Les enjeux
de la vie internationale
Netanyahu et le statut quo
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Dimanche 8 juin 2014
Considérant l’état des lieux, la
situation sur le terrain est plutôt
favorable à Benjamin Netanyahu. Sa
coalition gouvernementale est
relativement stable. L’initiative de
paix de John Kerry a échoué, la
colonisation de la Cisjordanie se
poursuit activement sans que les
Américains et le reste de la communauté
internationale ne protestent plus que de
coutume. L’Europe et les États Unis
continuent de financer l’Autorité
palestinienne et sa police,
indispensable à la lutte
anti-terroriste. Pour tout cela, Israël
ne débourse pas un seul Shekel et garde
le contrôle total de tout ce qui entre
ou sort de Cisjordanie. Seule grosse
difficulté, le président palestinien, ne
joue plus le rôle que la droite
israélienne voudrait le voir jouer.
Au grand dam de Monsieur Netanyahu,
Mahmoud Abbas s’est tourné vers
l’Assemblée générale des Nations Unies,
le 29 novembre 2012, pour faire
reconnaître la Palestine comme état non
membre de l’ONU. Ce statut lui
permettrait d’adhérer à plus d’une
soixantaine d’organisations onusiennes.
Ce qu’il ne fait pas pour l’heure, car
cela lui créerait des difficultés avec
l’administration américaine. Mais, la
menace est là, omni présente. La
Palestine pourrait se tourner vers la
Cour pénale internationale de La Haye.
Berezina
Ce n’est pas tout. A 79 ans, le
président palestinien prépare son départ
de la scène politique. Il a fini par
conclure un accord de réconciliation
avec le Hamas en vue de l’organisation
d’élections en Cisjordanie et a Gaza.
L’organisation islamiste n’avait pas
tellement le choix et a sauté sur
l’occasion. Elle est au pied du mur
après avoir perdu le soutien des Frères
musulmans égyptiens, pourchassés par le
gouvernement du maréchal Sissi. Un
gouvernement palestinien d’unité
nationale a été mis sur pied, composé de
« technocrates » indépendants. C’était
inacceptable pour Benjamin Netanyahu, en
rappelant que le Hamas prône toujours la
destruction d’Israël. Il a donc demandé
aux Américains d’attendre avant de
reconnaître le nouveau cabinet. Mais,
Abbas et Rami Hamdallah, son premier
ministre, se sont empressés d’annoncer
qu’ils adhéraient toujours aux
conditions énoncées par la communauté
internationale dans le cadre du Quartet
(les USA, l’ONU, la Russie et l’Union
Européenne) : reconnaissance d’Israël,
respect des accords signés et
renoncement à la violence. Et ce fut, la
Berezina pour la diplomatie israélienne.
Les États Unis, l’Europe et l’ONU ont
reconnu le gouvernement Hamdallah, vite
suivis par l’Inde, la Chine et la
Russie.
La réponse sioniste
Accusant quasiment l’équipe Obama de
trahison, Netanyahu a manifesté son
mécontentement en autorisant Ouri Ariel,
le ministre de l’Habitat, à publier des
appels d’offres pour la construction de
1500 nouveaux logements et lancer la
planification de 1800 unités
supplémentaires en Cisjordanie et à
Jérusalem Est « C'est la réponse
sioniste appropriée quand on nous crache
dessus. Je parle de nos voisins
(palestiniens) mais aussi du reste du
monde » a dit Monsieur Ariel,
lui-même habitant une colonie. C’est
tout simplement ignorer les conditions
du Quartet adressées cette fois à
Israël. Dans la feuille de route, remise
aux parties en mai 2003, il est écrit en
toutes lettres : « Israël suspend
toutes ses activités quant à la création
de colonies de peuplement » À
l’époque, gouvernement d’Ariel Sharon
avait accepté le principe d’un gel de la
colonisation et s’était engagé à évacuer
les avant-postes considérés comme
illégaux par la loi israélienne. Ce
n’est pas tout, l’éditorialiste Peter
Beinart rappelle, dans le quotidien
Haaretz
http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.596904
, que deux formations de la coalition de
Netanyahu s’opposent à l’existence d’un
état palestinien tel que le prévoit de
quartet. La maison juive de Naftali
Bennet, le ministre de l’économie (dont
Ouri Ariel est le numéro deux) et le
Likoud qui, dans ses chartes et
plateformes électorales, en a toujours
refusé le principe.
http://www.worldlikud.org.il/?page_id=36.
L'équilibrisme
Certes, Benjamin Netanyahu a, le 14 juin
2009, évoqué la possibilité de créer un
état palestinien démilitarisé, sous
certaines conditions. Une prise de
position qui n’a jamais été confirmée
par les instances politiques de son
parti, le Likoud. Que veut-il, en
réalité ? Dans tous les ouvrages qu’il a
publiés en 1987, 1995 et 1999, il a
longuement défini son opposition à
l’indépendance de la Palestine. Dans une
interview réalisée en 2002 sur les
circonstances dans lesquelles il avait
accepté le retrait d’une partie de la
ville d’Hébron début 1997, il déclarait
: « Renoncer à du territoire est
difficile ! Il s’agit d’une partie de ma
terre, d’un lieu où mes ancêtres, les
prophètes et les rois d’Israël ont vécu
et où tant de générations de juifs ont
rêvé de retourner. J’allais donc
appliquer l’accord conclu par Pérès mais
dans l’intention de le faire avec l'idée
fondamentale de donner la partie arabe
de Hébron en échange de la totalité de
la Judée Samarie. Ou presque ! » (A
voir dans mon nouveau film, « Au nom du
Temple » à diffuser par France 2).
L’idéal, pour le Premier ministre et la
droite israélienne, c’est donc le
maintien de la situation actuelle.
L’autonomie palestinienne sous le
contrôle de Tsahal ce qui permet
également la poursuite de la
construction dans les colonies.
Problème. Mais il doit réagir aux
dernières initiatives d’Abbas à qui il
promet des sanctions économiques et
financières, comme l’exigent certains
ministres. Mais, des mesures punitives
trop importantes pourraient conduire à
l’effondrement de l’Autorité autonome.
Cela déboucherait sur le rétablissement
de l’administration militaire dans
l’ensemble de la Cisjordanie. Les mères
des soldats israéliens qui devraient
revenir patrouiller dans les rues de
Ramallah, Jenin, Naplouse
n’apprécieraient certainement pas. Et
puis, ce scénario du pire déboucherait
sur une crise gouvernementale et des
élections anticipées. Netanyahu
parviendra-t-il à maintenir ce périlleux
exercice d’équilibrisme politique ? En
tout cas, jusqu’à présent il y réussit.
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