Les enjeux
de la vie internationale
L'enjeu: L'avenir d'Israël
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Mardi 17 mars 2015
http://geopolis.francetvinfo.fr/...
Les élections législatives du 17
mars 2015 sont l'occasion de revenir sur
l'avenir d'Israël. Le correspondant de
France 2 à Jérusalem Charles Enderlin
fait le point pour Géopolis.
C’est le 2 décembre 2014 que Benjamin
Netanyahu a limogé ses ministres des
Finances et de la Justice.
Respectivement, Yaïr Lapid, le président
et fondateur du parti Yesh Atid, et
Tzipi Livni, la patronne de Hatnua. Le
chef de gouvernement, en brisant sa
coalition parlementaire enclenchait
ainsi le processus de dissolution du
Parlement menant aux élections
anticipées de ce 17 mars. Lapid et Livni
avaient, une dizaine de jours plus tôt,
annoncé qu’ils ne voteraient pas le
projet de loi définissant Israël comme
l’État nation du peuple juif. Ils
enfreignaient ainsi la discipline de
vote gouvernementale.
Au-delà du dossier iranien et des graves
problèmes économiques et sociaux,
l’actuel scrutin concerne donc la nature
même d’Israël, sa démocratie, la
définition du sionisme.
Ce texte, voulu par la droite
nationaliste et les sionistes religieux,
stipule que seul le peuple juif a des
droits nationaux en Israël, les
minorités non-juives ne disposant que de
droits individuels. Cela renforcerait la
discrimination envers la communauté
arabe israélienne qui perdrait son
statut de minorité reconnue. L’arabe est
actuellement une langue officielle
d’Israël. Mais ce n’est pas tout. Par ce
projet, Monsieur Netanyahu entend placer
le caractère juif à égalité avec les
principes démocratiques. Pour Yehouda
Weinstein, le conseiller juridique du
gouvernement, cela «transformerait
substantiellement les principes des lois
constitutionnelles ancrées dans la
déclaration d’Indépendance et les lois
fondamentales votées par la Knesset.
Cela déboucherait sur une détérioration
du caractère démocratique de l’État.»
Égalité de droits
Dans le texte de la déclaration
d’Indépendance, proclamée le 14 mai 1948
par David Ben Gourion, voici les
passages qu’il est question de
transformer ou d’annuler : l’État
d’Israël sera ouvert à l'immigration des
Juifs de tous les pays où ils sont
dispersés; il développera le pays au
bénéfice de tous ses habitants; il sera
fondé sur les principes de liberté, de
justice et de paix enseignés par les
prophètes d'Israël; il assurera une
complète égalité de droits sociaux et
politiques à tous ses citoyens, sans
distinction de croyance, de race ou de
sexe; il garantira la pleine liberté de
conscience, de culte, d'éducation et de
culture; il assurera la sauvegarde et
l'inviolabilité des lieux Saints et des
sanctuaires de toutes les religions et
respectera les principes de la Charte
des Nations Unies.
Un état ?
S’il est réélu, Benjamin Netanyahu
poursuivra la réalisation de son grand
projet. Transformer ce qui est l’essence
de l’esprit d’Israël. Ce n’est pas tout.
Dans ses dernières déclarations, le
Premier ministre sortant répète qu’il ne
fera plus de concessions aux
Palestiniens et que, pour lui, la
solution à deux États n’est plus
possible.
A cela vient s’ajouter le
renforcement de la politique de
colonisation de ces dernières années. Il
faut bien constater qu’avec plus de
360.000 Israéliens installés sur 60% du
territoire de la Cisjordanie,
entièrement controlé par Israël, la
possibilité de créer un Etat palestinien
viable et indépendant paraît peu
probable. De fait, l’Autorité autonome
de Mahmoud Abbas est, pour des raisons
économiques et financières, sur le point
de s’effondrer. Sa disparition
impliquerait le retour de l’armée
israélienne dans les grandes villes
palestiniennes et le redéploiement de
l’administration militaire pour deux
millions et demi de Palestiniens. Selon
Meir Dagan, l’ancien patron du Mossad,
cela déboucherait sur une forme
d’apartheid et la fin du sionisme.
Haaretz, le quotidien de gauche, a
publié le 13 mars un texte du grand
écrivain Amos OZ. Extraits : «C’est
une affaire de vie ou de mort. S’il n’y
a pas deux États ici, et vite, il n’y
aura qu’un seul État et ce sera un État
arabe, de la mer jusqu’au Jourdain. Et
s’il y a ici un Etat arabe, je n‘envie
pas mes enfants et mes petits enfants
(…). S’il n’y a pas deux États ici, il
est fort possible que pour empêcher
l’émergence d’un État arabe de la mer
jusqu’au Jourdain, une dictature de
Juifs fanatiques assumera le pouvoir
temporairement. Je crains l’avenir. Je
crains la politique gouvernementale et
j’ai honte de cela aussi. Mais je me
sens bien en tant qu’Israélien. Je me
sens bien d’être le citoyen d’un pays
qui compte huit millions de Premiers
ministres, huit millions de messies,
chacun avec sa propre formule de
rédemption. Tout le monde hurle mais
seuls quelques uns écoutent. Ce n’est
pas ennuyeux. Parfois c’est fascinant
intellectuellement et émotionnellement.
Ce à quoi j’ai assisté durant ma vie
c’est beaucoup moins et beaucoup plus
que ce que mes parents et mes grands
parents avaient rêvé pour ce pays.»
Dernier message aux électeurs,
quelques heures avant l’ouverture des
bureaux de vote, Benjamin Netanyahu a
promis solennellement : «Si je suis
élu, il n’y aura pas d’état palestinien!»
On connaîtra tard, ce mardi 17 mars, la
voie choisie par les électeurs
israéliens.
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