France-Irak
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Irak : Faudrait-il redessiner les
frontières ?
Chérif Abdedaïm
Vendredi 26 février 2016
Par Chérif Abdedaïm (La
Nouvelle République – Algérie –
25/2/16)*
En septembre 2015, les appels à
diviser l’Irak en mini-Etats selon ses
composantes communautaires ont continué
de se faire entendre à l’extérieur comme
à l’intérieur de l’Irak. Les partis
politiques au pouvoir ont rejeté ces
appels. Le Conseil Islamique Suprême,
à l’unisson des partis au pouvoir, a
condamné les déclarations du directeur
de la Defense Intelligence Agency,
le Général Vincent Stewart, sur le
démembrement de l’Irak, estimant «
qu’elles visent le tissu national de la
société irakienne et qu’elles
approfondiront davantage les différends
qui existent actuellement entre les
différentes composantes ethniques et
religieuses du pays ».
De même la Coalition des Forces
Irakiennes qui représente les Sunnites
au parlement irakien a accusé la
politique américaine d’être à l’origine
des projets tendant à morceler la patrie
arabe, considérant que l’évocation par
de hauts responsables américains l’idée
du démembrement de l’Irak et de la Syrie
« n’est pas une simple hypothèse
mais il s’agit plutôt d’une énième
tentative pour l’imposer sous prétexte
de la politique du fait accompli ».
Dans ce sens, le boss de la région
autonome du Kurdistan irakien, pourtant
compromis jusqu’au cou avec les Turcs,
les Américains et Daech (en 2014),
a lâché une bombe. Barzani a en effet
appelé à redessiner les frontières
Sykes-Picot du Moyen-Orient afin de
créer un Kurdistan indépendant. On
imagine comment la déclaration sera
reçue à Ankara, mais aussi à Baghdad, à
Téhéran et même à Damas…
Plus surprenante est la réaction de
Massoud Barzani, le président du
gouvernement régional kurde qui couvre
l’Irak du Nord. Selon l’AFP, il aurait
déclaré : « Le gouvernement turc a
fait des pas positifs (…) en vue d’une
résolution pacifique, cependant, nous
avons vu que certains (du PKK) n’ont pas
saisi ces opportunités par fierté ».
Il a par ailleurs demandé au PKK de
quitter le pays pour éviter de provoquer
des pertes civiles. Toutefois, il a
appelé le Premier ministre Ahmet
Davutoğlu pour lui faire part de son
«mécontentement quant à la dangerosité
de la situation». Pour lui,
l’escalade doit cesser : «la paix est la
seule façon de résoudre les problèmes,
et que des années de négociations valent
mieux qu’une heure de guerre», a-t-il
ajouté.
Or, dans ces territoires détachés de
la Turquie se trouvait le « vilayet
» (province) de Mossoul dont la
population était majoritairement kurde
avec des minorités arabes et turcomanes
et dont le sol recèle les fameux
gisements pétroliers de Kirkouk, les
premiers à avoir été découverts et
exploités au Moyen-Orient.
D’abord partie du mandat français sur
la Syrie, le vilayet de Mossoul avait
été finalement rattaché à l’Irak en
vertu des accords Sykes-Picot, les
Britanniques ayant exigé cette
adjonction pour assurer la viabilité
économique de leur mandat sur l’Irak,
grâce précisément au pétrole de Kirkouk.
Cependant la nouvelle république turque
n’avait pas cessé jusqu’en 1925 de
réclamer, en partie pour les mêmes
raisons, la réintégration du vilayet
dans le territoire national turc. On
voit déjà par là toute la complexité de
la situation géopolitique du Nord de
l’Irak.
Certes, la Turquie caresse toujours
le rêve de récupérer le fameux vilayet
de Mossoul. La confédération semble la
meilleure solution pour l’équilibre des
forces.
« Si l’on entend lui assurer une
certaine stabilité pour l’avenir, l’État
irakien ne peut être que confédéral,
chacune des trois composantes étant
déterminée par l’identité de sa
population, ethnolinguistique en ce qui
concerne les Kurdes, religieuse en ce
qui concerne les Sunnites et les
Chiites. » Telle est la rhétorique
des sectateurs du dépeçage de l’Irak. Il
existe d’ailleurs un précédent,
l’expérience, certes avortée, de la
« République arabo-kurde » de
Kassem en 1958. Ainsi le nouvel État
confédéral irakien comprendrait-il :
. Un État confédéré Kurde avec,
pour capitale, Kirkouk.
. Un Etat confédéré arabe-sunnite
avec, pour capitale, Samara.
. Un État confédéré arabe chiite
avec pour capitale Bassora.
Baghdad, capitale confédérale
?
Une capitale confédérale serait
constituée par le grand Baghdad, qui
compte cinq millions d’habitants, une
majorité chiite et quelque 800.000
Kurdes. C’est d’ailleurs là, le creuset
où se retrouveraient les trois
composantes régionales. Le grand «
avantage » de cette structure
confédérale, où les pouvoirs confédéraux
seraient réduits à l’économie – le
partage des dividendes du pétrole –
et à la représentation extérieure,
serait de permettre à chaque entité de
s’administrer souverainement elle-même
sans intervention ou domination externe,
quitte à conserver des moyens propres
d’autodéfense. Ainsi serait durablement
évitée l’hégémonie d’un groupe sur un
autre.
Certes, l’opposition au régime de
Saddam Hussein n’est pas allée aussi
loin car elle ne s’est mise d’accord que
sur la création d’une structure fédérale
et non confédérale. Cependant, l’échec
de l’expérience de la « République
arabo-kurde d’Irak » montre que
deux composantes au moins de la
population, Kurdes et Chiites, ont subi
de telles persécutions que seule une
séparation identitaire tranchée paraît
capable de panser les plaies du récent
passé et de permettre aux trois
populations de vivre enfin en paix les
unes avec les autres. Si l’Irak, comme
le souhaitent les Américains, doit
constituer un exemple pour le Proche et
le Moyen-Orient, que l’on commence par
respecter l’identité de ses peuples
constituants.
« Remodeler l’Irak ? Oui, certes,
mais si possible intelligemment
».Telle est la question qui se murmure
donc ça et là au sein des coulisses
occidentalo-américaines.
Photo : Logo de
La Nouvelle République
*Source : Cet article fait
partie du dossier « L’Irak, pays en
convulsion » paru dans
La Nouvelle République (p.12-14)
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