Les troupes américaines qui restent en
Syrie
pour « garder le pétrole » ont déjà tué
des centaines de personnes
Consortium News
Jeudi 28 novembre 2019
Source : Consortium News
Des centaines de
soldats américains restent en Syrie, non
pas pour assurer la sécurité de groupe
de personnes, mais pour occuper les
réserves pétrolières du pays et priver
le gouvernement syrien des revenus
nécessaires à la reconstruction.
Le président
américain Donald Trump a rassuré ses
partisans en leur disant qu’il « ramène
des soldats à la maison » après la
guerre « sans fin » en Syrie. Mais ce
n’est tout simplement pas le cas.
Alors que Trump a
ordonné le retrait partiel des quelque 1
000 soldats américains présents sur le
territoire syrien – qui imposent une
occupation militaire illégale en vertu
du droit international – les
responsables américains et le président
lui-même ont admis que certains
resteraient. Et ils resteront sur le sol
syrien non pas pour assurer la sécurité
d’un groupe de personnes, mais plutôt
pour garder le contrôle des champs de
pétrole et de gaz.
L’armée américaine
a déjà tué des centaines de Syriens, et
peut-être même quelques Russes,
précisément pour conserver ces réserves
de combustibles fossiles syriens.
L’obsession de
Washington de renverser le gouvernement
syrien refuse de s’éteindre. Les
États-Unis demeurent résolus à empêcher
Damas de reprendre son propre pétrole,
ainsi que sa région productrice de blé,
afin de priver le gouvernement de
revenus et de l’empêcher de financer ses
efforts de reconstruction.
Le Washington
Post a noté en 2018 que les
États-Unis et leurs alliés kurdes
occupaient militairement une part
massive de « 30 % de la Syrie, qui est
probablement l’endroit où 90 % de
la production pétrolière
d’avant-guerre a eu lieu ».
Maintenant, pour la
première fois, Trump a ouvertement
confirmé les arrière-pensées
impérialistes derrière le maintien d’une
présence militaire américaine en Syrie.
« Nous voulons garder le pétrole »,
a avoué Trump lors d’une réunion du
cabinet le 21 octobre. « Peut-être que
nous aurons une de nos grandes
compagnies pétrolières pour y aller et
le faire correctement. »
Trois jours plus
tôt, le président tweetait : « Les
États-Unis ont pris le contrôle du
pétrole. »
Je viens de
parler au Président Erdogan de Turquie.
Il m’a dit qu’il y avait eu des tirs
mineurs de sniper et de mortier qui ont
été rapidement éradiqués. Il veut
vraiment que le cessez-le-feu, ou la
pause, fonctionne. De même, les Kurdes
veulent que cela se produise et que la
solution ultime se produise. Dommage
qu’il n’y ait pas eu cette pensée il y a
des années. Au lieu de cela, les choses
ont toujours été maintenues avec des
bouts de sparadrap, et de façon
artificielle. Il y a de la bonne volonté
de part et d’autres et de grandes
chances de succès. Les États-unis ont
pris le contrôle du pétrole, et le
contrôle des prisonniers membres de
Daesh a été doublement pris par les
Kurdes et par la Turquie…
Le
New York Times a confirmé la
stratégie le 20 octobre. Citant un «
haut fonctionnaire de l’administration
», le journal a rapporté :
« Le président
Trump penche en faveur d’un nouveau plan
du Pentagone visant à maintenir un petit
contingent de troupes américaines dans
l’est de la Syrie, peut-être environ
200, pour combattre l’État islamique et
bloquer l’avance du gouvernement
syrien et des forces russes dans les
champs pétroliers convoités de la
région.
… Un avantage
secondaire serait d’aider les Kurdes
à garder le contrôle des champs de
pétrole à l’est, a dit le fonctionnaire.
»
« Nous avons pris
le contrôle du pétrole (en Syrie) et,
par conséquent, un petit nombre de
soldats américains resteront dans la
zone
où ils ont le pétrole », a dit M.
Trump. « Et nous allons les protéger. Et
nous déciderons de ce que nous allons en
faire à l’avenir. »
Utilisation de
l’EI comme excuse
Le secrétaire
américain à la Défense, Mark Esper –
l’ancien vice-président des relations
gouvernementales du grand fabricant
d’armes Raytheon, avant d’être promu par
Trump à la tête du Pentagone – a révélé
la politique américaine actuelle sur la
Syrie lors d’une
conférence de presse le 21 :
« Nous avons des
troupes dans les villes du nord-est de
la Syrie qui sont situées à côté des
champs de pétrole. Les troupes dans ces
villes ne sont pas dans la phase
actuelle de retrait.
… Nos forces
resteront dans les villes qui sont
situées près des champs de pétrole.
»
M. Esper a ajouté
que l’armée américaine « maintient une
patrouille aérienne de combat au-dessus
de toutes nos forces sur le terrain en
Syrie. »
Contrairement à
Trump, Esper a offert une excuse pour
justifier la poursuite de l’occupation
militaire américaine des champs
pétroliers syriens. Il a insisté pour
que les soldats américains restent pour
aider les Forces démocratiques syriennes
(FDS), dirigées par les Kurdes, à
maintenir les ressources et à empêcher
les djihadistes de l’EI de les
reprendre.
C’est ce qui a
conduit les grands médias dominants
comme
CNN à rapporter : « Le secrétaire à
la Défense dit que certaines troupes
américaines resteront temporairement en
Syrie pour protéger les champs
pétroliers de l’EI ».
Mais n’importe quel
observateur qui a soigneusement analysé
les commentaires d’Esper lors de sa
conférence de presse aurait été en
mesure de détecter le véritable objectif
derrière la présence prolongée des
États-Unis dans le nord-est de la Syrie.
Comme l’a dit Esper, « L’un des buts de
ces forces [américaines], en
collaboration avec les FDS, est de
refuser l’accès à ces champs pétroliers
à l’EI et à d’autres qui pourraient
bénéficier de revenus qui pourraient
être générés ».
Extrait de la
transcription de la conférence de presse
de Mark Esper au Pentagone.
« Et d’autres qui
peuvent bénéficier de leurs revenus
générés » est un qualificatif crucial.
En fait, Esper a utilisé ce langage – «
l’EI et autres » – deux fois de plus
dans sa conférence de presse.
La stratégie des
États-Unis est d’empêcher le
gouvernement syrien reconnu par l’ONU et
la majorité syrienne qui vit sous son
contrôle de reprendre leurs propres
champs pétroliers et de récolter les
bénéfices de leurs revenus.
Des centaines de
personnes massacrées
Il ne s’agit pas
seulement de spéculation. CNN l’a dit
clairement lorsqu’elle
a rapporté ce qui suit dans un
passage incontestablement franc, citant
des hauts responsables militaires
américains anonymes :
« L’armée
américaine a depuis longtemps des
conseillers militaires intégrés aux
Forces démocratiques syriennes près des
champs pétroliers syriens à Deir Ezzoir
depuis que la région a été prise à l’EI.
La perte de ces champs pétroliers a
privé l’EI d’une importante source de
revenus, une source de financement
ponctuelle qui a fait la différence avec
d’ autres groupes terroristes.
Les gisements
de pétrole sont également des actifs
recherchés depuis longtemps par la
Russie et le régime d’Assad, qui est à
court d’argent après des années de
guerre civile. Moscou et Damas espèrent
utiliser les recettes pétrolières pour
aider à reconstruire la Syrie
occidentale et à consolider l’emprise du
régime.
Pour tenter
de s’emparer des champs de pétrole, des
mercenaires russes les ont attaqué, ce
qui a mené à un affrontement au cours
duquel des dizaines, voire des centaines
de mercenaires russes ont été tués dans
des frappes aériennes américaines,
un épisode que Trump a présenté comme la
preuve qu’il est dur avec la Russie.
Cette action a contribué à dissuader les
forces russes ou les forces du régime de
faire des tentatives similaires pour les
champs pétroliers.
Les forces
américaines près des champs pétrolifères
restent en place et de hauts
responsables militaires avaient déjà dit
à CNN qu’ils seraient probablement parmi
les derniers à quitter la Syrie. »
CNN a ainsi reconnu
que l’armée américaine avait tué jusqu’à
des « centaines » de combattants
soutenus par la Syrie et la Russie
cherchant à accéder aux champs
pétroliers syriens. Elle a massacré ces
combattants non pas pour des raisons
humanitaires, mais pour empêcher le
gouvernement syrien d’utiliser « les
revenus pétroliers pour aider à
reconstruire la Syrie occidentale ».
Cet aveu direct et
choquant allait à l’encontre du mythe
populaire selon lequel les États-Unis
gardaient des troupes en Syrie pour
protéger les Kurdes d’un assaut de la
Turquie, membre de l’OTAN.
Le rapport de CNN
faisait apparemment référence à la
bataille de Khasham, un épisode peu
connu mais important de la guerre
internationale par procuration de huit
ans contre la Syrie.
La bataille s’est
déroulée le 7 février 2018, lorsque
l’armée syrienne et ses alliés ont lancé
une attaque pour tenter de reprendre
d’importantes réserves de pétrole et de
gaz dans le gouvernorat syrien de Deir
ez-Zor, qui étaient occupées par les
troupes américaines et leurs
représentants kurdes.
Le Times a
souligné à plusieurs reprises que Deir
ez-Zor est « riche en pétrole ». Il a
également cité des responsables
américains anonymes qui ont affirmé que
bon nombre des combattants massacrés
étaient des ressortissants russes de la
société militaire privée Wagner Group.
Ces « responsables du renseignement
américain » anonymes ont déclaré au
Times que les combattants russes
présumés étaient « en Syrie pour saisir
des champs de pétrole et de gaz et les
protéger au nom du gouvernement Assad ».
Le Times a
noté que les forces d’opérations
spéciales américaines du JSOC [Le Joint
Special Operations Command est chargé de
diriger et de coordonner les unités des
forces spéciales des différentes
branches de l’armée américaine, NdT]
travaillaient avec les forces kurdes
dans un avant-poste près de l’importante
usine à gaz de Conoco en Syrie. Les FDS,
dirigées par les Kurdes, avaient arraché
cette installation à l’EI en 2017 avec
l’aide de l’armée américaine. Le Wall
Street Journal notait à l’époque que
« l’usine est capable de produire près
de
450 tonnes de gaz par jour » et
était l’une des sources de financement
les plus importantes de l’EI.
Le journal a ajouté
: « Les Forces démocratiques syriennes
dirigées par les Kurdes, soutenues par
les frappes aériennes de la coalition
dirigée par les États-Unis, se battent
contre le régime du président Bachar al-Assad
pour des gains territoriaux dans l’est
du pays ». Les sites Web de surveillance
des produits de base
MarketWatch et
OilPrice.com suivaient de près
l’histoire et analysaient les forces qui
allaient prendre le contrôle de l’une
des usines à gaz les plus importantes de
Syrie.
Affamer la Syrie
en pétrole et en blé
Pour le
gouvernement syrien, la reprise du
contrôle de ses réserves de pétrole et
de gaz dans la partie orientale de son
territoire est cruciale pour financer
les efforts de reconstruction et les
programmes sociaux – surtout à un moment
où les sanctions étouffantes des
États-Unis et de l’UE ont paralysé
l’économie, causé
des pénuries de carburant et
gravement affecté la population civile
syrienne.
Les États-Unis ont
cherché à empêcher Damas de reprendre
des territoires rentables et à le priver
de ressources naturelles, de
combustibles fossiles comme de denrées
alimentaires de base.
En 2015, le
président Barack Obama a déployé des
troupes américaines dans le nord-est de
la Syrie pour aider la milice kurde, la
People’s Protection Units (YPG), à
combattre l’EI. Ce qui a commencé comme
plusieurs dizaines de forces
d’opérations spéciales américaines s’est
rapidement transformé en quelque 2 000
soldats, en grande partie stationnés
dans le nord-est de la Syrie.
Lorsque ces soldats
américains ont permis au YPJ de
reprendre le territoire de l’EI, ils ont
renforcé le contrôle de Washington sur
près d’un tiers du territoire souverain
syrien – un territoire qui comprenait 90
% du pétrole syrien et 70 % de son blé,
comme par hasard.
Les États-Unis ont
par la suite forcé le YPG dirigé par les
Kurdes à changer de nom
pour devenir les FDS, puis les ont
traités comme des mandataires pour
essayer d’affaiblir le gouvernement
syrien et ses alliés l’Iran et la
Russie.
En juin, Reuters a
confirmé que les autorités kurdes
avaient accepté de
cesser de vendre du blé à Damas,
après que les États-Unis les eurent
pressés de le faire.
The
Grayzone a rapporté comment le
Center for a New American Security, un
important groupe de réflexion en
politique étrangère du Parti démocrate,
financé par les États-Unis et l’OTAN, a
proposé d’utiliser
l’« arme du blé » pour affamer la
population civile de la Syrie.
Un ancien chercheur
du Pentagone, devenu chercheur principal
du groupe de réflexion, a déclaré
ouvertement : « Le blé est une arme
d’une grande puissance dans cette
prochaine phase du conflit syrien ». Il
a ajouté : « Il peut être utilisé pour
faire pression sur le régime d’Assad et,
par le biais du régime sur la Russie,
pour forcer des concessions dans le
processus diplomatique dirigé par l’ONU
».
M. Trump a semblé
faire écho à cette stratégie lors de sa
réunion du Cabinet du 21 octobre.
« Nous voulons
garder le pétrole, et nous allons
trouver une solution avec les Kurdes
pour qu’ils aient un peu d’argent, un
peu de cash-flow », a-t-il dit. «
Peut-être que nous aurons une de nos
grandes compagnies pétrolières pour y
aller et le faire correctement. »
Alors que Trump
s’est engagé à ramener les soldats
américains à la maison et à mettre fin à
l’occupation militaire du territoire
syrien – qui est illégale en vertu du
droit international –, il est évident
que la guerre plus large pour le
changement de régime se poursuit.
Une guerre
économique brutale contre Damas
s’intensifie, pas seulement au travers
des sanctions, mais aussi au moyen du
vol des trésors naturels de la Syrie par
des puissances étrangères.
Source : Consortium
News, 24-10-2019
Traduit par les
lecteurs du site
www.les-crises.fr. Traduction
librement reproductible en intégralité,
en citant la source.
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