Palestine
Le plan Prawer
menace tout le peuple palestinien
Fadwa Nassar
Mercredi 27 novembre 2013
Depuis plusieurs
mois, les Palestiniens vivant dans
les territoires occupés en 1948,
appelés « Israël », s’activent pour
dénoncer le Plan Prawer, plan conçu
pour expulser les Palestiniens
vivant dans le Naqab et démolir
leurs villages. Plus de 100.000
Palestiniens, en majorité des
bédouins sédentaires et
agriculteurs, et 35 villages
risquent d’être emportés par ce plan
d’épuration ethnique concocté par
une colonie de peuplement installée
sur la terre de Palestine.
Depuis la Nakba
palestinienne (1948), les
Palestiniens de la région du Naqab,
au sud de la Palestine occupée,
mènent une existence de « parias »,
dans un Etat colonial qui prétend
considérer tous les Palestiniens,
demeurés dans leur pays, comme
des citoyens. Mais dans l’Etat de
l’occupation, il y a les Juifs, des
colons venus d’ailleurs, et les
Palestiniens, la population
autochtone. Seuls les premiers sont
en réalité des citoyens coloniaux,
les autres n’étant que des individus
dont il faut se débarrasser coûte
que coûte, en attendant le moment
approprié.
Après plusieurs
plans, conçus dès les années 70,
soit après la fin du régime
militaire imposé aux Palestiniens
vivant en « Israël », dont la
population du Naqab, le Plan Prawer
a été voté en première lecture par
le Knesset, institution sioniste
parlementaire, à 43 voix contre 40.
Il prévoit de mettre fin
définitivement au problème posé par
la présence des Palestiniens dans
cette région, jugés dangereux pour
la « sécurité » de l’entité
coloniale, dangereux pour sa
démographie, sa colonisation, ses
plans militaires. En fait, la
présence des Palestiniens dans le
Naqab est devenue insupportable à
l’Etat sioniste. Le Plan Prawer veut
expulser ceux qui ont été désignés
par « envahisseurs des terrains de
l’Etat », détruire tout ce qui peut
les abriter et confisquer tout ce
qui leur permet de vivre.
Si les Palestiniens
du Naqab ont toujours été invisibles
aux yeux de l’Etat colonial,
aujourd’hui, ils sont devenus
« visibles » en tant que menace
sécuritaire. Invisibles, ils le
furent et le sont toujours quand il
s’agit de reconnaître leurs droits
en tant que Palestiniens vivant dans
cette région et ce pays depuis des
milliers d’années, quand il s’agit
de reconnaître leur droit à vivre
dans la dignité et à préserver leurs
terres ; ils sont invisibles aux
yeux de l’Etat quand il s’agit de
raccorder leurs villages aux réseaux
électriques et aux canalisations
d’eau, quand il s’agit de prendre en
compte leur présence et la présence
de leurs villages dans les
planifications régionales de l’Etat
colonial. C’est plutôt le contraire
qui se passe, les quelques pancartes
indiquant la direction de leurs
villages ont été arrachées, les
chemins de fer passent en plein
milieu des villages, comme s’il
n’existaient pas. Rien dans les
cartographies de l’entité sioniste
n’indique leur emplacement. Des
milliers de Palestiniens du Naqab ne
peuvent pas prétendre aux services
de l’Etat, n’ayant pu se faire
délivrer des papiers attestant
qu’ils vivent dans leur pays.
Les rendre
invisibles permet à l’Etat sioniste
de les expulser et de démolir leurs
villages, pour faire place aux
colonies, aux fermes coloniales, aux
forêts et parcs d’attraction du KKL
(fonds national juif), aux bases
militaires et aux prisons, sans
parler de la centrale nucléaire de
Dimona. L’Etat colonial a de grands
projets pour la région du Naqab,
comme il en a pour la Cisjordanie,
pour al-Quds et pour la région au
nord, al-Jalil. Pour exécuter ces
projets, il est nécessaire de se
débarrasser du peuple qui y vit.
C’est l’idéologie du sionisme,
raciste et colonial, guerrier et
expansionniste.
Le Plan Prawer
poursuit la Nakba palestinienne. Des
chercheurs palestiniens ont parlé de
« Nakba réduite », puisqu’il vise à
expulser et à détruire, pour laisser
la place aux juifs sionistes.
L’occupation sioniste de la
Palestine en 1948, même légalisée
par l’ONU, n’est rien d’autre que
cela : expulsion, destruction et
invasion. C’est dans ce sens que le
Plan Prawer ne vise pas seulement
les Palestiniens du Naqab, mais tout
le peuple palestinien. Il s’empare
des terrains sous couverture légale
et instaure un système de
compensation qui n’est rien d’autre
qu’un pillage à grande échelle de la
terre palestinienne, et notamment de
la propriété des réfugiés.
Le plan Prawer
légalise par ailleurs le régime
d’apartheid envers les Palestiniens,
puisqu’il interdit aux « Bédouins »
du Naqab de s’installer au-delà
d’une certaine ligne fictive de
cette région, pour motifs
sécuritaires. Ces lignes fictives ou
marquées par le mur de l’annexion
sont déjà en place dans la région
d’al-Aghwar (vallée du Jourdain),
dans la ville d’al-Quds et ailleurs
en Cisjordanie, et ont servi depuis
1948 à éloigner les Palestiniens de
leurs champs et villages, sous des
prétextes sécuritaires, comme par
exemple les villages de Iqrit et de
Kfar Bir’im, au nord de la
Palestine, pour ne citer que les cas
les plus connus. Le plan Prawer,
conçu par des militaires, est avant
tout un plan qui considère les
Palestiniens comme une menace
sécuritaire. Il rejoint, à cet
égard, les préparatifs de guerre
contre la bande de Gaza, et contre
les villes, villages et camps de la
Cisjordanie. Pour l’entité
coloniale, tant que le peuple
palestinien relève la tête et
poursuit sa lutte, il représente une
menace. Le plan Prawer est un des
dispositifs mis en place pour briser
la volonté du peuple palestinien.
La résistance des
Palestiniens vivant dans les
territoires occupés en 48 ne s’est
pas fait attendre. Depuis la
« journée de la colère » du 15
juillet dernier, les jeunes sont
mobilisés. Et à l’approche de la
seconde journée prévue pour le 30
novembre, ils manifestent dans les
villes et bourgs d’al-Jalil,
mobilisant pour cette journée. Les
services sécuritaires sionistes ont
d’ailleurs commencé les
arrestations dans la région du Naqab.
Sheikh Sayyah al-Touri, qui a mené
la lutte contre la destruction du
village al-Arakib, a été arrêté. Il
y a quelques jours, il a refusé
d’être libéré sous la condition
d’être banni de son village al-Arakib.
Il a préféré la prison, plutôt que
d’accepter un tel déshonneur. C’est
ainsi que se battent les
Palestiniens bédouins du Naqab. Ils
s’accrochent à la terre, ils
reconstruisent les villages démolis,
plantent à nouveau leurs champs
dévastés. Ils ont fait le choix de
résister.
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