Chronique
Le bal des faibles
Chérif Abdedaïm
© Chérif
Abdedaïm
Mercredi 24 février 2016
Commençons par une
information qui, de prime abord semble
assez banale (nouvelle avancée des
forces loyalistes et des YPG kurdes,
nouvelle défaite des djihadistes
soutenus par la Turquie), mais qui se
révèle fort intéressante lorsqu’on la
décrypte :
« Les YPG kurdes
sont entrées dans le village de Kafr
Naya au nord d’Alep ce matin. La semaine
dernière, l’armée syrienne aidée du
Hezbollah et de milices paramilitaires
avaient capturé Kafr Naya aux mains du
groupe islamiste Al Nosra. Cependant, le
groupe rebelle avait profité de
l’avancée de l’armée loyaliste vers le
sud pour reprendre le village après une
courte bataille. » Le dernier bulletin
d’Al masdar news annonce d’ailleurs que
Kafr Naya a été définitivement prise par
les YPG.
Ceci est doublement
intéressant :
1.
Les bombardements du sultan ne gênent en
rien l’avancée des Kurdes, sauf
peut-être aux abords immédiats de la
frontières turque (Azaz). Là, il faudra
attendre quelques jours pour voir la
situation évoluer (on peut imaginer que
quelques batteries de missiles de
fabrication russe sont en train de se
diriger doucettement vers la zone…) Mais
ailleurs, les YPG continuent leur
offensive et Ankara n’y peut rien.
2.
Il semble que l’armée syrienne ait
laissé en bonne entente les YPG faire le
boulot et prendre le village. Ce qui en
ressort est une alliance tactique et un
véritable partage des tâches : toi, tu
prends ce point ; moi, je m’occupe de
celui-ci… Qu’il est loin le temps où le
PYD kurde était dans l’opposition à
Assad ! Tout ce qu’Erdogan a réussi est
d’unifier ses adversaires contre lui.
Partout ailleurs,
les forces loyalistes progressent et il
serait trop long d’en faire la liste. Le
plus intéressant est la course vers
Raqqah. L’armée syrienne, bien aidée par
les bombardements russes, avance à
vitesse grand V vers l’aéroport
stratégique de Tabaqa, situé à seulement
20 km de la capitale du califat. Or
cette expansion met en évidence les
errances de ces autres impuissants
patentés que sont les Saoudiens.
Rappelons que c’est
pour avoir voix au chapitre des
négociations de l’après-Daech que les
deux sponsors du djihadisme se sont
soudain réveillés et ont proposé de
participer à une opération «
anti-terroriste » (défense de rire). On
nous annonçait un nuage d’avions
saoudiens à Incirlik, une invasion
terrestre, on allait voir ce qu’on
allait voir…
On ne voit rien.
Les avions saoudiens ne sont pas encore
arrivés (il y a eu des cafouillages sur
la communication du côté de Riyad) et
s’ils finissent par atterrir, ils ne
seront que… quatre ! Bref, circulez, y’a
rien à voir.
Il est vrai que les
wahhabites sont des clowns quand il
s’agit de faire la guerre. Au Yémen, ils
se font fesser en 3D. Nous avions
annoncé il y a bien longtemps que la
campagne serait loin d’être une partie
de plaisir, surtout dans les montagnes,
et que le bourbier menaçait. Nous n’en
sommes même plus là : les Houthis, qui
semblent maintenant bénéficier du plein
soutien de Téhéran, passent carrément à
la contre-attaque et reprennent villes
et points stratégiques aux
pétromonarchiques.
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