Palestine
La maison de mon ami Bassem Naim a été
bombardée par Israël cette nuit
Christophe Oberlin

Mercredi 16 juillet 2014
J’ai fait la
connaissance de Bassem Naim en Avril
2006, au son du canon*.
Chirurgien de
formation, Bassem Naim était ministre de
la santé. Le Hamas venait de remporter
les élections parlementaires et Israël
bombardait Gaza. Le bruit des
explosions, toutes proches du ministère
de la santé, nous parvenait avec une
régularité de métronome, sans perturber
nos interlocuteurs. Plusieurs
chirurgiens de mon équipe étaient
allemands, et très vite la conversation
s’est faite dans cette langue car
Bassem et son directeur de cabinet
avaient étudié dans ce pays.
Bassem est resté
longuement ministre de la santé. Pendant
la guerre de 2008-2009 il dirigeait les
secours depuis l’hôpital Shifa,
principal hôpital de la Bande de Gaza.
Il a identifié, au milieu des cadavres,
le corps de son neveu ambulancier. Sa
femme est morte d’un cancer de
l’estomac. L’un de ses fils, étudiant en
Egypte, a longuement été torturé à
l’électricité dans l’Egypte de
Moubarak, ce même fils qui, au coup
d’état de juillet 2013 a été expulsé
hors d’Egypte par le nouveau dictateur.
Malgré ces
épreuves, qui sont à peu de choses près
le lot de toutes les familles
palestiniennes, Bassem est toujours
debout. Ses analyses politiques sont
subtiles et modérées.
Bassem est donc
une cible pour Israël. Sa maison a été
bombardée cette nuit. Comme l’a été la
maison de Nasser Eid Tatah cardiologue
et directeur de l’hôpital Shifa, celle
de Jamila Ashanti ancienne ministre de
la condition féminine, celle de mon ami
le Dr Mahmoud Zahar. Ils en ont
réchappé, mais pour combien de temps ?
Une fois de plus
Israël s’en prend aux politiques et aux
intellectuels, et parmi eux aux plus
modérés. Mais qu’on ne s’y trompe pas :
la jeune génération est là : Gaza
fourmille de cerveaux éminents et
dignes. Contre la pensée les bombes sont
inefficaces.
Christophe
Oberlin - 16 juillet 2014
*Voir : Chroniques
de Gaza, Edition Demi-lune p77
|