L'actualité du
droit
Bébé palestinien assassiné :
Pourquoi la Palestine ne juge-t-elle pas
les coupables ?
Gilles Devers
Samedi 1er août 2015
Le crime a été signé par des
graffitis en hébreu « vengeance » et
« le prix à payer » sur les murs de la
maison. Les faits ont eu lieu dans la
nuit de jeudi à vendredi, peu après
minuit, dans le village de Douma près de
Naplouse, au nord de la Cisjordanie. La
famille Dawabcheh, un jeune couple et
ses deux enfants dormaient paisiblement.
Deux assassins se sont approchés, et ont
jeté dans la maison des produits
incendiaires. Un désastre. Ali, le petit
bébé de 18 mois est mort brulé vif, et
la mère, Riham, 26 ans, a été atteinte
de brûlures du 3° degré sur 90% du
corps. Le père Saad et l’autre fils
Ahmed, 4 ans, ont été aussi grièvement
brûlés, tous devant être hospitalisés.
Le père serait brûlé à 80% au 3° degré.
A ce stade, l'option est entre la survie
et une vie définitivement cassée.
Le lieutenant-colonel Peter
Lerner, porte-parole de l'armée
israélienne, a déclaré qu’une enquête
avait été ouverte, et qu’il s'agissait
de « rien de moins qu'un acte
de terrorisme barbare ». Netanyahu a
dénoncé un acte terroriste, et a appelé
Abbas pour lui dire que la justice
israélienne serait intraitable. En
soirée, Abbas a déclaré « douter
qu'Israël mette en œuvre une véritable
justice », ajoutant que « les
Palestiniens déposeraient samedi un
nouveau dossier pour crime de
guerre devant la Cour pénale
internationale ».
Tout ceci est écœurant, de A à
Z.
Un crime, ce sont des faits et
un contexte, toujours.
Le contexte, c’est celui du
mépris des droits du peuple palestinien
depuis 1947 et la colonisation organisée
par tous les gouvernements israéliens
depuis 1967, pour miner l’avenir d’un
Etat Palestinien. C’est le radicalisme
de Netanyahu qui jeudi encore autorisait
300 constructions nouvelles. Le
contexte, c’est donc 70 ans de politique
sioniste.
Les faits ? Ils sont hélas
simples, et encouragés par l’impunité.
En mai, l'ONG israélienne Yesh Din a
publié un rapport selon lequel 7,4%
seulement des plaintes déposées par les
Palestiniens contre les violences des
colons conduisent à des poursuites, et
un tiers débouche sur une condamnation.
Donc 2%. Hier, Ban Ki-moon a critiqué le
gouvernement israélien pour son «
incapacité persistante à faire cesser
l'impunité » des colons.
Aussi, la question qu’il faut
poser, au lieu de déclarations
tonitruantes maintes fois entendues, est
simple : alors que ce crime a été commis
en Palestine avec des victimes
palestiniennes, pourquoi le gouvernement
palestinien n’exige-t-il pas de juger
lui-même les auteurs ?
Les dirigeants palestiniens
dénoncent à longueur d’année les crimes
commis par la puissance occupante et
l’impunité qu’elle organise avec
méthode, mais jamais l’Etat de Palestine
n’a engagé lui-même les poursuites,
organisant une instruction judiciaire,
lançant des mandats d’arrêts et prenant
à témoin l’opinion mondiale devant un
Etat d’Israël qui refuserait de lui
livrer les criminels… Soixante-dix ans
de violation des droits, et pas un seul
procès,… il a quand même de sérieuses
questions à se poser !
Dans cette affaire, les colons
sont partis se terrer dans leurs
colonies, et ce n’est pas la police
palestinienne qui ira les débusquer.
Certes. Mais alors que Netanyahu a
annoncé un enquête exemplaire, pourquoi
le gouvernement de Palestine n’a-t-il
pas ouvert lui-aussi une information
judiciaire commis contre ses
ressortissants et sur son territoire, et
demandé que les criminels lui soient
livrés ? Pourquoi renoncer à l’idée de
juger les crimes des colons ? Des
décennies de colonisation, de crimes, et
jamais le début d’un procès... C’est
sidérant, et ça montre ce qu’il en est
réellement de la volonté d’exercer le
pouvoir d’Etat. C’est un constat, cruel
et tellement parlant.
Quant à l’histoire de
« transférer ce dossier à la CPI »,
arrêtons la mascarade. Il ne s’agit pas
de « transférer le dossier » mais de
porter plainte, et malgré la
ratification de traité de la CPI, qui
est pleinement compétente depuis juin
2014, le gouvernement de Palestine n’a
toujours pas déposé plainte pour
l’agression militaire commise il y a un
an sur Gaza, avec 2000 morts, des
blessés graves par milliers, et des
destructions de masse de biens civils.
C’est donc un transfert d’informations
sans plainte, et le seul but est de
duper l’opinion... et discréditer la
CPI. Alors qu’il s’agit de défendre les
droits les plus fondamentaux, ces
gesticulations sont pitoyables.
Qu’Abbas commence donc par
déposer plainte contre Netanyahu pour
les 300 constructions nouvelles
annoncées jeudi, au nom du crime de
colonisation (CPI, art. 8,2,b,viii).
Là, on le prendra au sérieux,... mais ce
n’est pas demain la veille.
Spectacle poignant que ce
peuple palestinien livré à lui-même, et
qui résiste.
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