Opinion
« Shalalit »
Fadwa Nassar
Photo:
D.R.
Lundi 30 juin 2014
C’est le surnom donné par les
Palestiniens à l’opération de
disparition des trois colons en
Cisjordanie. « Shalalit », c’est le
pluriel de Shalit, le soldat sioniste
capturé par la résistance à Gaza, il y a
plusieurs années et qui a été échangé en
2011 contre environ 1400 prisonniers
palestiniens. « Shalalit » c’est en
l’occurrence 3 Shalit, qui devraient
être échangés contre plusieurs centaines
de prisonniers détenus dans les prisons
sionistes dans des conditions
inhumaines.
L’opération « Shalalit » a soulevé
l’enthousiasme du peuple palestinien qui
l’a considérée comme la riposte juste et
nécessaire aux milliers d’enlèvements
d’enfants, de femmes, de jeunes et moins
jeunes pratiqués par l’occupant
sioniste. Elle est une riposte
nécessaire et souhaitée aux crimes
commis de sang-froid sur des jeunes
manifestants, aux barrages de
l’humiliation, aux bombardements de
Gaza, et surtout aux pratiques sadiques
de l’occupant à l’encontre des
prisonniers.
Depuis trois ans, les prisonniers
palestiniens sont en lutte, et notamment
les détenus administratifs, c’est-à-dire
les Palestiniens enlevés et incarcérés à
partir de dossiers secrets fabriqués par
les services de renseignements de
l’occupant. Les détenus administratifs
réclament leur libération. Mouvement
initié par sheikh Khodr Adnane, cadre du
mouvement du Jihad islamique, qui mena
une grève de 66 jours et fut libéré
grâce à sa détermination, le mouvement
prit de l’ampleur. Plusieurs détenus
administratifs furent effectivement
libérés, ou bien il leur fut accordé que
leur détention ne serait plus
renouvelée. La grève de la faim
exemplaire de Samer Issawi, cadre du
FDLP, a porté un coup au moral de
l’occupant, d’autant plus qu’elle fut
internationalisée et qu’elle a été
largement soutenue par le peuple
palestinien. Aujourd’hui encore, Ayman
Ibteich, cadre du mouvement du Jihad
islamique, poursuit la grève de la faim,
commencée il y a quatre mois. Il réclame
sa libération.
L’opération « Shalalit » fut le prétexte
que l’occupant attendait pour lancer une
des attaques les plus barbares contre le
peuple palestinien, en Cisjordanie, dans
la province d’al-Khalil surtout, où ont
disparu les trois colons. Accusant la
résistance, et notamment le Hamas, les
troupes de l’occupation ont arrêté, en
l’espace de deux semaines, plus de 585
Palestiniens, dont des cadres politiques
des organisations de la résistance, des
députés, d’anciens prisonniers libérés
en échange du soldat Shalit, mais les
trois colons sont restés introuvables.
La presse sioniste a même critiqué leur
gouvernement, soulignant que l’armée de
l’occupation et ses élites meurtrières
étaient plus occupées à réprimer et à
détruire qu’à rechercher les colons
disparus.
Malgré ou bien à cause de la férocité de
l’occupant, des assassinats (9 martyrs
palestiniens en Cisjordanie et à Gaza)
et des arrestations, le peuple
palestinien souhaite de tout cœur que
les colons aient été enlevés par la
résistance dans le but de les échanger
contre les milliers de prisonniers. Bien
qu’aucune organisation n’ait revendiquée
jusqu’à présent leur enlèvement, le
sentiment général est un soutien
indéfectible aux « ravisseurs »
résistants, malgré les déclarations du
président de l’Autorité palestinienne et
sa cour constituée de politiciens,
hommes d’affaires et intellectuels,
issus d’une élite sociale tirant
bénéfice de l’installation de l’Autorité
palestinienne.
Le fait que la disparition des colons
n’ait pas été revendiquée par aucune
organisation de la résistance a créé un
certain trouble au sein des journalistes
et analystes palestiniens et même
arabes. Certains, sous prétexte de
préserver le « bien-être » de la
population, ont non seulement dénoncé
quiconque pourrait être responsable d’un
enlèvement, mais ont remis en cause
cette thèse, accusant les sionistes de
l’avoir inventée de toute pièce pour
envahir et semer la terreur en
Cisjordanie. Il faut dire que les
sionistes pourraient le faire, et
l’invasion du Liban en 1982 avait pris
pour prétexte un pseudo-attentat contre
leur ambassadeur à Londres. Mais au fur
et à mesure que les jours passent, cette
thèse semble s’éloigner, donnant raison
à des intellectuels engagés qui avaient
immédiatement salué « l’enlèvement des
colons » pour les échanger contre les
prisonniers, d’autant plus qu’au cours
de l’année en cours, des dizaines de
tentatives ont été menées, par plusieurs
organisations (Hamas et FPLP entre
autres) pour kidnapper des sionistes
dans ce but. L’effervescence des
résistants a redoublé avec la plus
longue grève collective de la faim menée
par les prisonniers (2 mois) pour
réclamer l’abolition de la détention
administrative, au moment même où les
masses palestiniennes s’organisaient et
affrontaient l’occupant, en Cisjordanie,
dans al-Quds et les territoires occupés
en 48, autour de la question des
prisonniers.
Les déclarations répétées du président
Mahmoud Abbas et de ses ministres (Maliki,
entre autres) désavouant tout enlèvement
possible, pleurant sur le sort des « 3
jeunes » et accusant même quiconque
pourrait l’avoir mené (le Hamas surtout)
d’être l’ennemi à abattre, la
participation active des forces
sécuritaires de l’AP aux recherches
menées par l’armée sioniste et la
répression menée par ces mêmes forces
contre tout rassemblement solidaire des
prisonniers (les forces sécuritaires de
l’AP ont bousculé et frappé des mères et
épouses de martyrs et de prisonniers),
et les menaces proférées par ces mêmes
forces contre les anciens prisonniers
libérés (menaces de mort adressées au
prisonnier libéré Bilal Diab, qui avait
mené victorieusement une grève de la
faim contre sa détention
administrative), tous ces actes indignes
et classés normalement sous le chapitre
de la collaboration avec l’ennemi, ont
fait dire à Qaddoura Farès, ancien
prisonnier du mouvement Fateh et
président du Club des Prisonniers, que
la nouvelle intifada est en cours et
qu’elle prendra pour cible d’abord
l’Autorité palestinienne avant
d’affronter, librement et sans
contrainte, l’occupation sioniste.
L’enlèvement des colons par la
résistance palestinienne a instauré une
nouvelle phase de la lutte
palestinienne : certains ne veulent et
ne peuvent voir que la répression et les
crimes perpétrés par l’occupant et ont
perdu toute confiance en leur peuple et
en ses capacités combatives, mais les
masses aspirant à la liberté y voient
surtout une débandade de l’AP qui
cherche coûte à coûte à préserver sa
place d’intermédiaire entre l’occupant
et les Palestiniens, et un des plus
grands échecs de l’armée et de l’entité
sionistes qui proposent leurs aides aux
Kurdes irakiens et à la Jordanie, alors
qu’ils sont incapables de retrouver, en
Cisjordanie même, trois de leurs colons
disparus depuis une quinzaine de jours.
En admettant même qu’ils les retrouvent,
le fait de les avoir fait disparaître
pendant ces quinze jours est déjà une
grande victoire, comme l’écrit un ancien
chef militaire du Fateh, Mouin al-Taher.
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