Palestine
Le comble de l'humiliation
Fadwa Nassar
Mercredi 20 mai 2015
Ils sont venus en envahisseurs, ils ont
tué et massacré des milliers de paysans
et de citadins autochtones, vivant dans
leur pays et sur leur terre, ils ont
expulsé les deux tiers du peuple vers
d’autres régions, ils ont pris leurs
maisons, leurs propriétés, leurs terres,
leurs biens et ils ont proclamé que la
terre était à eux et que les
Palestiniens qui y vivent doivent
partir. Ils furent aidés par l’occupant
britannique, qui s’était partagé la
région avec l’impérialisme français. En
1948, ils proclament la naissance de
leur Etat sur la terre meurtrie de
Palestine, proclamation aussitôt
approuvée par les puissances
impérialistes. C’est ainsi qu’a été
fondée l’entité coloniale sioniste sur
la terre de Palestine : sur des
massacres, des expulsions, des vols, des
répressions, des destructions. Cela se
poursuit jusqu’à présent, mais le
« monde libre » ne veut ni voir ni
entendre.
Aujourd’hui, au
moment où les Palestiniens, qu’ils
soient réfugiés ou vivant sur leur terre
occupée et colonisée, célèbrent la
commémoration de la Nakba, processus de
nettoyage ethnique et religieux mené par
des colons venus d’ailleurs, tombe
l’information, largement commentée,
parlant d’une nouvelle mesure des colons
sionistes visant à empêcher les
travailleurs palestiniens des
territoires occupés en 1967 de se rendre
dans l’entité coloniale fondée en 1948
sur la terre palestinienne, dans des bus
coloniaux, avec les colons. Il y aurait,
semble-t-il, des bus spécifiques pour
ces travailleurs palestiniens. Mais
cette mesure a été gelée par le premier
ministre sioniste Netanyuahu, par
crainte de voir son entité accusée
d’apartheid, par ce même « monde libre »
qui a fondé son entité.
Le pire, ce n’est
pas la mesure coloniale des sionistes,
mais la réaction à cette mesure et sa
dénonciation par une opinion publique
jugée pro-palestinienne. La mesure
coloniale ne fait que poursuivre ce qui
a déjà été commencé en 1948, et même
avant la proclamation de l’entité
sioniste, car la séparation d’avec les
Palestiniens et les Arabes, ou bien les
« non-juifs » comme le dit si bien la
littérature britannique de l’époque, est
au fondement de la naissance et du
maintien de la colonie. Dénoncer un
nouvel acte de séparation (des
travailleurs palestiniens d’avec les
colons envahisseurs) ne devrait se faire
qu’en dénonçant la présence même de ces
colons, en questionnant la légitimité de
leur présence en Palestine, mais non en
réclamant que ces travailleurs
palestiniens, dont les terres ont été
pillées par ces colons, et à qui il ne
reste plus qu’à vendre leur force de
travail aux entreprises coloniales, pour
nourrir leurs familles (à cause des
contrats passés entre l’entité coloniale
et l’Autorité palestinienne, sous
l’égide du Quartet et autres puissances
impériales), soient acheminés comme du
bétail vers leurs lieux de travail, au
jour le jour, par ceux qui les ont
pillés, et aux côtés de ceux qui se sont
implantés sur leurs terres..
Certains y ont vu
une preuve de l’apartheid pratiqué par
l’entité sioniste envers les
Palestiniens, et cela a conforté leur
vision, ayant assimilé la question
palestinienne à l’Afrique du Sud. Mais
en Palestine, ce n’est pas l’apartheid,
c’est une colonisation de peuplement, où
les colons ont expulsé les Palestiniens
et poursuivent leurs tentatives de les
expulser hors du pays. Les Palestiniens
poursuivent leur résistance, non pour
s’opposer au système d’apartheid, mais
pour demeurer dans leur pays et le
libérer de la présence de ces mêmes
colons sionistes. Car s’en tenir au
thème de l’apartheid pour décrire
l’enfer vécu par les Palestiniens sous
la botte des envahisseurs signifie en
fin de compte pouvoir régler la
question, en le supprimant, sans
supprimer ni colons ni colonisation,
sans récupérer la terre volée, ni les
biens confisqués. Cela signifie
également réclamer l’égalité des colons
et des colonisés, sans remettre en cause
ce qui a fondé cette entité,
c’est-à-dire la colonisation,
l’expulsion, le racisme ou la haine du
« non-juif » et l’expansionnisme. C’est
en fin de compte demander au travailleur
palestinien de monter dans un bus
militarisé aux côtés des assassins de
son peuple, après avoir été humilié par
des fouilles corporelles et les regards
arrogants des colons. C’est réclamer que
le Palestinien accepte son humiliation
pour pouvoir nourrir sa famille, et ne
présenter comme criminelle que la mesure
qui le sépare de son assassin.
Qu’est-ce qui est
criminel ? La séparation du Palestinien
d’avec le colon ou la présence même du
colon sur la terre de Palestine ? Que
les sionistes veulent vivre séparés,
soit, qu’ils s’enferment dans leur
entité autant qu’ils le peuvent et
qu’ils y étouffent. Les Palestiniens
n’ont jamais réclamé, sauf une minorité
rattachée au monde occidental et à ses
fantasmes, de vivre avec les colons, de
monter en bus avec eux, de partager
leurs lieux de débauche ou autres. Ce
sont les sionistes qui ont tout pris, et
les Palestiniens sont contraints, parce
qu’ils vivent sous occupation, de les
côtoyer. Mais est-ce leur choix ? Est-ce
leur désir ? Les millions de réfugiés
répondront par la négative. Ils ne
veulent pas partager leur pays avec les
colons venus d’ailleurs. Ils veulent
libérer la Palestine et y retourner,
récupérer leurs terres, faire revivre
leurs villages, même s’ils ont été
détruits : « tant que la terre est là,
et elle le restera, les maisons peuvent
être reconstruites » dira un réfugié du
village de Alma, dans la province de
Safad. Il ne s’agit pas d’apartheid,
mais de colonisation de peuplement. Les
réfugiés palestiniens sont toujours là
pour le rappeler.
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