Opinion
L’Occident se dirige vers
l’interdiction des médias russes
(Strategic Culture Foundation)
Fanian Cunningham
Dimanche 16 octobre 2016
Les parlementaires européens ont voté
cette semaine en faveur d’une résolution
appelant à de plus grandes « capacités
institutionnelles pour contrer la
propagande inspirée par le Kremlin ». La
résolution a été votée par la commission
des Affaires étrangères de l’UE et sera
présentée devant le parlement européen
le mois prochain. Si la résolution est
adoptée, la prochaine étape sera la mise
en place de mécanismes institutionnels
pour bloquer l’accès aux médias russes.
Ce
serait un événement monumental, mais les
pays occidentaux semblent se diriger,
inéluctablement, vers l’interdiction des
médias d’information russes à partir de
plates-formes satellitaires et de
l’Internet. Ce résultat - avec des
implications éthiques et politiques
énormes - semble être la conclusion
logique de la campagne transatlantique
de plus en plus frénétique visant à
diaboliser la Russie.
Washington, Londres et Paris semblent
coordonner une attaque médiatique sans
précédent qui diffame la Russie pour
pratiquement tous les méfaits
imaginables : crimes de guerre en Syrie,
menaces contre la sécurité de l’Europe,
avions civils abattus, subversion des
élections présidentielles américaines.
Et ce n’est qu’un échantillon.
Le
Secrétaire britannique des Affaires
étrangères, Boris Johnson,
a déclaré cette semaine que la
Russie risque de devenir un « état
paria ». Ironiquement, ce destin a moins
à voir avec le comportement réel de la
Russie qu’avec les objectifs recherchés
de la politique occidentale vis-à-vis de
Moscou, à savoir isoler et présenter la
Russie comme un voyou international.
Si les
gouvernements occidentaux réussissent à
diaboliser suffisamment la Russie aux
yeux de leurs opinions publiques, alors
un contexte politique sera créé pour
procéder à des mesures drastiques qui
autrement seraient considérées comme des
violations inacceptables des droits
démocratiques. Des mesures qui iraient
bien au-delà des sanctions économiques
et viseraient la censure des médias.
N’est-ce pas étrange ? Le « monde
libre » qui déplore « l’autoritarisme
russe » se dirige vers la censure des
médias et la répression de ce qu’il
considère comme un « crime de pensée ».
Les
parlementaires européens
ont voté cette semaine en faveur
d’une résolution appelant à de plus
grandes « capacités institutionnelles
pour contrer la propagande inspirée par
le Kremlin ». La résolution a été
votée par la commission des Affaires
étrangères de l’UE et sera présentée
devant le parlement européen le mois
prochain. Si la résolution est adoptée,
la prochaine étape sera la mise en place
de mécanismes institutionnels pour
bloquer l’accès aux médias russes.
L’hostilité envers la Russie telle
qu’elle apparaît dans la formulation de
la résolution de l’UE ne peut être
décrite que comme enragée, pour ne pas
dire paranoïaque. Le gouvernement russe
y est accusé de recourir activement à
une « campagne de désinformation »,
de « ciblage des politiciens et des
journalistes de l’UE », et de « perturber
les valeurs démocratiques à travers
l’Europe ». En bref, Moscou est
accusée de comploter la chute du bloc
Européen.
Il
convient de noter un point
particulièrement sinistre, le comité des
affaires étrangères de l’UE a accordé
une attention particulière au recours
par la Russie d’un « large éventail
d’outils et d’instruments tels que des
stations de télévision multilingues et
de pseudos organismes d’information pour
diviser l’Europe ».
Ainsi
donc, non seulement le gouvernement
russe est ouvertement accusé de nourrir
des desseins subversifs et destructeurs
envers les Etats européens, mais ses
professionnels dans les médias sont
confondus avec un supposé projet
politique russe de guerre hybride.
L’Etat russe est diabolisé comme un
ennemi étranger et ses médias font
partie de son arsenal de guerre hybride.
En d’autres termes, les médias
d’information publics russes légitimes
sont en train d’être délégitimés par le
Parlement européen.
Étonnamment, les médias professionnels
tels que RT et Sputnik sont qualifiés de
« pseudo agences de presse » et
« d’outils de propagande du Kremlin ».
Le
fait, souvent avancé, que ces médias
« appartiennent à l’État » et sont
financés par le gouvernement est sans
importance. Car il en est de même pour
Voice of America, Radio Free Europe,
BBC, France 24 et Deutsche Welle,
pour ne citer que quelques-uns des
diffuseurs occidentaux appartenant à des
Etats. En fait, le budget global des
gouvernements occidentaux consacré au
financement de médias d’information est
plusieurs fois supérieur au budget de la
Russie.
Le
battement de tambour occidental visant à
délégitimer les médias d’information
russes populaires a augmenté au cours
des derniers mois. Le mois dernier, par
exemple, l’alliance militaire de l’OTAN
sous commandement US a publié un autre
rapport d’avertissement : « L’Occident
est en train de perdre la guerre de
l’information contre la Russie ».
Voici
une bonne question à se poser : pourquoi
une organisation supposément dédiée à la
sécurité militaire intervient-elle dans
les domaines du journalisme et des
services d’information publics ?
Un
article de Voice of America
ajoute : « Selon les responsables
de l’OTAN, l’Occident doit intensifier
ses efforts pour combattre et contrer la
guerre de l’information menée par ses
adversaires. Ils avertissent que des
pays comme la Russie exploitent la
liberté de la presse dans les médias
occidentaux pour répandre la
désinformation ».
Remarquez comment la Russie est accusée
en quelque sorte d’« exploiter »
sournoisement la liberté des médias
occidentaux. L’implication ici est que
les sanctions-représailles contre les
médias russes seraient donc justifiées à
cause de ces transgressions supposées.
Pendant ce temps, toujours le mois
dernier, le directeur de l’US National
Intelligence, James Clapper Jr,
aurait informé des membres du Congrès
sur la « guerre de l’information »
russe. Il a cité
RT
et
Sputnik comme armes médiatiques de
la « guerre de l’information » russe
[pas
le Grand Soir ? snif, snif... grosse
déception du traducteur]. Leur but,
selon Clapper, est de subvertir les
sociétés occidentales en influençant les
groupes radicaux et en semant la
confusion dans le public.
Ceci
marque une détérioration dramatique des
relations entre l’Occident et la Russie,
où des médias d’information russes sont
désignés comme des armes ennemies. Une
telle pensée trahit aussi à quel point
de dégénérescence les dirigeants
politiques occidentaux ont sombré dans
leurs stéréotypes de guerre froide ; et
comment ils sont disposés à aller encore
plus loin pour contrer la Russie.
Depuis
que la politique tant vantée de
rétablissement de relations « plus
amicales » avec la Russie a été
abandonnée sous la première
administration du président Barack Obama,
vers 2011, l’hostilité de Washington et
de ses alliés européens est allé
crescendo pour atteindre les niveaux
actuels d’hystérie.
La
raison principale pour laquelle
Washington a abandonné sa politique de
normalisation est probablement parce
qu’elle a compris que le président russe
Vladimir Poutine ne sera pas aussi
docile que son prédécesseur Boris
Eltsine, qui a lâchement soumis son pays
à l’hégémonie US, que ce soit sur des
questions d’intérêts géopolitiques, de
la finance mondiale, ou de
ressources/guerres à l’étranger. Poutine
ne veut rien entendre. La Russie ne sera
pas un état vassal des Etats-Unis,
contrairement aux états membres de
l’Union européenne qui le sont de toute
évidence.
C’est
à cause de l’indépendance et de l’audace
de la Russie à s’exprimer contre la
désinvolture des Etats-unis à l’égard du
droit international, par exemple dans sa
conduite de guerres illégales et de
changements de régime au Moyen-Orient,
en Afrique du Nord et en Ukraine, que
Washington trouve cette attitude si
intolérable.
Lorsqu’on lui a demandé récemment dans
des médias allemands pourquoi l’Occident
est si hostile envers lui, Poutine
aurait répondu laconiquement : « la
peur ».
Le
dirigeant russe ne voulait pas dire par
là que l’Occident avait peur d’une
agression militaire russe. Il voulait
dire que la peur était due à sa
puissance de démonstration. Un fort
contre-poids aux menées impérialistes
des Etats-Unis constituait une puissante
négation de la présumée suprématie US
unipolaire sur le monde entier. Ce qui
signifie que le monde n’est pas un
paillasson pour l’assujettissement US.
Le défi de la Russie à l’hégémonie US
est un signe avant-coureur d’un monde
multipolaire, un monde dans lequel les
Etats-Unis et ses filiales européennes
devront commencer à travailler de
concert avec d’autres nations, d’égal à
égal et dans le cadre du droit
international, et non pas comme des
renégats au-dessus des lois.
La
Syrie est une illustration classique.
Washington et ses alliés britanniques et
français, ainsi que des états vassaux
régionaux, ont présumé qu’ils pouvaient
mener une nouvelle opération illégale de
changement de régime dans ce pays arabe,
comme ils l’avaient fait auparavant en
Libye, en Irak et en Afghanistan.
L’intervention militaire de la Russie en
appui à son allié syrien fut une
manifestation éclatante que l’Occident
ne pouvait plus continuer son petit jeu
de changement de régime. En outre,
l’intervention de la Russie a également
exposé l’implication criminelle secrète
de Washington et de ses partenaires dans
le recours aux mercenaires terroristes
pour mener leurs changements de régime.
La
même chose peut être dite sur l’Ukraine,
où le soutien politique de la Russie aux
séparatistes ethniques russes a empêché
que le coup d’État de Washington à Kiev
en Février 2014 ne transforme le pays
tout entier en un régime marionnette des
Etats-Unis.
C’est
la raison pour laquelle Washington
craint la Russie sous Poutine. Il est un
obstacle à sa « domination mondiale à
spectre complet », telle que prévue par
les idéologues impérialistes US suite à
l’effondrement de l’Union Soviétique.
Cependant, la Russie est plus qu’un
obstacle. Dans sa conduite d’une
politique étrangère indépendante, la
Russie expose les crimes US contre le
droit international et son parrainage
d’état du terrorisme. Et la Russie
expose également la servilité pathétique
et la complicité des Etats européens,
des médias occidentaux et des
institutions des Nations Unies pour se
plier aux ambitions hégémoniques de
Washington.
La
politique étrangère de la Russie est,
bien sûr, tout à fait légitime. Mais du
point de vue de Washington, elle
constitue un défi intolérable à sa
volonté tyrannique. À cette fin, la
Russie doit être métamorphosée en un
Etat ennemi. Et les dirigeants européens
serviles adhèrent à cet ordre du jour,
afin de dissimuler leur complicité
odieuse.
Il se
trouve que les médias russes ont
démontré une indépendance des
journalistes et des analyses critiques
sur les grands événements mondiaux,
comme ce qui se passe réellement en
Syrie et en Ukraine. Le fait que les
gouvernements occidentaux soutiennent
secrètement les réseaux terroristes pour
mener un changement de régime illégal
n’est plus à démontrer. Si cela vous
paraît exagéré ou un « commentaire
injuste », c’est uniquement parce que
les médias occidentaux se sont refusés à
dénoncer les fausses revendications et
prétentions de leurs propres
gouvernements. Ce qui n’est pas une
raison pour délégitimer le journalisme
des médias russes. En fait, c’est ce qui
rend un tel journalisme louable.
Dire
que les Etats occidentaux sont frustrés
par la Russie est un euphémisme. Ils
sont livides, comme on peut le voir à la
façon dont leur entreprise criminelle de
changement de régime en Syrie a été mise
en déroute. Par conséquent, les efforts
occidentaux visent à accuser la Russie
de « crimes de guerre » et de la
comparer à l’Allemagne nazie [Méga
Point Godwin pour l’Occident - NDT].
Combinez cette diabolisation avec les
affirmations à sensation selon
lesquelles la Russie tente de subvertir
les démocraties occidentales, le climat
politique toxique devient alors propice
pour des mesures de plus grande portée.
Il
s’agit là d’une logique réductionniste
osée : la Russie est un état ennemi, et
les médias russes sont des outils de
propagande ennemis.
Etant
donné que les législateurs européens
voteront cette semaine sur la lutte
contre les médias russes, on peut
supposer que la prochaine étape logique
sera l’interdiction pure et simple des
chaînes russes sur les ondes et
Internet.
Mais
comme a déclaré Margarita Simonyan,
rédactrice en chef de RT, à Deutsche
Welle, le mouvement draconien visant à
interdire les médias russes ne fait que
démontrer à quel point les discours
occidentaux sur la « liberté
d’expression » sont vides.
« C’est
une interprétation plutôt intéressante
des valeurs occidentales tant vantées,
en particulier sur la liberté
d’expression - qui dans le concret
signifie apparemment d’attaquer une voix
de dissidence rare parmi des milliers de
médias européens » a ajouté Simonyan.
Les
gouvernements occidentaux sont en train
d’adopter des méthodes de despote.
Incapables de faire ce que bon leur
semble, y compris de violer le droit
international et d’aller en guerre où et
quand bon leur semble, ils s’en prennent
alors aux pays qui résistent, comme la
Russie, au point de désigner la Russie
comme un pays ennemi, susceptible donc
de faire l’objet d’une agression
militaire.
Et
lorsque des médias exposent les doubles
normes et l’hypocrisie criminelle de
l’Occident, ces médias sont alors
fustigés comme étant de la propagande
ennemie, qui doivent être arrêtés et
interdits.
La
décadence occidentale est vraiment en
train de sombrer dans le caniveau ou
dans la corruption et l’absurde. Un
destin qui est le résultat de
l’effondrement interne due à la
politique et au bellicisme de sa propre
oligarchie. Et l’opinion publique
occidentale le comprend de mieux en
mieux, avec ou sans l’aide des Russes.
Tirer
sur le messager ne modifie pas le
message.
Finian CUNNINGHAM
Traduction "eh non, l’admiration de
l’Occident pour les dissidents
n’est plus ce qu’elle était..." par VD
pour le Grand Soir avec probablement
toutes les fautes et coquilles
habituelles.
Source : » http://www.strategic-culture.org/news/2016/10/13/west-gunning-russian-...
©
Copy Left
Le Grand Soir - Diffusion autorisée et
même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Les dernières mises à jour
|