Corse
Ayrault, Lebranchu
: La valse à deux temps
François Alfonsi
François
Alfonsi
Mercredi 18 décembre 2013
Ayrault à l'ouverture, Lebranchu à la
fermeture : le gouvernement ne sait
visiblement pas sur quel pied danser !
Alors que l'un débloque le dossier de la
Charte Européenne des Langues Régionales
et Minoritaires, l'autre verrouille lors
de l'émission Cuntrastu la perspective
de la co-officialité de largue corse
telle que demandée par une très large
majorité de l'Assemblée de Corse.
Jean Marc Ayrault a donné la semaine
dernière en Bretagne le feu vert pour
que soit inscrite à l'ordre du jour du
Parlement une « proposition de loi
constitutionnelle » afin de pouvoir
ratifier la Charte Européenne des
Langues Régionales et Minoritaires.
Pendant ce temps, Marylise Lebranchu
claironne, pour rejeter la demande de co-officialité
formulée par l'Assemblée de Corse :
"Je ne vois pas un ministre de la
République remettre en cause la
Constitution." Doit-on en conclure
que Jean Marc Ayrault n'est plus un
"ministre de la République"?
Car, comme le rappelle le journal le
Monde dans son édition du 15 décembre,
la promesse n°56 du candidat Hollande a
connu un parcours bien difficile face
aux "gardiens de la constitution", tant
et si bien que "au vu des réserves
émises par le Conseil d’État dans un
avis rendu le 5 mars, [François
Hollande] a[vait] renoncé à inscrire ce
point parmi les quatre projets de loi
constitutionnelle présentés en conseil
des ministres le 13 mars".
Donc, pour pouvoir ratifier la Charte
Européenne des Langues Régionales Jean
Marc Ayrault a décidé qu'il fallait
contourner la Constitution, mais pour
barrer la route à la co-officialité de
la langue corse, Marylise Lebranchu
déclare que la Constitution est
incontournable !
D'autant que l'article 2 de la
Constitution qu'elle met en avant,
« le Français est la langue de la
République », n'implique rien dans
son principe qui interdise à la langue
corse de pouvoir être langue co-officielle
en Corse. Le fait que l'Anglais soit
langue officielle sur tout le territoire
britannique n'empêche pas la langue
galloise d'être co-officielle au Pays de
Galles. Idem en Italie où l'allemand est
co-officiel au SudTirol, et où le
français « himself » est co-officiel au
Val d'Aoste.
En fait, la revendication de la co-officialité
du corse en Corse affirme de facto le
respect de la place qu'occupe le
français sur ce territoire particulier
de la République. Marylise Lebranchu
nous oppose en réalité une
interprétation de la Constitution telle
que la fait la tradition jacobine du
Conseil d'Etat, jurisprudence qui peut
être contestée, et même combattue par un
ajout lors d'une prochaine révision de
la constitution. C'est cette
jurisprudence qui a fondé l'avis rendu
le 5 mars dernier, à la suite duquel
François Hollande avait décidé le
retrait de son projet de ratification de
la Charte Européenne des Langues
Régionales et Minoritaires. Jean Marc
Ayrault, sous la pression conjuguée de
l'Europe (vote quasi-unanime du
Parlement Européen) et du terrain (en
Corse via l'Assemblée de Corse, en
Bretagne via les Bonnets Rouges, mais
aussi au Pays Basque, en Alsace, etc.)
appuie désormais une « proposition de
loi constitutionnelle » pour débloquer
la situation pour la Charte Européenne.
C'est très exactement ce que la Corse
demande au gouvernement pour la co-officialité
de la langue corse !
On le voit, tout est en fait question de
volonté politique. L'obstacle
constitutionnel réputé infranchissable
en mars pour la Charte Européenne est
levé en décembre par décision du premier
ministre. Pourquoi ne pourrait-il en
être de même au terme du dialogue engagé
suite à la délibération de l'Assemblée
de Corse ?
Ce que Marylise Lebranchu est venue
exprimer l'autre soir à
Cuntrastu, malgré ses dénégations du
genre « il n'y a aucun frein au
dialogue », c'est la volonté du
gouvernement de freiner des quatre fers
à propos de la Corse. Au printemps
prochain il y aura une très bonne
occasion de forcer le mouvement et de
desserrer tous ces freins : le vote des
Corses aux élections municipales. Ce
sera alors le « troisième temps »
de la valse !
François ALFONSI
Le
dossier Corse
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