Algérie en phase
avec le mouvement du monde
Le défunt Arafat l'a proclamé il y a
30 ans :
L'Etat palestinien n'existe
toujours pas
Chems Eddine Chitour
© Chems
Eddine Chitour
Lundi 19 novembre 2018
« Le Conseil
national palestinien, au nom de Dieu et
au nom du peuple arabe palestinien,
proclame l'établissement de l'État de
Palestine sur notre terre palestinienne,
avec pour capitale Jérusalem
»
Yasser
Arafat le 15 novembre 1988, à Alger.
Il y a trente ans,
Yasser Arafat annonçait la création d'un
Etat palestinien devant le Conseil
national palestinien réuni à Alger. Ce
fut réellement un moment exceptionnel
que de voir les différents chefs des
différentes factions se donner
l'accolade; Georges Habbache le
communiste, Nayef Hawatmeh natif d'une
tribu grecque orthodoxe, Arafat le
musulman. C'était véritablement
l'apothéose d'une cause œcuménique pour
l'indépendance et en même temps le chant
du cygne et la descente aux enfers de la
cause palestinienne
Par cette annonce,
en effet, l'OLP reconnaissait de facto
l'existence de l'Etat d'Israël et
ouvrait la voie à une solution à deux
Etats, aujourd'hui en décrépitude. Dans
son discours Arafat déclarait «En dépit
de l'injustice historique imposée au
peuple arabe palestinien, qui a abouti à
sa dispersion et l'a privé de son droit
à l'autodétermination au lendemain de la
résolution 181 (1947) de l'Assemblée
générale des Nations unies, recommandant
le partage de la Palestine en deux
États, l'un arabe et l'autre juif, il
n'en demeure pas moins que c'est cette
résolution qui assure, aujourd'hui
encore, les conditions de légitimité
internationale qui garantissent
également le droit du peuple arabe
palestinien à la souveraineté et à
l'indépendance», stipule en effet la
déclaration.
Pour connaître les
causes profondes du calvaire palestinien
il faut remonter à 1917. Il y a cent
ans, en effet, la Déclaration de Balfour
du 2 novembre 1917 promettait pour la
seconde fois après Dieu, une terre
(Home) aux juifs de la diaspora et ceci
nous dit-on, en récompense des services
rendus par le grand chimiste Weizmann
qui avait inventé le procédé de
fabrication de l'acétone, produit
rentrant dans les explosifs durant la
Première Guerre mondiale. Il est une
autre raison plus importante, l'argent,
la finance. Pour rappel, la lettre de
Balfour qui commence ainsi«Sa Majesté,
examine favorablement...» est adressée à
Lord Lionel Walter Rothschild
(1868-1937), éminence de la communauté
juive britannique et financier du
mouvement sioniste, aux fins de
retransmission.
Le calvaire
palestinien: un siècle
En fait, la réalité
est plus matérialiste, à savoir l'appel
au lobby juif américain pour inciter les
Etats-Unis à aider la Grande-Bretagne.
Dans un article publié le 3 novembre
1930 par l'Agence télégraphique juive,
Winston Churchill écrivait,: «L'année
1917 marqua peut-être la période la plus
maussade et la plus sombre de la guerre.
(...). C'était l'époque où les éléments
les plus résolus du gouvernement
britannique cherchaient à enrôler toute
influence capable de garder unies à la
tâche les nations alliées. Le mouvement
sioniste, dans le monde entier, était
activement pro-allié, et, en
particulier, pro-britannique. Ce
mouvement n'était nulle part plus
visible qu'aux États-Unis et nos espoirs
reposaient dans une large mesure sur la
part active que prendraient les
États-Unis dans la lutte sanglante qui
s'annonçait. Les talentueux dirigeants
du mouvement sioniste et ses nombreuses
ramifications exercèrent une influence
appréciable sur l'opinion américaine et
cette influence (...) était constamment
en notre faveur. (...) Les Juifs
(sionistes aussi bien que non sionistes)
(...) ont oeuvré pour le succès de la
Grande-Bretagne et pour une étroite
coopération entre la Grande-Bretagne et
les États-Unis. La déclaration Balfour
ne doit donc pas être regardée comme une
promesse faite pour des motifs
sentimentaux, c'était une mesure
pratique prise dans l'intérêt d'une
cause commune à un moment où cette cause
ne pouvait se permettre de négliger
aucun facteur d'assistance matérielle ou
morale.» (1)
Les conséquences
de la déclaration d'Alger
Cette date a marqué
un tournant car, pour la première fois,
les dirigeants palestiniens
reconnaissaient de facto l'existence
d'Israël en envisageant une «solution à
deux Etats». Il n'avait jamais été
question auparavant d'une quelconque
division de la Palestine historique
(celle d'avant 1948 et la création
d'Israël) pour les dirigeants
palestiniens. En 1982, après l'invasion
israélienne du Liban, l'OLP, qui y était
établie depuis de nombreuses années, en
est chassée. Elle se réfugie à Tunis,
«loin du champ de bataille», comme
l'explique Alain Gresh, directeur de la
rédaction du site d'information et
d'analyse Orient XXI, interviewé par RT
France: «Avant cette annonce, l'OLP
semblait à la dérive, notamment pour les
Américains et pour les Israéliens » (2)
« Sa
marginalisation est en outre confirmée
par un sommet de la Ligue arabe en 1987
à Amman, où les pays arabes n'abordent
même pas la question palestinienne.»
Cette mise à l'écart provoque un sursaut
au sein de l'Organisation et à la fin de
la même année, le 9 décembre 1987, la
première Intifada, appelée également
guerre des pierres, éclate. Ces troubles
susciteront une prise de conscience de
la communauté internationale, permettant
à l'OLP d'apparaître à nouveau comme
légitime et au monde de réaliser qu'il
n'y a pas de solution sans elle; En
France, François Mitterrand invitera
Yasser Arafat à Paris le 2 mai 1989 pour
une visite officielle. Le leader
palestinien y satisfera une condition
posée par son hôte: déclarer à cette
occasion la charte de l'OLP «caduque».
Cette dernière expliquait notamment que
«la lutte armée [était] la seule voie
pour la libération de la Palestine». (2)
Les accords d'Oslo: Une erreur
funeste
Après la
déclaration d'Alger qui est en fait un
cadeau sans contrepartie. Tout
naturellement l'engrenage de la
reddition en rase campagne se met en
place. L'annonce d'Alger du 15 novembre
1988 et la proclamation de l'Etat
palestinien ouvrent la voie qui va
aboutir aux accords d'Oslo de 1993 entre
l'OLP et le gouvernement israélien, sous
l'égide des Etats-Unis, avec cette fois
la reconnaissance formalisée de l'Etat
d'Israël.
« Les accords
d'0slo reconnaissent le «droit d'israël
à une existence en paix et sécurité».
Des accords dont le seul effet concret
aura été la création de l'Autorité
palestinienne et la fin de la première
intifada. Quatorze ans plus tard, le 11
novembre 2004, Yasser Arafat mourrait
sans avoir vu se réaliser son rêve d'un
État palestinien reconnu par la
communauté internationale Trente
ans après la déclaration d'Alger, la
solution à deux États est compromise de
l'avis de la plupart des observateurs du
conflit israélo-palestinien Aujourd'hui,
«ce processus a échoué totalement»,
selon Alain Gresh. Ses deux artisans
sont morts: Yasser Arafat est décédé en
2004, et Yitzhak Rabin a été assassiné
en 1995. Aujourd'hui, plus rien ne
permet de présager de la création
effective d'un quelconque Etat
palestinien. Les territoires censés être
sous souveraineté palestinienne sont
grignotés par le nombre toujours
croissant de colonies, malgré la
signature par Israël des accords d'Oslo.
«Le nombre de colons en Cisjordanie et à
Jérusalem a plus que doublé passant de
300 000 environ au moment des accords
d'Oslo à environ 700.000 aujourd'hui»,
selon le spécialiste. (2)
La mort de la
«solution à deux Etats»?
Si les Palestiniens
avaient accepté de reconnaître Israël,
Alain Gresh explique que «le
gouvernement israélien a refusé le
partage prévu par les accords d'Oslo
parce qu'il aurait impliqué que les
Palestiniens récupèrent au moins la
Cisjordanie et Ghaza, c'est-à-dire 22%
de la Palestine historique». Sans jamais
expliquer sur quelles frontières il veut
établir son territoire, l'Etat d'Israël
continue sans cesse de les étendre. De
fait, deux autorités représentent
aujourd'hui les Palestiniens: l'Autorité
palestinienne, héritière de l'OLP en
Cisjordanie qui milite toujours pour la
«solution à deux Etats» et le Hamas à
Ghaza (...) Alain Gresh estime que le
Hamas «qui se disait pour la libération
de toute la Palestine, a à plusieurs
reprises déclaré qu'il accepterait la
création d'un Etat palestinien en
Cisjordanie et à Gaza et l'établissement
d'une trêve de longue durée avec
Israël». (2)
L'avènement de
la nouvelle administration américaine
C'est un fait,
personne ne veut faire pression sur
Israël. Les Etats-Unis ont choisi leur
camp. Les Etats Unis transfèrent leur
ambassade à Jerusalem qui devait être la
capitale des deux Etats. Le président
Trump coupe les vivres à l'OLP. Les
dirigeants palestiniens de l'OLP qui
font le sale boulot de tenir les
Palestiniens en joue pour le compte
d'Israël sont au bout du rouleau.
Installés confortablement avec l'eau, le
gaz, l'électricité des salaires
conséquents et la possibilité de voyager
ne se bousculent pas pour faire avancer
les choses. De l'autre côté à Ghaza,
l'autorité de Hamas envoie en première
ligne les jeunes dans un nouveau slogan
«la révolte du retour». 200 morts et des
milliers de blessés. Plus tard Hamas a
conclu une trêve avec Israël il y a
trois jours après avoir eu sept morts
dont l'un des dirigeants visés. Quant
aux Arabes, ils sont à l'image de
l'Arabie saoudite qui, elle, s'est
franchement rangée du côté du plus fort.
C'est d'ailleurs le cas des autres
potentats du Golfe qui normalisent leurs
relations avec Israël.
Au Maghreb il y a
longtemps que le Maroc s'appuie sur les
sujets marocains juifs et israéliens. Il
en est de même de la Tunisie qui
commence à prendre langue avec le lobby
juif en nommant comme ministre du
Tourisme un Tunisien de religion juive.
C'est une première pour la citoyenneté.
On peut aspirer aux hautes fonctions
indépendamment de sa religion. Affaire à
suivre Israël est sur une dynamique d'un
Etat unique d'apartheid. Il se veut Etat
juif aseptisé de ses Arabes, même
israéliens qui auront à terme vocation à
être transférés vers le territoire en
peau de léopard laissé aux Palestiniens.
Cet Etat unique d'apartheid avec deux
populations qui vivent sur le même
territoire avec deux collèges est la
solution imposée par Israël et acceptée
par les pays occidentaux qui ne
réagissent plus aux dérives du droit. 40
résolution bafouées par Israël. Il a
fallu une petite résolution ambigüe la
1702 des Nations unies pour que Sarkozy
conseillé par BHL envoie ses Rafale
ravager la Libye et assassiner
Kadhafi... Ainsi va le monde.
1.Churchill, Author of 1922 White Paper,
Takes Issue with Passfield», Jewish
Telegraphic Agency
2.https://francais.rt.com/international/55415-il-a-30-ans-arafat-proclamait-etat-palestinien-devenue-solution-deyx-etats
Article de
reference:
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/304052-l-etat-palestinien-n-existe-toujours-pas.html
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
Alger
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