Opinion
Judaïsation d'al Qods :
La défaite du droit international
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 27 novembre 2014
«Pour toi, Oh! Ville des prières Je
prie. Pour toi, Oh! Belle des cités, Oh!
Rose des villes.Oh! Qods. Oh! Qods, Oh!
Qods Nos yeux, vers toi émigrent chaque
jour. Visitent les galeries des lieux de
culte. Enlacent les anciennes
cathédrales et lavent la tristesse des
mosquées. La malédiction foudroyante
arrivera. Je marcherai sur les chagrins.
Devant le visage de l'Eternel la porte
de notre ville ne sera pas fermée. Et
toi, fleuve de Jordanie tu déborderas de
tes eaux bénites Pour effacer, Les
traces des pas de la barbarie,. El Qods
est à nous. Et avec nos mains Nous lui
rendrons sa beauté. Avec nos mains, la
paix à El Qods, La paix à El Qods., La
paix à El Qods».
Fairouz, Li adjlika ya madinat essallam
Cette belle chanson de Fairouz nous
commande de nous indigner contre le sort
de Jérusalem. Encore une fois
l'actualité nous rappelle sans trop
insister la plaie béante de la Palestine
à travers deux informations non
commentées volontairement par les médias
occidentaux. Il s'agit de la judaïsation
rampante de Jérusalem qui a atteint un
point dangereux et l'annonce par le
gouvernement Netanyahu de l'Etat des
juifs... Nous avons dans une
contribution précédente à laquelle je
renvoie le lecteur expliquer la
dimension hautement symbolique pour les
trois religions Al Quds, Jérusalem,
Yerushaláyim est une ville du
Proche-Orient qui tient une place
prépondérante dans les religions juive,
chrétienne et musulmane. Pour les juifs,
Jérusalem est considérée à la fois comme
un lieu important, c'est la capitale du
roi David. Pour les chrétiens, depuis le
Ier siècle et les récits de la vie de
Jésus de Nazareth telle que décrite dans
les Évangiles, depuis sa montée au
Temple de Jérusalem jusqu'à sa
crucifixion et sa résurrection. Et enfin
pour les musulmans, la tradition fait de
Jérusalem le lieu d'où le Prophète de
l'Islam Mahomet (Qsssl) aurait effectué
son voyage nocturne, sourate XVII du
Coran. (al Mi`raj: l'ascension) (1).
Pendant deux mille ans, exception faite
des croisades, cette ville qui a connu
la paix et l'administration ottomane n'a
jamais remis en cause le statu quo. A
titre d'exemple une famille
palestinienne musulmane est chargée
depuis plus de huit siècles de garder
les clés du Saint Sépulcre pour éviter
les dissensions entre les différents
cultes chrétiens.
Le commencement des malheurs de la ville
Depuis 1967, les gouvernements
israéliens successifs, quel que soit le
parti au pouvoir, s'évertuent à
transformer la physionomie de Jérusalem.
L'ambition consiste à encercler les
quartiers arabes par une politique
d'expropriation des terrains entourant
les limites municipales de 1967.
Jérusalem-Est faisait 38 km² en 1967. La
résolution 476 et la résolution 478 du
Conseil de sécurité de l'ONU sont
relatives à cette décision. Elles
réaffirment que «l'acquisition de
territoire par la force est
inadmissible», qu'il doit être mis fin à
l'occupation de Jérusalem et que «les
dispositions législatives et
administratives prises par
Israël...n'ont aucune validité en droit
et constituent une violation flagrante
de la convention de Genève...» Le 8
décembre 2009, l'Union européenne
appelle Israël à partager Jérusalem
comme capitale conjointe de deux États
hébreu et palestinien. Israël sait tout
cela depuis plus de 60 ans, il n'en
tient pas compte. Des Israéliens lucides
aspirent à la paix et qui combattent
pour l'avènement d'un Etat palestinien
viable. En son temps, Isaac Rabin ne
faisait pas de la fixation sur
Jérusalem, pour lui la «Bible n'est pas
un cadastre» (1)
Les stratégies fécondes pour la
judaïsation
Aujourd'hui, Al Qods est une ville
occupée par Israël. Une panoplie de
résolutions onusiennes pour la
préservation de la ville sainte ont vu
le jour à savoir *252 de 1968:* 242 de
1967:*338 de 1973:*267 de 1969:*271 de
1969:*453 de 1979:*465 et 476 et 478 de
1980:*1073 de 1996. Les résolutions de
1979 et 1980. Les moyens utilisés par
l'autorité occupante pour la
judaïsation, nous dit Mohamed Benallal,
sont bien connus: Une colonisation à
outrance. La confiscation de milliers
d'ha de terre sur lesquelles les
colonies ont été bâties. La menace
réelle d'élimination d'agglomération de
population palestinienne. L'expulsion
des Palestiniens. L'isolement de la
ville Al Qods de sa banlieue et de son
tissu palestinien que ce soit au sud ou
bien au nord d'Al Qods. D'autres effets
négatifs tels la peur, les agressions et
les diverses injustices. Sont aussi
mises en oeuvre. Par ailleurs, les
sionistes cherchent également à changer
les aspects et l'identité et même
l'histoire culturelle de la Palestine,
la baptisation des quartiers, des rues
et boulevards de la ville, les travaux
d'excavation du dessous de la mosquée
d'Al Aqsa portent un grand préjudice
pouvant mener des dégâts considérables
au patrimoine de la ville sainte (2).
D'autre part, en mai 2014 Israël a
entamé l'exécution du plan de
judaïsation d'Al-Qods Acharif et de la
mosquée d'Al Aqsa à travers la
construction de 100 synagogues et
bâtiments, outre le lancement
d'opérations de fouilles, le plan compte
la construction de deux synagogues dont
le dôme de l'une d'elles couvre une
partie de la mosquée d'Al-Aqsa ainsi que
des restaurants «dans le but de diviser
la mosquée comme ont fait les sionistes
avec la mosquée d'Ibrahim en confisquant
70% de sa superficie.» (3)
La judaïsation d'El Qods avec la
complicité des Palestiniens
Une autre technique d'accaparement de
l'espace consiste à acheter au prix fort
des maisons de Palestiniens avec la
complicité indirecte de Palestiniens
-tentés par l'appât du gain- de cette
stratégie de changement du caractère
multiculturel et multicultuel de
Jérusalem: «Au-delà des coups de poing
ou des pierres, Israéliens et
Palestiniens se livrent à d'Al Qods-Est
un combat moins visible mais aussi
acharné, à renfort d'actes officiels
brandis par les colons pour s'approprier
des maisons et judaïser la partie
annexée de la Ville sainte. L'un des
champs de bataille les plus farouches
est le quartier de Silwan, où environ
500 colons vivent retranchés au milieu
de 45.000 Palestiniens. Les heurts sont
fréquents. Deux fois au cours du mois
écoulé, les Palestiniens de Silwan ont
été réveillés avant l'aurore par
l'installation de nouveaux voisins, sous
la protection des policiers. Les colons
ont pris possession de 35 appartements,
certains par la force disent les
Palestiniens, d'autres en toute
légalité, dont ceux de la famille Rajabi.
Les Rajabi cherchaient à vendre leur
immeuble de trois étages et le terrain
attenant à Silwan, quartier voisin de
l'esplanade des Mosquées, troisième lieu
saint de l'islam également vénéré par
les juifs. Ils tenaient à vendre à un
Palestinien.» (4)
«Un jour, un Palestinien s'est présenté.
´´Il disait vouloir acheter pour son
cousin installé à Dubaï et sa famille
est connue pour son attachement à la
cause palestinienne´´, raconte Zouheir
al-Rajabi à l'AFP. Alors, ils ont vendu,
pour l'équivalent de 500.000 euros.
(...) Les colons utilisent soit des
hommes de paille palestiniens, soit la
loi relative aux biens des absents,
détaille Khalil Toufakji, cartographe à
Al Qods.La loi adoptée en 1950 place
sous la tutelle de l'Etat israélien tous
les biens dont les propriétaires ont fui
lors du conflit en 1948. Les agents au
service des colons ´´sont de plus en
plus nombreux à Al Qods et sur la Ligne
verte´´, l'historique ligne de
démarcation avec Al-Qods-Est, affirme
Ahmed al-Roueidi, chargé de la question
d'Al Qods au sein de l'Autorité
palestinienne. Les hommes de paille
seraient payés des fortunes pour les
risques qu'ils prennent. D'autres
transactions se font via des sociétés
dénoncées par les Palestiniens comme des
prête-noms. Avec ces achats, accuse
M.Toufakji, Israël veut modifier la
réalité démographique en vue de
négociations sur le statut d'Al Qods et
en particulier sur une éventuelle
division de la ville. Quelques centaines
en 1967, les juifs sont désormais
environ 195.000 sur une population de
450.000 à Al Qods-Est.(4)
Même les Palestiniens chrétiens;
écrivait Laurent Zecchini du journal Le
Monde il y a quatre ans, s'inquiètent:
«Jérusalem est-elle en train de perdre
lentement son caractère
multiconfessionnel? Les Palestiniens
musulmans et chrétiens, qui dénoncent la
´´judaïsation´´ croissante de la Ville
sainte, l'affirment. (...) «Les
Israéliens remettent en cause une
tradition de liberté religieuse qui est
en vigueur depuis neuf cents ans,
dénonce Youssef Daher, du Conseil
oecuménique des Eglises (JIC), et ils
bafouent le Statu Quo de 1852» qui régit
les rapports par ailleurs tendus entre
les confessions orthodoxe, latine et
arménienne au sein du Saint-Sépulcre.
Dimanche 28 mars, alors qu'un millier de
catholiques participaient à la
traditionnelle procession des Rameaux,
le patriarche latin a souligné que Jésus
était entré dans Jérusalem «sans
escorte, sans soldats, sans mur de
séparation et sans check-point» (5).
La judaïsation de Jérusalem a atteint
une étape dangereuse
Comme l'écrit Roqayah Chemseddine
journaliste libano-américaine, la
judaïsation de Jérusalem-Est une
composante de l'occupation de la
Palestine entière, et un simple examen
superficiel révèle combien l'institution
sioniste a politisé en profondeur la vie
quotidienne des citoyens non juifs et
des habitants de la Palestine occupée.
L'hyperpuissance de la société coloniale
israélienne a créé des politiques
discriminatoires qui visent directement
les Arabes; et la raison de cette
politique discriminatoire est de
favoriser la population juive, en
rendant la vie des Palestiniens de plus
en plus difficile. La Résolution 181 de
l'Assemblée générale des Nations unies
avait proposé en novembre 1947
l'établissement d'un «corpus separatum»,
suggérant que Jérusalem devienne un
district sous supervision internationale
administré par les Nations unies. (...)
En 2013, une campagne menée par le
conseil municipal sous le slogan
«Judaïser Jérusalem», orchestrée par
Aryeh King, un colon d'extrême-droite
qui, d'après un document de David Sheen
pour The Electronic Intifada, «a lancé
un appel à peine voilé à mutiler et à
assassiner des Palestiniens», quelques
heures avant que le petit Palestinien
Mohammed Abou Khudair ne soit brûlé vif.
Cette judaïsation de Jérusalem procède
non seulement d'un appétit insatiable
d'Israël pour davantage de terres
palestiniennes mais aussi de
l'effacement de l'identité
palestinienne: et pour que Jérusalem
perde son caractère palestinien il ne
faut plus qu'il y ait de Palestiniens.»
(6)
Pour rappel, la
résolution 194 proposait déjà en 1948 de
placer la Ville sainte sous «un régime
international permanent pour la région
de Jérusalem assurant à chacun des
groupes distincts le maximum d'autonomie
locale compatible avec le statut
international spécial de la région de
Jérusalem».
Israël Etat du
peuple juif?
Fort de son
impunité et de la mauvaise conscience
des Occidentaux à l'endroit du massacre
de masse des juifs pendant la Seconde
Guerre mondiale, Israël poursuit son
grand dessein: Annoncer un Etat du
peuple juif. C'est-à-dire qu'à terme les
Arabes d'Israël ont vocation à être
évacués d'Israël. Nous avons rapporté
dans plusieurs de nos écrits, les
travaux de chercheurs israéliens qui
montrent qu'il n'y a pas de peuple juif
mais une religion juive qu'une partie
des Cananéens ont embrassée, pendant que
les autres ont opté par la suite pour le
christianisme et plus tard en partie
pour l'islam.
On apprend que le
gouvernement israélien a voté dimanche
en faveur d'un projet de loi controversé
visant à renforcer le caractère juif de
l'État d'Israël. La Knesset l'examine.
Ce projet controversé qui définirait
l'État hébreu non comme «juif et
démocratique» mais comme «l'État
national du peuple juif». Au grand dam
des Arabes israéliens, l'État hébreu ne
serait plus défini dans la Constitution
comme «juif et démocratique» mais comme
«l'État national du peuple juif».
Même si la version
définitive du texte devrait être
édulcorée à la Knesset, certains
dénoncent une forme de racisme. Les
Arabes-israéliens, les descendants des
Palestiniens restés sur leur terre après
la création d'Israël en 1948, dénoncent
eux une «inscription du racisme, déjà
présent dans la rue, dans la Loi et au
coeur du système politique», selon les
mots de Majd Kayyal, d'Adalah, le Centre
juridique de défense des droits de la
minorité arabe. «La démocratie garantit
que tous les citoyens ont les mêmes
droits et sont égaux face à l'Etat, mais
cette modification raciste introduit une
distinction sur la base de la religion»,
poursuit-il. Les Arabes-israéliens
représentent un Israélien sur cinq et
affirment être traités en «citoyens de
seconde zone» après que les autorités
israéliennes ont saisi la quasi-totalité
des terres des municipalités arabes pour
y installer des immigrants juifs.
Il ne faut pas
croire que cette initiative est
improvisée. Elle fait partie d'une
stratégie qui a toujours prévalu dès la
naissance de l'Etat d'Israël/ Créer un
Etat aseptisé avec le moins d'Arabes
possibles, qu'il faut ghettoïser. Israël
est aidé en cela par ses lobbys qui
veillent au grain dans les pays
occidentaux. Ainsi Alain Gresh rapporte
le rétropédalage d'Alain Juppé en 2011.
Il écrit: «Lors d'une réunion à
Bruxelles le 18 juillet [2011 ndR],
Alain Juppé déclarait: «Je pense en
particulier que la mention d'un ´´Etat
juif´´ peut poser problème; que je
sache, aujourd'hui en Israël, il y a des
juifs mais il y a aussi des Arabes. Par
ailleurs, pour la France et pour
beaucoup d'Européens, nous avons une
vision laïque des Etats qui ne se réfère
pas à l'appartenance à une religion.»
(7).
Cette déclaration,
poursuit Alain Gresh du Monde, déclencha
une levée de boucliers des cercles
pro-israéliens, notamment du Crif, qui,
dans un communiqué, s'étonnait des
propos du ministre. Deux jours plus
tard, à Madrid, durant une conférence de
presse, le ministre rectifiait le tir:
«La France a une position très claire
qui rejoint évidemment celle de
l'Espagne et de l'ensemble de nos
partenaires européens: c'est qu'il n'y
aura pas de solution au conflit du
Proche-Orient sans reconnaissance de
deux Etats-nations pour deux peuples.
L'Etat-nation d'Israël pour le peuple
juif, l'Etat-nation de Palestine pour le
peuple palestinien. Il n'y a pas à
sortir de là. A partir de là, que
fera-t-on au mois de septembre à
l'Assemblée générale des Nations unies:
cela dépendra d'abord de la résolution,
du texte que l'on aura discuté.»(7)
Quelle différence y
a-t-il monsieur Juppé entre l'Etat
Nation du peuple juif et l'Etat du
peuple juif? Aucune! Ce qui arrive aux
Palestiniens est une tragédie. Il est
hors de doute que si les Palestiniens
sont confortés dans un Etat dans les
frontières de 1967 sur ce qui reste des
22% de la Palestine originelle, avec
aussi Jérusalem-Est comme capitale, la
tension diminuerait considérablement
dans le monde. Mieux encore, si Israël
opte pour un Etat binational où seul
l'aspect démocratique et laïc prévalait,
ce sera la solution idéale... Il ne
tient qu'aux grands de ce monde de
rendre la justice
1.
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Chems-Eddine_Chitour.290310.htm
2.M.
Benallal
http://lequotidienalgerie.org/
2014/08/23/yerusalem-et-al-qods-sont-en-guerre/
3.
http://www.aps.dz/fr/monde/6591-une-centaine-de-synagogues-pour-la-juda%C3%
AFsation-d-al-qods-et-de-la-mosqu%C3%A9e-d-al-aqsa-diplomate-palestinien
4.
http://www.huffpostmaghreb.com/2014/10/22/silwan-jusaisation-al-qod_n_6026988.html
5.Laurent Zecchini:
Les Palestiniens chrétiens s'inquiètent
de la ´´judaïsation´´ croissante de
Jérusalem Le Monde 02.04.2010
6.Roqayah Chamseddine:
http://www.info-palestine.net/spip.php?article15029
6 11 2014
7. Alain
Gresh
http://blog.mondediplo.net/
2011-08-01-Israel-Etat-juif-Doutes-francais
Article de
référence
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/206223-la-defaite-du-droit-international.html
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole
Polytechnique enp-edu.dz
Publié avec
l'aimable autorisation de l'auteur
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