Les enjeux
de la vie internationale
Vers l'effondrement du processus de paix
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Samedi 19 avril 2014
Inexorablement, l’agonie du
processus d’Oslo approche rapidement de
sa fin. Les dernières péripéties de la
médiation de John Kerry en sont une
preuve supplémentaire.
La crise
C’est en juillet
2013 que le secrétaire d’état a obtenu
l’accord de Benjamin Netanyahu et de
Mahmoud Abbas de reprendre les
négociations pendant neuf mois. La
direction palestinienne s’était engagée
à suspendre l’adhésion de la Palestine à
63 agences et organisations onusiennes
et surtout à ne pas porter le problème
de l’occupation des territoires devant
la Cour internationale de La Haye.
Toutes choses qui auraient
considérablement durci la crise au
Proche Orient. En contrepartie, le
gouvernement israélien avait plusieurs
choix : geler la colonisation, accepter
la ligne d’armistice de 1967 comme base
de référence des pourparlers, ou libérer
des détenus Palestiniens. Netanyahu a
choisi la troisième formule : Relâcher,
en quatre phases, 104 Palestiniens
emprisonnés avant la signature des
accords d’Oslo. Les trois premiers
groupes ont été libérés aux dates
prévues, pas le quatrième qui devait
l’être le 29 mars dernier. Le Premier
ministre israélien a en effet décidé d’y
surseoir, en proclamant qu’il « ne
libérera pas un seul prisonnier
palestinien, si l’Autorité autonome ne
s’engage pas à poursuivre les
négociations et reconnaisse la nature
juive de l’État d’Israël ».
L’espion américain
Pour tenter de
trouver une solution, John Kerry a mis
sur pied, une formule de compromis a été
mise sur la table. Israël libérerait, en
plus de la trentaine de détenus prévus –
parmi lesquels 14 de nationalité
israélienne - 400 purgeant des peines
légères, et gèlerait partiellement la
colonisation en Cisjordanie – pas à
Jérusalem Est. Pour que la droite
israélienne avale la pilule, Barack
Obama gracierait Jonathan Pollard,
l’américain qui espionnait pour Israël
et purge une peine de prison à vie.
C’est le cadeau ultime que réclament les
gouvernements israéliens depuis deux
décennies et surtout, Pollard est un
héros pour la droite israélienne qui le
considère comme « un prisonnier de Sion
». Et c’est à ce moment que Ouri Ariel,
le ministre de l’Habitat, un des
dirigeants de « La maison juive », le
parti des colons, a lancé un appel
d’offres pour la construction de 708
unités de logements à Gilo, la grande
colonie urbaine dans le sud de
Jérusalem.
Pour les Palestiniens, qui, déjà,
faisaient grise mine, c’était de trop.
Mahmoud Abbas a dit non. Ses proches ont
expliqué : « D’abord, les Israéliens
n’ont pas tenu leurs engagements et ont
annulé la libération du quatrième groupe
de détenus. Et puis, l’accord proposé
par Kerry était insuffisant. Le gel des
colonies ne sera que partiel, et nous
avons déjà connu un scénario de ce
genre. Jérusalem Est n’est pas
concernée. Enfin, les 400 prisonniers,
ainsi relâchés, sont soit des petits
délinquants – des voleurs de bicyclettes
a dit un commentateur politique
israélien ! – ou sur le point de finir
de purger leur peine. Et il y a eu la
relance de la colonisation. ». Le
Président palestinien a donc marqué son
mécontentement en apposant la signature
de la Palestine ( l’état reconnu par
l’Assemblée générale des Nations Unies
!) au bas d’une quinzaine de conventions
et traités internationaux. Il n’a pas
demandé l’adhésion à des organisations
onusiennes ce qui aurait provoqué une
crise gravissime avec les États Unis.
Israël a réagi à cette initiative en
retenant une partie des taxes qu’il
collecte pour le compte de l’Autorité
autonome. Revenant sur le déroulement de
ces semaines, devant une commission du
Sénat, John Kerry a conclu : « Et Pouf !
Voilà où on en est »
Rendre les clés à
Netanyahu?
Le blocage est
total. Sous la houlette de Martin Indyk,
le représentant du secrétaire d’État,
les négociateurs se rencontrent
régulièrement, mais sans avancer d’un
millimètre. Il faut dire, que les
dirigeants israéliens et palestiniens
savent que la probabilité pour qu’un
état palestinien viable voie le jour est
très faible. D’abord parce qu’il sera
quasi impossible d’évacuer, ne serait-ce
qu’une partie des 360 000 colons qui
habitent la Cisjordanie. Selon toutes
les cartes établies par les experts,
même en créant des « blocs
d’implantations » dans le cadre d’un
échange de territoires entre Israël et
une hypothétique Palestine, plusieurs
dizaines de milliers d’Israéliens
resteront dans des localités au cœur de
ce qu’ils appellent la Judée Samarie. Ce
sont les plus idéologiquement motivés.
Et, cela sans même évoquer le problème
de Jérusalem Est auquel les uns et les
autres ne sont pas prêts à renoncer.
Alors, à nouveau, Mahmoud Abbas déclare
qu’il envisage de « rendre les clés à
Netanyahu » afin qu’il rétablisse
l’occupation. Récemment, en recevant des
députés et des journalistes israéliens :
http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/.premium-1.585919
Cette menace, qu’il répète régulièrement
depuis quelques années, doit être prise
au sérieux. En effet, ayant fêté son 79e
anniversaire, le 26 mars dernier, celui
qui fut l’adjoint de Yasser Arafat ne
veut pas entrer dans l’Histoire comme un
traître à son peuple. Ses adversaires
accusent l’Autorité autonome d’être le
collabo d’Israël, d’accepter la
poursuite de la colonisation, les
arrestations de militants, les
destructions de maisons etc.
Plus d’Autorité
autonome?
La dissolution de
l’autorité autonome pourrait d’ailleurs
intervenir assez rapidement, et cela
sans qu’Abbas en prenne la décision. À
la suite d’un effondrement économique
après des sanctions israéliennes ou à un
arrêt de l’aide internationale. Cela
pourrait être aussi provoqué par une
crise politique interne. 115 experts
palestiniens, ont examiné les scénarios
possibles sous la direction du
politologue Khalil Shikaki. Leur rapport
se trouve à cette adresse :
http://www.pcpsr.org/strategic/papers/2013/finalreport.pdf
Pour l’heure, en tout cas, Mahmoud Abbas
est prêt, sous certaines conditions, à
continuer les contacts afin d’arriver à
un accord… sur la poursuite des
négociations. Il est sous la pression,
non seulement des Américains, mais aussi
des dirigeants égyptiens et du roi
Abdallah de Jordanie qui ne veulent pas
d’une nouvelle crise majeure au
Proche-Orient. Tous pensent que des
discussions même complètement stériles
valent mieux qu’un saut dans l’inconnu.
Côté israélien, la situation est plus
compliquée. Benjamin Netanyahu voudrait,
lui aussi, maintenir la situation
actuelle, sinon le plus longtemps
possible, au moins jusqu’à l’arrivée à
la Maison Blanche d’un président
républicain. L’autonomie palestinienne -
même quelque peu élargie si nécessaire
est, de son point de vue, idéale. Israël
ne dépense pas un shekel pour les
Palestiniens. Ce sont les États Unis et
les Européens qui mettent la main au
portefeuille. L’armée israélienne
intervient là où elle veut.. Et les
quelques actes de violence ou de
terrorisme qui secouent le calme
relatif, qui règne en Cisjordanie, sont
supportables. Le problème concerne sa
coalition gouvernementale. Naftali
Bennet, le chef du parti des colons « La
maison juive », et ministre de
l’économie, menace de faire tomber le
gouvernement si, dans le cadre de
l’accord proposé par John Kerry, des
Arabes israéliens sont libérés.
Netanyahu tente de le convaincre de ne
pas prendre de décision précipitée.. De
toute manière, il n’y a pas au sein du
gouvernement – et de la coalition
parlementaire – de majorité en faveur de
la création d’un état palestinien
indépendant. Ce terme n’apparaît pas
dans les statuts ou la plate-forme
électorale du Likoud et de « La maison
juive».
Les semaines à venir s’annoncent
intéressantes.
Le sommaire de Charles Enderlin
Les dernières mises à jour
|