BDSF34
Annonce du porte-parole de l’armée
israélienne :
« Continuez à tirer sur des enfants
palestiniens »
Gideon Levy
Abd el-Rahman Shatawi dans une unité de
soins intensifs d’un hôpital israélien
(Crédit :Alex
Levac)
Mardi 11 février 2020 10 février |Gideon
Levy pour Haaretz |Actualités
Des soldats
israéliens tirent sur des enfants.
Quelquefois ils les blessent et
quelquefois ils les tuent. Quelquefois
les enfants se retrouvent en mort
cérébrale, quelquefois handicapés.
Quelquefois les enfants ont lancé des
pierres aux soldats, quelquefois des
cocktails Molotov. Quelquefois, par
chance, ils se trouvent au milieu d’une
confrontation. Ils n’ont presque jamais
mis la vie de soldats en danger.
Quelquefois les
soldats tirent intentionnellement sur
des enfants, quelquefois par erreur.
Quelquefois ils visent les enfants à la
tête ou en haut du corps, et quelquefois
ils tirent en l’air et ratent, touchant
les enfants à la tête. C’est comme ça
quand un corps est petit.
Quelquefois les
soldats tirent avec l’intention de tuer,
quelquefois pour punir. Quelquefois ils
utilisent des balles ordinaires et
quelquefois des balles d’acier enrobées
de caoutchouc, quelquefois à distance,
quelquefois dans une embuscade,
quelquefois à bout portant. Quelquefois
c’est la peur, la colère, la frustration
et un sentiment de n’avoir pas le choix
qui les font tirer, ou une perte de
contrôle, quelquefois c’est de sang
froid. Les soldats ne voient
jamais leurs victimes après coup.
S’ils voyaient ce qu’ils ont causé, ils
seraient susceptibles d’arrêter de
tirer.
Les soldats
israéliens ont l’autorisation de tirer
sur des enfants. Personne ne les punit
pour avoir tiré sur des enfants. Quand
un enfant palestinien se fait tirer
dessus, on n’en fait pas une histoire.
Il n’y a pas de différence entre le sang
d’un petit enfant palestinien et le sang
d’un Palestinien adulte. Ni l’un ni
l’autre ne vaut grand’ chose. Quand un
enfant juif est blessé, tout Israël est
secoué, quand un enfant palestinien est
blessé, Israël bâille. Israël trouvera
toujours, toujours, une justification
pour le fait que des soldats tirent sur
des enfants palestiniens. Il ne trouvera
jamais, jamais, de justification pour le
fait que des enfants lancent des pierres
aux soldats qui attaquent leur village.
Depuis six mois, un
garçon nommé Abd-al-Rahman Shatawi est
en convalescence à l’hôpital de
réadaptation de Beit Jala. Depuis dix
jours, un de ses parents, Mohammed
Shatawi est à l’hôpital universitaire de
la Hadassah d’Ein Karem à Jérusalem.
Tous deux sont du village de Qaddum en
Cisjordanie. Des soldats israéliens ont
tiré sur eux en visant la tête. Ils ont
tiré à balles ordinaires, de très loin,
sur Abd-al-Rahman qui se tenait à
l’entrée de la maison d’un ami, ils ont
tiré sur Mohammed à balles enrobées
depuis une colline proche alors qu’il
essayait de se cacher de leur vue en bas
de cette colline. L’armée a dit qu’il
avait mis le feu à un pneu.
Abd al-Rahman a dix
ans et paraît petit pour son âge.
Mohammed a quatorze ans et paraît plus
âgé qu’il ne l’est. Ce sont les enfants
de la réalité palestinienne, tous deux
sont entre la vie et la mort. Leurs
parents et la vie de leurs parents ont
été détruits. Le père d’Abd-al-Rahman le
conduit à la maison de Beit Jala à
Qaddum une fois par semaine pour passer
le week-end au village, le père de
Mohammed ne s’écarte pas de la porte de
l’unité de soins intensifs en neurologie
de la Hadassah d’Ein Karem où il est
seul face à son fils et à son destin.
Aucun de ces enfants n’aurait dû être la
cible de tirs. Et ils n’auraient pas dû
être visés à la tête.
Après qu’Abd-al-Rahman
a subi ce tir, le porte-parole de
l’armée a dit que « lors de l’incident,
un mineur palestinien a été blessé ».
Après que Mohammed a subi ce tir, le
porte-parole a dit : « Nous avons
connaissance d’une réclamation sur un
Palestinien blessé par un tir de balle
en caoutchouc ». Le bureau a l’habitude
de ces plaintes. Le porte-parole de
l’armée est la voix des Forces de
Défense d’Israël. L’IDF est une armée du
peuple, donc le porte-parole de l’IDF
parle aussi pour Israël.
Les porte-parole
publient leurs déclarations qui vous
glacent le sang depuis une nouvelle tour
de bureaux de Ramat Aviv près de Tel
Aviv, où leur bureau a récemment
emménagé. Ils qualifient un enfant de
dix ans de « mineur palestinien » et
remarquent que « on connaît la
réclamation palestinienne » concernant
un garçon qui lutte pour sa vie parce
que des soldats ont tiré sur lui en
visant la tête. La déshumanisation des
Palestiniens a atteint les porte-parole
de l’IDF. Même des enfants ne suscitent
plus de sentiment humain tels que le
chagrin et la pitié, certainement pas
dans l’IDF.
Le bureau du
porte-parole de l’IFD fait bien son
boulot. Sa déclaration reflète l’esprit
des temps et du lieu. Il n’y a pas place
à l’expression du moindre regret pour le
fait de tirer sur des enfants en visant
la tête, il n’y a pas place à la pitié,
à des excuses, à une enquête ou à une
punition, et certainement pas à quelque
compensation que ce soit. Tirer sur un
enfant palestinien est considéré moins
grave que tirer sur un chien errant,
pour lequel il y a encore une chance que
quelqu’un fasse une enquête.
Traduction SF pour
Campagne BDS France Montpellier
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