Opinion
Vladimir Poutine, l’Homme de l’Année
Christian Vanneste
Mardi 29 décembre 2015
L' »Homme de l’année » aura été sans
conteste le Président russe Vladimir
Poutine. Non seulement il incarne le
retour au premier plan de la Russie sur
la scène internationale, mais encore il
offre aujourd’hui l’image d’un dirigeant
différent de la plupart des acteurs de
la vie politique actuelle. J’ai
participé hier à une émission de Radio
Courtoisie qui lui était en partie
consacrée. J’y ai retrouvé Ivan Blot,
l’auteur de « La Russie de Poutine » et
rencontré Denys Pluvinage qui a écrit
« Le siècle Russie », un ouvrage qu’il
faut lire pour se libérer des clichés et
de la désinformation sur ce pays.
Participait aussi à cette émission un
Conseiller National suisse, c’est-à-dire
un député, Claude Béglé
(démocrate-chrétien) , tandis que son
collègue Oskar Freysinger (UDC)
intervenait au téléphone. L’un des
autres sujets abordés était la
démocratie directe, dont la Suisse et
ses « votations » sont le meilleur
exemple. Ivan Blot et moi avons toujours
milité pour son introduction en France.
A priori, tout oppose le système
helvétique et celui qui prévaut en
Russie. Le premier est fondé sur
l’équilibre entre le consensus politique
des quatre partis principaux qui siègent
tous au gouvernement et la démocratie
directe. La présidence est tournante et
son titulaire n’a guère le temps ni les
moyens de peser à l’international. Au
contraire, la Russie actuelle est dotée
d’un régime présidentiel et son
Président a utilisé habilement la
constitution pour jouir d’une durée et
donc d’une expérience qui lui assurent
une place exceptionnelle dans le monde.
Cette opposition conforte apparemment
les thèses classiques sur le lien entre
les conditions géographiques d’un Etat
et la forme de son gouvernement. Un
petit Etat peut être démocratique. Celui
de grande étendue réclame une monarchie.
Mais en fait, c’est l’Histoire qui
explique surtout la réalité politique
d’une nation et la genèse de ses
institutions. Comme le souligne Ivan
Blot, la Russie est une démocratie. Elle
l’est peut-être davantage que la France
où le pouvoir est accaparé par un
microcosme et où les élus ne jouissent
pas en fait de la confiance de ceux qui
les ont élus. Vladimir Poutine incarne
la Russie aux yeux d’une large majorité
des Russes. Reconduit à la Présidence en
Mars 2012 avec 63% des voix dès le
premier tour, il bénéficie de sondages
favorables que lui envient la plupart
des autres Chefs d’Etat, le nôtre, en
particulier. La Russie a non seulement
besoin d’un chef qui la conduise. Il
faut qu’il suscite le respect du monde
et légitime la fierté nationale.
Peut-on être gaulliste, avoir admiré
Reagan et Thatcher au début des années
1980, et de la même manière être séduit
par Poutine aujourd’hui ? Ma réponse est
évidemment positive. Ces fortes
personnalités politiques et historiques
sont apparemment très différentes. Il y
a peu de similitude entre le libéralisme
anglo-saxon farouchement opposé au
socialisme, l’affirmation du rôle
éminent de l’Etat par le Général de
Gaulle, et le patriotisme d’un ancien
officier du KGB, qui intègre sans
problème dans l’Histoire russe le passé
tzariste et la victoire stalinienne sur
le nazisme. En fait, il y a entre ces
personnages un point commun bien plus
important que ce qui les oppose. Ils
incarnent le redressement de leur pays.
Après le désastre vietnamien, le
lamentable mandat de Carter qui voit les
USA reculer partout devant la poussée
communiste à la quelle s’ajoute
l’arrivée des Ayatollahs à Téhéran, il y
a Reagan et le retour de l’Amérique.
Après la faillite du Welfare State des
travaillistes britanniques, le
décrochage économique et financier du
Royaume-Uni, il y a la Dame de Fer, et
sa révolution conservatrice qui va
inspirer un renversement des politiques
dans de nombreux pays, y compris le
nôtre, trop modestement et trop
tardivement. Après la déroute de 1940 et
le pourrissement mortel de la IVe
République, il y a de Gaulle et le
rétablissement d’une France indépendante
et forte. Après l’effondrement de
l’URSS, le démantèlement de l’empire, le
chaos de l’ère Eltsine, il y a Vladimir
Poutine qui assure la renaissance d’une
Russie à nouveau parmi les grandes
puissances du monde.
Le Président russe partage avec le
fondateur de la Ve République quelques
valeurs essentielles. L’axe principal de
leur politique est le patriotisme.
L’intérêt national transcende les
idéologies. De Gaulle disait à
Peyrefitte que la Russie boirait le
communisme comme le buvard boit l’encre.
Poutine en est la démonstration. Le
communisme est mort. La Russie est
toujours vivante, et elle ne renie pas
sa période soviétique en raison de la
puissance que celle-ci lui a apportée.
« Celui qui ne regrette pas la chute de
l’URSS n’a pas de coeur. Celui qui veut
la ressusciter n’a pas de cerveau » :
cette phrase condense la pensée du
Président russe. En somme, pour
paraphraser le Général, la Russie sans
la grandeur n’est pas la Russie. Elle ne
peut aujourd’hui la retrouver que par
d’autres moyens. Le pragmatisme doit
l’emporter sur l’idéologie. La Nation
est un tout, son histoire une
continuité. L’idéologie fracture
l’histoire et oppose les citoyens entre
eux. Pour de Gaulle, la France ne datait
pas de 1789. Pour Poutine, la Russie ne
naît ni en 1917, ni en 1991. Ce
pragmatisme au service de l’intérêt
national conduit également à des
postions politiques communes. La
première est l’exigence de souveraineté
nationale sans laquelle il n’est pas
possible de poursuivre le bien commun du
pays, et qui est une condition
nécessaire de toute démocratie, que
beaucoup paraissent oublier. La seconde
est la conception conservatrice de la
société. Pour qu’un peuple soit maître
de son destin, il faut d’abord qu’il
existe en maintenant son identité. Cela
signifie clairement en Russie, son
identité religieuse, orthodoxe. La
laïcité à la française s’avère sur ce
plan un obstacle plus qu’un levier. Il
faut aussi qu’il se perpétue et la
solidité des structures familiales
soutenues par une politique volontariste
s’impose comme une exigence
démographique. C’est le choix de
Poutine. C’était celui de de Gaulle,
stupidement abandonné et trahi par les
politiciens que nous subissons. Enfin,
le réalisme doit éclairer l’action
politique. La propriété, l’initiative
privée, la souplesse administrative et
fiscale sont plus efficaces qu’une
dépense excessive opérée par un Etat
obèse. Celui-ci doit se consacrer à ses
missions essentielles et doit affronter
la réalité avec lucidité. Cela signifie
notamment ne pas reculer devant l’usage
de la force. C’est ce qu’a fait Vladimir
Poutine en Syrie et sans doute en
Ukraine. Non seulement cela a bloqué la
poursuite de la politique d’isolement de
la Russie par les Etats-Unis, mais cela
les a même amenés à donner plus
d’efficacité à leur lutte contre l’Etat
islamique.
C’est avec nostalgie mais non sans
espoir que les Français doivent regarder
Vladimir Poutine. C’est un homme de
cette trempe qu’il faudrait à notre pays
pour qu’à nouveau, il se redresse. En
attendant, la France devrait modifier
son attitude envers la Russie. La
complémentarité de l’Eurasie russe avec
l’Europe occidentale est évidente. La
Russie et la France ont à la fois une
culture, chrétienne, commune et des
intérêts convergents. Il serait temps de
s’en apercevoir.
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