Opinion
Les nouvelles routes de la soie
redessine l'économie eurasienne
Comaguer
Cette carte a été présentée par Li
Keqiang, premier ministre chinois à
l’occasion
du sommet Asie-Europe qui s’est tenu la
semaine dernière à Milan.
Jeudi 23 octobre 2014
Il s’agit des tracés terrestre et
maritime des nouvelles « routes de la
soie » que
la République
Populaire entend
promouvoir dans les années à venir et
qui vont s’ajouter à des routes
existantes (comme celle plus au Nord du
Transsibérien) ou en cours de
réalisation ou de renforcement.
Il n’a été publié par l’agence
officielle XINHUA que la version en
chinois de ce document.
(L’échelle
de la carte et la qualité du document
peuvent expliquer certaines incertitudes
sur le nom des villes desservies. Les
lecteurs voudront bien nous en excuser)
Son analyse est très riche
d’enseignements géopolitiques
1- Route terrestre
:
Elle part
de Xi’an, capitale de la province du
Shaanxi, et principal point d’arrivée de
la route de la soie historique. Xi’an
est aujourd’hui une ville moderne,
importante – l’agglomération compte plus
de 7 millions d’habitants. Symbole du
grand mouvement de l’industrie chinoise
vers l’Ouest, qui fait suite au
développement côtier des trois décennies
précédentes, Xi’an va abriter une sorte
de cité technologique d’avenir appelée
Xi’an Xi’an Fen Dong.
La route continue vers l’Ouest via
Lanzhou et Urumqi. Elle quitte la Chine, passe par le
Kazakhstan et traverse ensuite la riche
vallée du Fergana qui abrite les
capitales de trois républiques d’Asie
Centrale ex-soviétiques : Bichkek,
Tachkent et Douchanbe. Concrétisation
sur le plan économique des liens solides
établis depuis 2001 à travers
l’organisation de coopération de
Shanghai dont font partie ces trois
républiques.
Elle évite
l’Afghanistan sans en être bien éloignée
en attendant probablement une
stabilisation de la situation. Elle
évite également pour l’instant de passer
par
la Pakistan
et l’Inde sachant qu’elle ne veut
favoriser aucun de ces deux pays et
qu’elle estime sage d’attendre que les
relations entre eux se soient améliorées
pour ajouter de nouvelles branches de la
route vers le Sud vers Islamabad et la Cachemire.
Le trajet se poursuit vers le nord de
l’Iran via Téhéran ou à proximité de
cette ville ce qui concrétise
l’intensité croissante des échanges
économiques entre les deux pays et
constitue un immense pied de nez aux
sanctions occidentales.
Prochaine étape : Istanbul. Bien que
pilier oriental de l’Otan, la Turquie essaie d’avoir un
rôle régional important. Elle le fait
dans un désordre apparent, avec beaucoup
d’agressivité, tentant de s’imposer,
sans succès jusqu’à présent, comme un
pôle dominant du monde musulman, mais si
elle veut confirmer sa place de nouveau
pays émergent elle ne peut que
développer ses relations économiques
avec l’Est de l’Eurasie.
De là la route remonte vers le Nord en
direction de Moscou. Il faut donc
commencer par traverser
la Bulgarie,
la Roumanie Une
nouvelle fois
la Chine
considère comme secondaire l’engagement
"otanesque" de ces deux nouveaux venus
dans l’UE et sait que les gouvernements
et les populations de ces pays parmi les
plus pauvres de l’Union ont intérêt à
intensifier leurs liens avec des pays
extérieurs à l’Union, en développement
rapide et avec des capacités
d’investissement importantes.
Pour parvenir à Moscou, reste à
traverser l’Ukraine, une Ukraine où,
qu’elle soit l’issue politique de la
crise actuelle (partage, fédération…) un
besoin immense de reconstruction va
apparaître que l’UE ne sera pas en
mesure de satisfaire. La Russie et la Chine y prendront donc
inévitablement une place importante.
De Moscou la nouvelle route de la soie
gagne la zone actuellement la plus riche
de l’UE : l’Allemagne et le Benelux.
La France est négligée
et paye ainsi le prix de son alignement
forcené sur la politique de Washington
et de son soutien affiché à la politique
belliciste du Japon.
2- Route maritime
:
Partant des ports du centre et du
sud-ouest de
la Chine, elle dessert
le Vietnam, l’Indonésie avec une escale
sur l’île de Java, la plus peuplée et la
plus riche de l’archipel, la Malaisie via le grand port de Kelang, puis le Sri
Lanka et le Bangladesh. Elle approche
ainsi le sous-continent indien par le
Sud et l’Est évitant comme pour le
trajet terrestre de desservir l’est de
l’Inde tant que celle-ci, qui reste très
courtisée par les Etats-Unis, n’a pas
affiché plus clairement ses choix
stratégiques.
L’étape suivante, au Kenya (probablement
à Mombasa) est, outre une manifestation
supplémentaire de l’intérêt de
la Chine pour
l’Afrique, un clin d’oeil à l’histoire.
En effet c’est au Kenya qu’à plusieurs
reprises le fameux amiral chinois Zheng
He à la tête de la plus grande flotte de
commerce de l’époque est venu faire
escale pour montrer le savoir faire
chinois et l’état très avancé de son
économie, la plus développée du monde à
l’époque.
L’amiral Zheng He a effectué 7 voyages entre
1405 et 1433. Les attaques des mandchous
contraignirent l’Empereur à mettre un
terme à ces expéditions fastueuses
De là la route se poursuit vers
l’Europe, emprunte le Canal de Suez sans
marquer pour l’instant de l’intérêt pour
les vastes zones logistiques et de
perfectionnement actif (le «
perfectionnement actif » est une notion
économico-douanière qui consiste à faire
assembler sous douane avant
réexportation des produits industriels à
partir d’éléments importés) que le
nouveau gouvernement égyptien prévoit en
complément du doublement du canal dont
les travaux doivent commencer en 2015.
La
prochaine escale est au Pirée, le port
d’Athènes, déjà contrôlé par des
capitaux chinois et le point d’arrivée,
clin d’oeil cette fois à Marco Polo, est
à Venise. De quoi susciter l’intérêt du
nouveau gouvernement italien qui doit
faire face à une baisse dramatique
d’activité économique du pays qui est
aujourd’hui en état de déflation.
Et c’est en
Italie que la route terrestre et le
route maritime se rejoignent.
La France attendra !
Bulletin n° 276 -
semaine 43 - 2014
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