuit l'ancien
responsable de la Finul, voulant assurer
la sécurité de ses soldats, a donc lancé
une pluie d'obus sur le camp, et ce en
dépit de la présence de civils.
"La
plupart des victimes étaient des femmes
et des enfants. Les militaires fidjiens,
qui avaient été entraînés à réagir en
cas de bombardement, ont réussi à se
mettre à l'abri", raconte Timur Goksel.
"Ce fut la journée la plus
cauchemardesque de ma vie. Je suis allé
sur place, j'ai vu les corps des civils
tués...", lâche-t-il.
"Il ne
peut s'agir d'erreur. Ils (l'armée
israélienne) savaient ce qu'ils
faisaient. Ils ont paniqué et ont voulu
sauver leurs soldats", martèle Timur
Goksel. Israël a rejeté les conclusions
du rapport onusien, les qualifiant de
"partiales" et "imprécises".
3/
Shimon Peres couvert de sang palestinien
« des pieds à la tête »
Voici l’article de l’OLJ, du 15
septembre
Un
député arabe israélien a provoqué un
tollé en Israël en décrivant Shimon
Peres comme couvert de sang palestinien
« des pieds à la tête », détonnant dans
le concert de sympathie adressé au prix
Nobel de la paix victime d'un accident
vasculaire cérébral majeur.
« Il
est couvert de notre sang des pieds à la
tête", a écrit sur sa page Facebook
Basel Ghattas, député de la Liste arabe
unie, en parlant de M. Peres et des
Palestiniens. M. Ghattas est membre de
la communauté des Arabes israéliens,
c'est-à-dire des descendants des
Palestiniens restés sur leurs terres à
la création d'Israël, à la différence de
centaines de milliers d'autres.
Représentant 17,5% de la population
israélienne, de nationalité israélienne,
ils se disent communément Palestiniens.
Peres
a réussi « à se faire passer pour une
colombe de la paix, jusqu'à obtenir le
prix Nobel de la paix », a écrit M.
Ghattas. En réalité, il est « le
responsable direct de crimes et de
crimes de guerre à notre encontre » et
« l'un des piliers les plus anciens, les
plus méprisables, cruels, extrémistes du
projet colonialiste sioniste », a-t-il
dit.

4/
La poignée de main entre Netanyahu et
Abbas, vif débat chez les Palestiniens
Dans l’OLJ, ce 30 septembre
« Je
suis ravi de vous voir, cela faisait
longtemps », a assuré M. Abbas en
anglais au chef de gouvernement
israélien, avant de saluer son épouse
Sara Netanyahu, selon une vidéo diffusée
par le porte-parole du Premier ministre.
Les
deux hommes ne s'étaient pas serré la
main depuis le sommet sur le climat à
Paris il y a près d'un an. Et M. Abbas
ne s'était pas rendu en visite
officielle à Jérusalem depuis des
années, le président palestinien devant
bénéficier d'un accord spécial des
Israéliens pour aller dans la Ville
sainte.
Aucun
président arabe n'a fait le déplacement
vendredi. L'Egypte, l'un des deux seuls
pays arabes à avoir fait la paix avec
Israël, a dépêché son ministre des
Affaires étrangères.
Abbas
est venu accompagné du numéro deux de
l'Organisation de libération de la
Palestine (OLP) Saëb Erakat, qui a
participé aux négociations des accords
d'Oslo, pour lesquels M. Peres avait
obtenu le prix Nobel de la paix, aux
côtés du leader palestinien Yasser
Arafat et du Premier ministre israélien
de l'époque Yitzhak Rabin.
Abbas
avait salué mercredi la mémoire d'un
"partenaire pour la paix des braves". Il
a été vivement critiqué par le Hamas
pour sa venue aux funérailles de M.
Peres, un "criminel" pour le mouvement
islamiste et la rue palestinienne.
La
vidéo de la poignée de mains entre MM.
Abbas et Netanyahu était largement
partagée sur les réseaux sociaux. Le
débat faisait rage parmi les
Palestiniens, la grande majorité
condamnant le déplacement de M. Abbas.
Certains raillaient le fait que le
président ait dû solliciter les
autorités israéliennes pour obtenir un
laissez-passer, une procédure née des
mêmes accords d'Oslo.
Un
internaute, sous le nom Tweet Palestine,
dénonçait la venue d'Abbas "et de ses
mercenaires", lançant: "C'est sans
surprise que les criminels de guerre se
saluent entre eux".
Ali
Abunimah, militant et fondateur d'un
site d'information pro-palestinien très
suivi sur Twitter, s'insurgeait, lui, de
voir M. Abbas se lever au passage du
défilé entourant le cercueil alors que
"les mêmes forces de défense
israéliennes poursuivent leurs crimes
contre +son+ peuple".
"Le
président Abbas accomplit son devoir
pour son peuple et ne peut être blâmé
alors qu'il compose seulement avec la
réalité de l'occupation sioniste",
estimait pour sa part Brahim Boukala.
Malgré
les accords d'Oslo et la conversion à la
paix de cet ancien faucon, les
Palestiniens ont une image bien plus
sombre de l'homme qui a cautionné les
premières colonies juives de Cisjordanie
occupée et qui était Premier ministre
quand l'artillerie israélienne a
bombardé le village libanais de Cana,
tuant 106 civils en avril 1996.

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