Les enjeux
de la vie internationale
Gaza et la falaise
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Vendredi 11 juillet 2014
Excellent papier de J.J. Goldberg dans «
The Forward » le journal juif américain.
Il pose la question fondamentale : «
La politique et des mensonges ont-ils eu
pour conséquence une guerre dont
personne ne veut ». Il répond par
l’affirmative et décrit la chaine
d’événements menant à ce qui pourrait
être une nouvelle catastrophe régionale.
Très peu de temps après l’enlèvement des
trois jeunes israéliens en Cisjordanie,
le 12 juin, l’enquête a établi qu’ils
avaient été assassinés dés leur capture.
Une des victimes avait pu téléphoner à
la police en chuchotant : « Je suis
kidnappé ». Sur l’enregistrement de
la conversation on entend ensuite un cri
: « Baissez la tête ! ». Puis
des tirs, un gémissement, et des chants
en arabe. Dans la voiture, retrouvée
quelques heures plus tard, incendiée, la
police scientifique a découvert des
douilles et des traces d’ADN des trois
israéliens.Visiblement, ils étaient
morts. L’information a été censurée sur
les ordres de Benjamin Netanyahu, et «
sur la présomption qu’ils sont
vivants », des milliers de
militaires ont été déployés dans tout le
secteur d’Hébron pour une vaste
opération de ratissage.
"Le Hamas payera"
Le premier ministre a accusé le Hamas
d’être responsable de l’enlèvement. La
preuve : le Shin Beth a établi que les
deux ravisseurs appartenaient bien à
l’organisation islamiste. Ont-ils agi
sur les ordres de leur chefs à Gaza. Ce
n’est pas sur. Ils sont en fuite et on
ne sait toujours rien des circonstances
de ce triple meurtre. Dans le passé, à
plusieurs reprises les cellules du Hamas
à Hébron sont passées à l’action sans
recevoir le feu vert de leur hiérarchie.
Benjamin Netanyahu a promis que le Hamas
allait payer cher ce crime et annoncé
que l’organisation allait être décapitée
en Cisjordanie. Quatre cent militants
palestiniens sont sous les verrous,
notamment tous les détenus qui avaient
été libérés dans le cadre de l’échange
de prisonniers avec le soldat Gilaad
Shalit.
L'angoisse des mères
Le tout, sur fond de campagne nationale
pour la libération des trois jeunes
israéliens. Manifestations, prières. Les
équipes de télévision installées en
permanence devant les domiciles des
trois familles angoissées. Deux mères
des jeunes israéliens sont même allées à
Genève devant la commission des droits
de l’homme des Nations Unies, plaider
pour le retour de leurs fils. A
l’étranger, un peu partout, les
communautés juives se sont mobilisées
par solidarité avec Israël face au
terrorisme arabe..
En fait, souligne J.J. Goldberg, les
sept dernières années ont été parmi les
plus calmes de l’histoire d’Israël.
Cela, notamment grâce à la coopération
entre l’armée, le Shin Beth et la police
de Mahmoud Abbas, qui, d’ailleurs a
participé activement aux recherches.
Résultat: sur les réseaux sociaux
palestiniens, Abbas était présenté comme
un collabo.
Après 18 jours de recherches intensives,
les corps des trois disparus ont été
découverts près de Khalkhoul, au nord
d’Hébron. Et ce fut le déchainement
raciste anti-arabe dans certaines villes
israéliennes et sur Internet.
L’assassinat, à Jérusalem, du jeune
Mohammed Abou Khdeir, un palestinien de
17 ans, le palestinien brulé vif par six
extrémistes juifs. (A ce sujet, voir mon
article sur ce blog).
Qui veut intervenir à Gaza?
Au sein du gouvernement israélien,
plusieurs ministres, parmi lesquels
Avigdor Lieberman, le chef de la
diplomatie, et Naftali Bennet du parti
des colons, ont réclamé haut et fort une
opération terrestre d’envergure contre
le Hamas à Gaza. Netanyahu, soutenu par
les chefs de l’armée (qui n’en veulent
pas, sachant que cela déboucherait sur
des bilans très lourds) a répondu qu’il
fallait agir avec prudence. Moshé, «
Boogie » Yaalon, le ministre de la
défense a ajouté : « réfléchissons
avec la tête, pas les tripes !».
Entendant tout cela, et après les
arrestations de ces responsables en
Cisjordanie, à Gaza, le Hamas est entré
sous terre, dans ses souterrains. Depuis
quelques mois, le mouvement islamiste
est en perte de vitesse. Il n’a pas le
moindre sou pour payer les salaires de
ses employés. Ses relations avec la
Syrie et l’Iran sont rompues. L’Égypte
du général Sissi lui est franchement
hostile. Dans ces conditions le contrôle
du Hamas sur la quinzaine
d’organisations et cellules djihadistes
existantes à Gaza s’est relâché. Des
roquettes ont commencé à tomber par
intermittence sur le sud d’Israël.
Calme pour calme
Le vendredi 27 après une série de tirs
sur la ville de Sderot l’aviation a
riposté par des frappes plus
importantes. Des membres du Hamas ont
été tués. Les lancés de roquettes se
sont renforcés. Benjamin Netanyahu a
lancé un appel au cessez-le feu,
déclarant : « le calme amènera le calme
». Le Hamas a posé ses conditions. Le
Premier ministre les a refusées. La
médiation des renseignements militaires
égyptiens a échoué et Israël est passé à
l'offensive. L’aviation s’est mise à
bombarder des centaines de cibles dans
Gaza. Ces frappes sont effectuées sur un
territoire où la densité de population
est une des plus élevée au monde et le
bilan de victimes civiles s’élève donc
d’heure en heure.
Bordure ou falaise?
Jusqu’à présent ces frappes aériennes ne
parviennent pas à réduire la quantité et
la portée des tirs de roquettes qui font
surtout des dégâts matériels en Israël.
En effet, les alertes sont signalées en
temps réel pour permettre aux habitants
de se rendre dans les abris ou les
pièces protégées. Les roquettes sont, à
90%, interceptées par les batteries de
missiles anti-missiles. Mais une partie
du pays est paralysée. Les centres aérés
sont fermés, ainsi que la plupart des
commerces et des usines du sud du pays.
La pression est intense sur le
gouvernement pour « qu’il fasse le
nécessaire afin que cela s’arrête !»
… et donne le feu vert à une offensive
terrestre à Gaza. L’armée a baptisé
l’opération en cours: « Bordure
protectrice », du moins dans sa
traduction française. En hébreu cela se
dit : « Tsouk Eitan » ce qui signifie
aussi : « Falaise solide ». Le
Proche-Orient est-il au bord de la
falaise ?
Publié le 16 juillet 2014
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