Comment je
vois le monde
La normalisation
de l'Iran :
A qui profite-t-elle ?
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Samedi 30 novembre 2013
«Il ne
faut plus changer de pansement mais
penser le changement»
Nöel
Mamère Député français
Ça y est ! L'Iran a signé un accord sur
le nucléaire avec les 5 du Conseil de
sécurité +1. Selon le côté d'où l'on
observe cet accord, c'est soit une
victoire qui a réussi à faire mettre un
genou à terre en lui faisant abandonner
toute velléité d'accès au nucléaire
militaire, soit une victoire si l'on
accorde au triomphalisme des Iraniens,
qui disent avoir préservé leur capacité
d'enrichissement, bien qu'accord n'en
parle pas explicitement, soit tout le
monde s'est trompé: Israël a raison,
c'est un mauvais accord qui laisserait
intacte la capacité de nuisance des
Iraniens.
C'est à se demander si les prétentions
d'Ahmadinejad étaient toutes autres? La
bombe? Ou simplement un gigantesque
malentendu que le doigté de Rohani a
dissipé. Et pourtant, malgré toutes les
privations qu'il a subies l'Iran a
continué sa quête du savoir et de la
technologie. Les «stratèges du FMI» qui
sont allés scanner sans complaisance
l'économie iranienne, il y a deux ans,
n'ont pas dans leur rapport tari
d'éloges sur la gouvernance iranienne.
La dernière prouesse iranienne c'est la
fabrication d'un drone avec un long
rayon d'action, c'est peut-être un
copier-coller du fameux drone américain
espion intercepté, neutralisé et l'Iran,
autrefois connue sous le nom de Perse, a
donné naissance il y a 2500 ans au
premier, ramené intact sur une base
iranienne. Summum de la bataille
technologique, malgré la cyberattaque
par le suxnet virus américano-israélien
pour freiner le programme
d'enrichissement, on apprend que l'Iran
a créé l'équivalent de Google, utilise
ses satellites et toutes institutions
sensibles sont connectées à l'intranet.
Il y a donc matière à réétalonner les
rapports avec ce pays.
L'Iran dans l'Histoire
Peu de personnes, surtout en Occident
ont une perception réelle de la
dimension historique de cet empire.
Comme lu sur le site «Hérodote»: «L'Iran
est un empire à vocation universelle.
Depuis lors, les plateaux iraniens ont
abrité des civilisations du plus extrême
raffinement, qui n'ont rien à envier à
l'Occident comme à l'Orient. À la
différence de leurs voisins, les
Iraniens ne souffrent d'aucune
frustration à l'égard de l'Occident. Ils
n'ont de «revanche» à prendre sur
personne, sinon sur les trublions
cupides qui ont tenté depuis la Seconde
Guerre mondiale de s'approprier leurs
réserves pétrolières..... Vaste comme
trois fois la France (1,6 million de
km2), l'Iran compte un peu plus
d'habitants qu'elle (70 millions).
Aujourd'hui comme au temps de Cyrus, le
pays témoigne d'une très grande
diversité de populations et de langues
».(1)
Dans l'Antiquité domine le mazdéisme (de
Mazda, Dieu, dans la langue perse),
aussi appelé zoroastrisme VIIe siècle
avant J.-C. Il prospère sous les
Achéménides (les héritiers de Cyrus) et
va survivre jusqu'à l'approche de l'an
1000 avant de s'effacer presque
complètement face à la poussée de
l'Islam. Le judaïsme est présent en Iran
dès l'époque des Achéménides, Cyrus le
Grand lui-même ayant accueilli des
Hébreux après leur exil de Babylone! Le
christianisme arrive en Iran dès les
premiers siècles de notre ère.
Aujourd'hui, victime de persécutions, il
n'est plus guère représenté en Iran.
L'Islam arrive quant à lui avec la
conquête arabe, en 651, mais ne s'impose
pas d'emblée. (...) le chiisme
duodécimain. Le chiisme devient religion
d'État sous la dynastie nationale des
Safavides, au XVIe siècle. Depuis que
Cyrus le Grand a rassemblé tous les
peuples des plateaux iraniens sous son
autorité et les a entraînés à la
conquête de l'Orient, de la mer Égée à
l'Indus, l'Iran n'a plus cessé de
rayonner sur le monde environnant».(1)
Voilà pour l'histoire.
Les détails de l'accord sur le
nucléaire iranien
L'accord signé entre les sept pays
négociateurs (Iran, Etats-Unis, Russie,
Chine, France, Allemagne et Royaume-Uni)
prévoit que la République islamique
accepte de limiter son programme
nucléaire, soupçonnée par Washington et
ses alliés d'avoir des visées
militaires, en échange d'un allègement
des sanctions économiques. L'accord
obtenu n'est que préliminaire et devra
déboucher dans six mois sur un accord
définitif. L'Iran s'est engagé à une
profonde révision de son programme
nucléaire et se soumettra à des
inspections internationales plus
poussées pendant six mois: cesser tout
enrichissement d'uranium «à plus de 5%
et de démanteler les processus
techniques nécessaires pour enrichir à
plus de 5%» ; neutraliser «son stock
d'uranium enrichi à près de 20% en le
diluant», arrêter la construction de
toute nouvelle centrifugeuse à uranium.
(2)
« Le pays a cependant le droit de
remplacer les centrifugeuses déjà
existantes, interrompre les travaux
menant à la mise en marche d'un réacteur
dans l'usine d'Arak ainsi que la
production de combustible à destination
de cette centrale, deux points
particulièrement défendus par la France,
renoncer à construire une «usine capable
(...) d'extraire du plutonium à partir
du combustible usagé», permettre un
«accès quotidien de ses sites de Natanz
et Fordow à des experts de l'Agence
internationale de l'énergie atomique
(AIEA)» ainsi qu'à ses usines de
fabrication de centrifugeuses et aux
mines d'uranium. En contrepartie, les
pays négociateurs vont consentir à un
allègement des sanctions «limité,
temporaire, ciblé et qui pourra être
annulé», équivalant à environ sept
milliards de dollars, ce qui ne
représente qu'une fraction des sanctions
pour l'Iran ». (2)
Y a-t-il eu une vraie chance
pour la paix?
Au-delà des communiqués triomphalistes
de part et d'autre et de l'apocalypse
annoncée par Israël, François Nicoullaud,
ancien ambassadeur de France en Iran
pense que c'est un bon accord.
Ecoutons-le: «C'est un bon accord, Il
est solide, détaillé, équilibré. Il
offre aux deux parties des
satisfactions. (...) Israël voit le
verre à moitié vide, mais force est de
constater que cet accord préliminaire ne
facilite pas l'avancée de l'Iran vers la
bombe pendant la durée des négociations.
L'accord permet une levée limitée, mais
réelle de ces sanctions qui pénalisent
lourdement l'économie iranienne: la
capacité d'exportation de pétrole de
l'Iran, a été réduite de moitié et les
sanctions étaient conçues pour les
réduire à zéro. (...) Une des clauses de
l'accord pourrait s'avérer importante
pour l'industrie française: la levée des
sanctions américaines sur l'automobile.
Cela pourrait permettre à Peugeot et
Renault de revenir en Iran. Les deux
groupes qui étaient très présents dans
le pays ont été lourdement pénalisés par
ces sanctions. L'accord dit clairement
que l'Iran bénéficie de tous les droits
et devoirs accordés par le traité de
non-prolifération nucléaire Il n'est pas
écrit en toutes lettres que l'Iran peut
continuer à enrichir son uranium, mais
de fait le texte établit implicitement
cette possibilité. La formulation est
habile, elle permet à chacun de garder
la tête haute.» (3)
La réalité des choses
Il semble tout d'abord que l'accord est
en gestation depuis plusieurs mois bien
avant la prise de fonction de Rohani.
Est-ce à dire que s'agissant de cela,
Ahmadinejad, ne pouvait pas ne pas
savoir ce qui se passait et qu'en fait
tout se joue avec les Etats-Unis. Selon
l'Associated Press, du 24 novembre,
citant des responsables américains, de
hauts responsables américains et
iraniens ont mené pendant plusieurs mois
des discussions bilatérales secrètes qui
ont joué un rôle important dans l'accord
préliminaire sur le nucléaire iranien
conclu dans la nuit de samedi à
dimanche. Ce n'est qu'après le coup de
fil historique entre le président
iranien nouvellement élu et Barack
Obama, fin septembre, que les Etats-Unis
ont informé leurs alliés, les autres
membres du P5+1 et Israël, de
l'existence de réunions secrètes tenues
pendant l'été, raconte l'agence.
Le «deux poids, deux mesures»
dénoncé par le député Noël Mamère
Pour Noël Mamère: «Qui ne peut se
réjouir de l'accord passé entre l'Iran
et la communauté internationale sur le
nucléaire militaire? Pour une fois
qu'une bonne nouvelle arrive de cette
région du monde, ne boudons pas notre
plaisir Le bilan est impressionnant.
L'Iran s'engage... En contrepartie, les
pays négociateurs allègent les sanctions
et n'en n'imposeront pas de nouvelles
pendant six mois (...) Israël ne peut
continuer à utiliser le danger du
nucléaire iranien pour faire diversion.
Pour une fois, la diplomatie a primé sur
la logique de guerre et a fait bouger
les choses dans un sens positif. Bien
sûr, la réaction d'Israël est négative.
Mais pour de mauvaises raisons. Faut-il
rappeler que le seul Etat de la région à
posséder l'arme nucléaire est
précisément Israël? Il ne pourra pas
cacher plus longtemps son immobilisme
sur le dossier palestinien, sa volonté
implacable de continuer encore et encore
la colonisation, en faisant diversion
avec le nucléaire iranien. (...)
L'accord signé dimanche est aussi un pas
en avant important pour la paix en
Syrie.(...)»
Noël Mamère va plus loin, il parle de
désarment global: «Mais cet accord ne
doit pas être l'arbre qui cache la
forêt, à savoir, le désarmement
nucléaire multilatéral. L'Iran n'a fait
ni plus ni moins que ce qu'a fait avant
elle l'ensemble des pays dotés de l'arme
nucléaire: lancer des programmes
nucléaires militaires dans le plus grand
secret et mettre la communauté
internationale devant le fait accompli
(...)... Le fait est que, depuis
quarante ans que le Traité est entré en
vigueur, les Etats nucléaires continuent
à moderniser leurs armes sans s'être
jamais engagés dans une négociation en
vue d'un désarmement complet ».(4)
Noël Mamère en appelle à un désarment du
Moyen-Orient: «La dynamique de Genève
doit permettre de pousser l'avantage.
L'objectif doit être de faire du
Moyen-Orient une «zone exempte d'armes
nucléaires». Elle est toujours bloquée
par les Etats-Unis et Israël (...) On ne
peut vouloir interdire l'accès au
nucléaire de l'Iran, signataire du TNP,
et laisser d'autres Etats, comme Israël,
continuer à s'équiper sans aucun
contrôle de la communauté
internationale. Il ne saurait y avoir
deux poids, deux mesures. (...) Cette
observation est également valable pour
la France qui, malgré la crise, persiste
à conserver et à renforcer son potentiel
nucléaire.»(4)
Les réactions dans le monde
occidental et en Israël
Lors d'une intervention solennelle
depuis la Maison-Blanche, le président
américain Barack Obama a assuré que cet
accord obtenu à l'arraché «barre le
chemin le plus évident» de la République
islamique vers une bombe atomique. Même
satisfaction intéressée des pays
européens qui attendent des miettes du
marché prometteur de 70 ùmillions
d’Iraniens consommateurs des champs de
gaz de South Pars, une fois que l’Empire
se sera servi..
La réaction de l'Etat hébreu ne s'est
pas fait attendre: le bureau du Premier
ministre Banjamin Netanyahu a dénoncé un
«mauvais accord qui offre exactement ce
que l'Iran voulait: la levée
significative des sanctions et le
maintien d'une partie significative de
son programme nucléaire.» De son côté,
le ministre de l'Economies Naftali:
«L'accord laisse intacte la machine
nucléaire iranienne et pourrait
permettre à l'Iran de produire une bombe
dans une période de six à sept semaines.
Israël est prêt à toute éventualité», a
déclaré le ministre israélien à la radio
militaire ». (5)
« Pour Simon Peres, «un accord a été
signé entre le P5 +1 et l'Iran. C'est un
accord intérimaire. Le succès ou l'échec
de l'accord sera jugé par des résultats
et non par des mots. Je voudrais dire au
peuple iranien: «Vous n'êtes pas notre
ennemi et nous ne sommes pas le vôtre.
Il est possible de résoudre ce problème
par la voie diplomatique. Cela est entre
vos mains. Rejetez le terrorisme.
Arrêtez le programme nucléaire. Arrêtez
le développement de missiles à longue
portée». Pour sa part, la ministre de la
Justice, Tzipi Livni a recommandé de
«regarder vers l'avenir: Israël doit
agir en étroite coopération avec les
Etats-Unis pour renforcer cette alliance
stratégique et créer un front politique
avec d'autres pays, comme les pays
arabes, qui considèrent un Iran
nucléarisé comme une menace.» (5)
Curieusement, au moment où la vraie
communauté internationale celle des
«laissés pour compte» inaudible, pousse
un ouf de soulagement, on dit que les
Saoudiens ne sont pas d'accord avec
l'accord! Pour le journal britannique
Sunday Times se référant à des sources
diplomatiques, ils seraient prêts à
s'allier avec Israël pour démolir
l'Iran! Le service de renseignement
israélien Mossad et les autorités
saoudiennes coopèrent pour mettre au
point un plan d'attaque contre l'Iran.
L'Arabie Saoudite envisage également de
fournir à l'Etat hébreu des drones, des
hélicoptères de sauvetage et des avions
de transport. C'est dire si les
dirigeants saoudiens ont perdu toute
crédibilité.
La guerre invisible en
Cisjordanie et l'indifférence de
l'Occident
Pourtant, le vrai scandale, c'est celui
de la condition palestinienne sous la
colonisation qui continue et les
constructions qui ont connu un essor
sans précédent. C'est à se demander si
un jour ces négociations aboutiront pour
mettre un terme au martyr d'un peuple,
maintenant qu'Israël ne peut plus
brandir la menace d'un Iran nucléaire à
ses portes. Il semble que non! Dans le
film Voyage dans une guerre invisible
réalisé par Paul Moreira. Benjamin
Barthes du journal Le Monde rapporte le
traitement de la population
palestinienne par les autorités
israéliennes.: «(...) Nous sommes en
2001, en pleine seconde Intifada. Ne se
sachant pas filmé, l'ex-chef de file du
Likoud, la droite nationaliste, raconte,
avec un cynisme et une roublardise à
toute épreuve comment il a réussi à
vider les accords de paix d'Oslo de leur
substance. Devant l'un de ses hôtes, qui
s'inquiète d'éventuelles pressions
internationales, il lâche, plein de
dédain: «Qu'ils parlent, qu'ils parlent,
laisse-les parler.»(6)
«Dans la séquence. On y voit des jeunes
juifs, le visage masqué, mettre le feu à
des oliveraies, sous le regard passif
des soldats; un vieux berger à dos de
mulet empêché d'emmener son troupeau
paître, par des conscrits trois fois
plus jeunes que lui; la population
entière d'une ville (Hébron), privée de
marché, pour que la poignée de
fanatiques juifs enkystés dans son
centre puisse célébrer une fête du
calendrier juif. D'une précision
scrupuleuse, il donne la parole à des
colons en désaccord avec ces pratiques,
tout en pointant la complaisance éhontée
des autorités à l'égard de ces
extrémistes en kippa».(6) Tout est dit.
A qui profite en définitive, la
«normalisation» de l'Iran? Sans l'ombre
d'un doute, aux Américains, les vassaux
auront des miettes du marché iranien.
Ensuite à Israël qui malgré les
protestations, sort grand vainqueur. Le
perdant est connu, c'est toujours le
Monde arabe installé confortablement
dans les temps morts avec des potentats
adoubés par l'Occident qui sont là
depuis la nuit des temps sans
perspective aucune pour les peuples
arabes harassés par tant de malheur.
1. http://www.herodote.net/2500_ans_d_
Histoire-synthese-218.php
2. Les détails de l'accord sur le
nucléaire iranien Le Monde.fr avec AFP |
25.11.2013
3. Nucléaire iranien: «L'accord de
Genève permet à chacun de garder la tête
haute» Propos recueillis par Catherine
Gouëset, 24/11/2013
4. http://blogs.rue89.com/chez-noel-mamere/2013/11/25/interdire-le-nucleaire-militaire-liran-et-pas-israel-231775
5
http://www.tribunejuive.info/israel/israel-decu-inquiet-determine
6.Benjamin Barthe http://www.lemonde.fr/
culture/article/2013/11/25/voyage-dans-une-guerre-invisible_3518819_3246.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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