Chronique
Sur quel pied danser ?
Chérif Abdedaïm
© Chérif
Abdedaïm
Mercredi 24 février 2016
C’est maintenant ou jamais pour les
sponsors de l’islamisme s’ils veulent
avoir une chance de peser sur les
destinées syriennes, alors que les
forces loyalistes avancent partout : à
Deraa, à l’est d’Alep, dans la province
de Lattaquié, vers Idlib, vers le
califat autoproclamé de Daech et, plus
important peut-être, au nord d’Alep. La
libération de la grande ville du nord
constituerait un coup mortel à la
rébellion djihadiste.
Ankara et Riyad le savent et jouent
leur joker. Les Turcs continuent leurs
bombardements au mortier contre les YPG
et même l’armée syrienne qui est tout
prêt de la frontière turque dans la
province de Lattaquié. A défaut de faire
voler ses avions et changer quoi que ce
soit à Alep, le sultan loco envoie ses
obus aux abords de la frontière.
Stratégiquement, c’est plutôt
insignifiant sauf pour l’avancée des
Kurdes. Il met par la même occasion
l’OTAN dans un sacré bourbier.
Les Américains ne savent plus sur
quel pied danser, pris qu’ils sont dans
les méandres de leurs contradictions.
Ils condamnent les bombardements de leur
allié turc mais demandent aussi à leur
autre « allié », les YPG, de ne pas «
profiter des circonstances pour gagner
du terrain ». Des déclarations mi-chèvre
mi-chou qui ne satisfont personne.
Washington risque de perdre le PYD, bras
politique des YPG, qui a d’ailleurs très
vite fait savoir qu’un retrait de la
frontière et un arrêt des opérations
étaient hors de question.
Chose intéressante, Erdogan semble
être en passe de réussir l’exploit de
créer un sentiment d’unité (contre lui
!) Salih Muslim, l’un des leaders du
PYD, a affirmé que la Turquie n’avait
pas à se mêler des affaires internes de
la Syrie et a prévenu Ankara qu’une
intervention turque verra « tous les
Syriens se lever contre elle ». De même,
Jaysh al-Thuwwar, un groupe allié aux
YPG et soutenu par les USA car
initialement anti-Assad, a averti la
Turquie : « Si vous manigancez dans
notre chère nation, nous défendrons
notre pays et notre peuple ». Bien
malgré lui, le sultan donne un petit
coup de pouce à Assad dans l’optique
d’une éventuelle « réconciliation
nationale ».
Reste à savoir ce que vont faire les
Russes et les Iraniens. Stratégiquement
– offensive kurde visant à sceller la
frontière mise à part – les obus
ottomans ne changent pas grand chose.
Les Sukhois continuent de pilonner les
djihadistes partout dans le pays selon
les recommandations de la résolution
onusienne et Moscou déclare tout de go,
et avec raison, que le cessez-le-feu ne
s’applique pas à ses opérations contre
les groupes terroristes et affiliés. (En
passant, notons l’imperceptible
changement de ton des médias occidentaux
; dans son titre, Reuters utilise des
guillemets pour qualifier les rebelles
de « modérés »).
Reste à châtier les Turcs s’ils ne se
calment pas rapidement et permettre aux
Kurdes de sceller la frontière,
empêchant le ravitaillement de Daech. Et
là, il y aura peut-être du nouveau.
Obama a appelé Poutine pour discuter de
la Syrie tandis que Lavrov et Kerry ont
fait de même. Assurance américaine que
l’OTAN ne soutiendra pas le trublion
turc en cas de conflit ouvert avec la
Russie ? Promesse que le dément d’Ankara
n’ira pas plus loin ? A suivre…
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