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Chantage à l’antisémitisme : le
Conseil de l’Ordre
des médecins instrumentalisé par le CRIF
Christophe Oberlin
Crédit
photo: ASI
Lundi 24 octobre 2016
Christophe Oberlin est une personnalité
très attachante dont nous suivons et
admirons le combat inlassable pour la
dignité et la justice en Palestine.
[Silvia Cattori]
Christophe Oberlin a été
condamné à un blâme par le Conseil de
l’ordre des médecins le 12 juin 2015[1].
Il a fait appel. L’audience en appel a
eu lieu le 11 octobre 2016.
Voici en substance le
contenu de l’intervention de Christophe
Oberlin.
Par Christophe Oberlin
Lorsque j’ai été mis en cause par le
Conseil de l’Ordre, j’ai pensé que
l’Ordre avait commis une grosse faute en
me traînant devant sa juridiction
disciplinaire. Et en première instance
nous avons parlé en droit pour permettre
à la Chambre de s’en tirer avec les
honneurs. Nous nous sommes évertués avec
maître Kattineh à expliquer au jury que
les positions politiques sur le sujet
israélo palestinien n’avaient pas à être
discutées devant une instance ordinale.
Et en particulier n’avaient pas à faire
l’objet d’une plainte en provenance du
Conseil de l’Ordre. Quand je discute la
légitimité d’un Etat juif à majorité
juive, il s‘agit d’une opinion
personnelle que le conseil de l’Ordre
n’a pas à contester. C’est une opinion
exprimée en dehors de mes fonctions[2].
Quand le Conseil de l’Ordre porte
plainte contre moi, et que l’avocate du
Conseil de l’Ordre, qui est en même
temps l’avocate du CRIF, choix peu
adroit de la part du Conseil de l’Ordre,
s’offusque que « le Dr Oberlin
conteste la nature juive de l’Etat
d’Israël », cela veut dire que
l’Ordre a derrière lui les 200 000
médecins français : c’est tout à fait
excessif.
Nous pensions que dans sa sagesse la
première instance sous la présidence
d’un juge issu des tribunaux
administratifs, allait faire comme le
Défenseur des droits[3]
et classer l’affaire. Or ce n’est pas le
cas, donc nous sommes contraints
aujourd’hui de parler politique.
Je vais vous lire quelques textes qui
ne sont pas des pièces ajoutées au
dossier, mais simplement des textes
écrits par certaine personnalités et qui
reflètent fidèlement mes convictions.
Vous pouvez me les attribuer.
« Je sais qu’il y a des gens qui,
sans me connaitre, me haïssent. Le pire
c’est que certains sont de bonne foi.
Car ce qu’ils savent de moi, ce sont des
propos déformés et non mes positions
réelles. J’ai eu la tentation face à un
tel tir de barrage de ne plus m’exprimer
sur le sujet. Certains amis me l’ont
conseillé pour me protéger. Après avoir
longuement hésité, j’ai décidé de ne pas
me taire car il n’y a aucune raison
qu’on ne puisse pas traiter, avec des
désaccords mais librement et sereinement
ce sujet. Le débat sur le Proche-Orient
ne doit pas être dramatisé, doit être
sorti de l’ornière, des insultes, des
menaces, de la diabolisation, pour
revenir dans un cadre démocratique et il
est capital de ne pas céder au chantage
visant à l’étouffer[4]».
Le mot est lâché, le mot chantage.
Comme l’a rappelé maître Devers, je me
rends trois fois par an en Palestine, et
depuis quinze ans. Je ne vais d’ailleurs
pas faire de la chirurgie humanitaire « qu’en
Palestine », question un peu
vicieuse qui m’est posée régulièrement.
Et j’observe qu’Israël est un bateau
qui fait eau de toutes parts. Avec une
population à l’intérieur de frontières
de 1967 qui est dépressive, des soldats
et des soldates qui n’en peuvent plus de
passer trois ans à faire leur service
militaire. J’étais à Gaza la semaine
dernière, j’ai encore passé deux heures
à la sortie par Tel Aviv à être fouillé
par des jeunes gens de 20 ans qui m’ont
demandé de baisser mon pantalon, tout
comme à une infirmière de bloc
opératoire qui était avec moi et qui est
âgée de quatre-vingt ans. L’état
psychologique de ces jeunes m’inquiète.
Pour ce qui est de la position
internationale d’Israël au niveau de
l’ONU, ce n’est guère mieux. Imaginez
une association de pêcheurs à la ligne
dont un membre indélicat pêcherait à la
dynamite. On lui colle un blâme, et s’il
récidive on l’exclue. Voici un Etat,
Israël, qui n’a respecté aucune des
dizaines de résolutions du Conseil de
sécurité de l’ONU concernant ses
exactions.
Alors que reste-il comme outil
aujourd’hui en France[5]
pour soutenir Israël ? Il reste le
chantage à l’antisémitisme.
« Prétendre que cet antisémitisme
est en montée ne représente aucunement
une situation réelle mais une opération
de stigmatisation. Cette opération est
un fusil à deux coups. Elle vise d’une
part la jeunesse noire et arabe et de
l’autre ceux qui la soutiennent et se
trouvent presque tous hostiles à la
politique des gouvernements israéliens
successifs. Il est essentiel d’empêcher
ces gens-là de nuire car ils écrivent
parfois des livres et peuvent de temps à
autre faire entendre leur voix. Pour
tenter de les réduire au silence on va
les accuser eux aussi d’antisémitisme et
peu importe si cette accusation est
totalement absurde.
Tous ces procédés, si tirés par
les cheveux qu’ils soient, finissent par
former une rhétorique d’intimidation » –
c’est ce que vous êtes en train de
faire – « dont le seul but est de
coller à l’adversaire l’étiquette
antisémite avec l’idée qu’une fois
appliquée, on ne pourra plus s’en
défaire comme le capitaine Hadock avec
son célèbre sparadrap (…)
Hormis l’hypothétique désir de
défendre les juifs, on peut se poser la
question de ce qui pousse certains
intellectuels à user de la très grave
accusation d’antisémitisme. Ces raisons
sont diverses, on peut en dégager le
fond commun : soutien à l’ordre
existant, collusion avec le pouvoir en
place, anticommunisme historique,
conviction que l’armée américaine est le
dernier rempart des libertés, défense de
l’Etat d’Israël, sans compter un bien
compréhensible souci d’autopromotion[6] ».
« Alors il faut comme toujours
tenir bon. Et rendre coup pour coup,
disent Alain Badiou et Éric Hazan,
rien n’est plus important que d’avoir
notre propre idée de ce qui dans les
dispositions et les combats du monde
contemporain a valeur universelle. Si
nous sommes sur ce point de vue
invulnérables dans la pensée, les
inquisiteurs sauront que nous nous
sentons entièrement libres de tenir
leurs vaticinations non comme un péril
pour nous mais comme un symptôme
supplémentaire de leur indignité ».
Or les exemples d’indignité ne
manquent pas dans notre affaire. Je vais
vous en citer quelques-uns.
Cette fameuse enquête administrative
qui a été annoncée dans la presse[7].
Pour la première fois on a cité mon nom
dans tous les journaux nationaux et
toutes les télévisions, de manière
globalement hostile[8].
Un an après que cette enquête ait été
initiée, j’ai interrogé le président de
l’université Vincent Berger[9],
le doyen Benoit Schlemmer,
l’administration : ils m’ont dit « on
ne sait pas » ! Ils ne m’ont pas
dit qu’il y avait eu un non-lieu, ils
m’ont dit « on ne sait pas » !
Je suis allé au siège de l’université,
j’ai ouvert mon dossier administratif :
pas une trace !
Quand je suis allé à Gaza on m’a posé
la seule question vraiment intelligente
« les étudiants ont-ils bien
répondu ? » Eh bien oui, 86 sur 90
ont bien répondu. Ils ont donné les
définitions des crimes de guerre
relevant de la Cour Pénale
Internationale, avec les arguments pour
appuyer chaque crime et notamment la
nécessité d’une investigation
indépendante pour juger du caractère
intentionnel. Les copies d’examen, je
pense qu’elles sont conservées par
l’université, vous pouvez les consulter.
Tout ça n’est pas très glorieux pour
Vincent Berger qui était le président de
l’université et m’a reproché dans la
presse « une atteinte à la laïcité ».
Benoit Schlemmer qui a affiché un
communiqué me condamnant sur les murs de
la faculté[10],
apporté immédiatement par les étudiants.
Il y manifestait « son émotion »,
non pas vis-à-vis de la famille Al Daya
dont 22 membres ont été tués sous un
bombardement israélien, mais qu’on ait
pu en faire un cas de droit.
Le professeur Robert Haiat est
quelqu’un pour lequel j’ai beaucoup de
respect en tant que cardiologue, j’ai
utilisé ses très bonnes questions quand
je préparais l’internat. Mais
l’Association des Médecins Israélites de
France[11]
qu’il préside se prétend « apolitique »,
alors que ses statuts précisent qu’elle
invite à débattre « les
personnalités les plus prestigieuses du
monde politique », que
l’association est « présente sur
tous les fronts de l’action en faveur
d’Israël ». Le Pr Haiat n’a jamais
été convoqué pour enfreinte à la
déontologie ! Quant au changement de
qualification entre « plainte »
et « doléance », il a évité au
professeur Haiat de devoir se confronter
avec moi
[12] pour discuter d’égal à égal,
tranquillement, argumenter, pas plus que
madame C[13].
Ce n’est pas glorieux.
Mme Kahn Bensaude. J’ai été effaré
d’apprendre le passé de cette dame qui a
été vice-présidente puis présidente de
la chambre disciplinaire de l’Ordre des
médecins.[14]
Il est absolument inadmissible que
quelqu’un ait couvert pendant des années
et mis sous le coude des plaintes de
femmes agressées sexuellement en
consultation par un médecin le Dr
Hazout. Des plaintes relatant des faits
commis dès les années 1980. En 2014 le
Dr Hazout a été jugé aux assises comme
c’est normal quand on a commis un crime,
et le viol est un crime. Aujourd’hui le
Dr Hazout est en prison. Et Mme Kahn
Bensaude ose, au nom du Conseil de
l’Ordre, porter plainte contre moi[15]
pour des entorses à la morale ! le
Conseil de l’Ordre en 2012 a été
condamné dans cette affaire. Mme
Bensaude aurait dû démissionner au
minimum.
Donc ce n’est pas acceptable de se
faire donner des leçons de morale par
des personnes qui ont commis des actes
d’une gravité extrême, qui ont été
complices de recel de crimes.
Ariel Tolédano[16].
C’est amusant de se faire donner des
leçons de morale par quelqu’un qui fait
de la phlébologie esthétique avenue des
Champs Elysées et qui surtout commet de
graves entorses à la déontologie.
Son site internet comporte une rubrique
« titres universitaires » alors
qu’il n’en a pas. Un médecin qui se fait
de la publicité médicale interdite à ma
connaissance par la déontologie. Et il
fait même de la publicité, dans le cadre
du traitement des jambes lourdes, pour
l’application de boues de la Mer morte !
Cette histoire prêterait à rire s’il
ne s’agissait pas en réalité d’un
conflit extrêmement meurtrier. J’ai vu
encore lors de mon séjour récent à Gaza
des gens qui vivent dans des maisons en
carton, gorgées d’humidité et de
cafards. J’y ai vu des handicapés
mentaux enchaînés parce qu’ils habitent
en bordure de la frontière et s’ils s’en
rapprochent errants ils vont se faire
mitrailler. Ceci est une affaire
extrêmement grave. Mais au milieu il y a
un peu d’humour et je remercie Mr
Tolédano de nous donner l’occasion de
rire un peu.
Par ailleurs Mr Tolédano, c’est tout
à fait intéressant, m’avait posé la
seule et unique question en provenance
du jury ce jour-là : « Auriez-vous
posé une question sur les crimes commis
par le Hamas ? » Je lui ai répondu
par l’affirmative, mais lui-même
m’aurait-il alors traîné devant une
juridiction si j’avais posé une question
mettant en cause la Somalie, le Soudan
ou le Hamas ? Certainement pas.
Il y a ici effectivement ici un outil
qui est utilisé et qui est le chantage à
l’antisémitisme. Avec des attaques non
pas sur les idées, car aucun opposant ne
veut venir débattre avec moi, mais des
attaques contre les personnes.
On m’a interdit de parole dans
quelques villes de France. Et j’ai été
interdit de parole à l’université de
Freiburg en Allemagne. Au dernier moment
le président de l’université m’a refusé
la salle. La personne qui m’avait
invité, un médecin, a porté plainte. Au
tribunal de Freiburg le président de
l’université a cru bon de faire venir
deux vieux professeurs juifs de
l’université. Et ces professeurs ont
parlé du génocide. L’effet a été très
mauvais sur le jury, car ce n’était
absolument pas le sujet, et l’université
de Freiburg a été condamnée. Un an après
j’ai pu donner ma conférence dans les
locaux de l’université de Freiburg.
J’assume complètement ce que je viens
de vous dire, et je prétends même
continuer.
Par Christophe Oberlin
[Publié le 23 octobre 2016 par
Arrêt sur Info]
[1] 3 « Le Conseil départemental de
l’Ordre des médecins de la ville de
Paris reproche au Dr Oberlin d’avoir
tenu des propos antisémites sur un site
internet et de s’être départi de la
partialité qui incombait à sa fonction
de professeur ». Vous avez bien lu :
« partialité » !
[2] Témoignage d’étudiant
[3] Plainte du Conseil de l’Ordre
classée sans suite le 28 mai 2014
[4] Est-il permis de critiquer
Israël ? Pascal Boniface, Robert Laffont
Paris 2003, p 224
[5] La France dispose du droit de
veto au Conseil de sécurité
[6] L’antisémitisme partout –
Aujourd’hui en France, Alain Badiou et
Éric Hazan, la Fabrique, Paris 2011
[7] Le 14 juin 2012
[8] La presse étrangère m’a été
unanimement favorable, curieux ?
[9] Qui n’a pas répondu
[10] Il « partage l’émotion
légitime » suscitée par une question de
droit humanitaire tirée du Rapport
Goldstone sur la guerre de Gaza
2008-2009. Voir
https://www.youtube.com/watch?v=xQbcd8Zar8U
[11] Membre du CRIF, elle y dispose
de trois délégués au sein de l’Assemblée
générale, et d’un représentant au Comité
directeur
[12] Ce qui est la règle lorsqu’un
médecin porte plainte contre un
confrère. Ici c’est le Conseil de
l’Ordre qui a repris à son compte la
plainte.
[13] Plainte anonyme ou anonymisée ?
[14] Enquête sur les mandarins de la
médecine – Le Conseil de l’Ordre :
protections, affaires et gaspillages,
René Chiche, Editions du Moment, Paris
2013
[15] Comme elle a fait condamner
pour diffamation un médecin qui s’était
plaint à l’Ordre du viol de sa femme par
le Dr Hazout !
[16] L’un des juges en première
instance
Christophe Oberlin, est l’un des
meilleurs connaisseurs de Gaza où il se
rend régulièrement depuis 2001. Derniers
ouvrages : Le chemin de la Cour –
Les dirigeants israéliens devant la Cour
pénale internationale, Erick
Bonnier 2014, L’Echange – Le
soldat Shalit et les Palestiniens, Erick
Bonnier 2015
Le sommaire de Christophe Oberlin
Le
dossier complot dans la République
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