Opinion
Les États-Unis encouragent le trafic
de drogue en Afghanistan
Capitaine Martin
Dimanche 9 mars 2014
Pour la troisième année consécutive,
l’Afghanistan occupé par l’OTAN a battu
tous les records en matière de culture
de
pavot à opium. Selon un
rapport de l’Office des Nations Unies
contre la drogue et le crime, sa
production a augmenté à un point tel
qu’on peut désormais voir des cultures
se répandre dans des zones jusque-là
vierges. En dépit de conditions
météorologiques défavorables, en
particulier dans les parties occidentale
et méridionale du pays, les plantations
d’opium ont occupé une surface de plus
de 209.000 hectares,
dépassant de près de 36 % les chiffres
de l’année précédente.
Officiellement la culture du pavot, bien
connu pour les vertus psychotropes de
ses sucs (principales composantes de
l’héroïne), est interdite en
Afghanistan, bien que le nombre de
provinces où il est cultivé soit en
constante augmentation. La production
d’opium a ainsi atteint 5.500 tonnes,
soit une hausse de 49 % par rapport à
2012. La propagande occidentale fait
incomber les responsabilités aux
talibans et aux membres du régime
impliqués dans le commerce de la drogue,
mais ces accusations ne coïncident pas
vraiment avec la réalité du terrain.
Le commandement de l’OTAN prétend que « les
talibans s’opposaient initialement à la
drogue, mais ils favorisent désormais sa
culture et imposent une taxe aux paysans
sur les produits récoltés ». Les
leaders des talibans affirment quant à
eux que les moudjahidines mènent
le djihad contre les occupants et que
l’islam interdit strictement les drogues
et l’alcool. Les fondamentalistes
musulmans suivent cette règle à la
lettre.
En ce qui concerne les marionnettes
occidentales telles Karzaï et son
aréopage, il semble que ces accusations
soient vérifiées. Un scandale éclata
d’ailleurs en octobre 2013 à Kaboul
quand, au cours d’une campagne
d’inspections,
soixante-cinq officiers de haut rang des
services secrets se révélèrent être des
héroïnomanes. Quelques années
auparavant, il est apparu au grand jour
que la
CIA finançait Ahmed Wali Karzaï. Le
frère cadet de l’actuel président Ahmed
Karzaï a ainsi été huit années d’affilée
un trafiquant d’opium de premier plan.
Des journalistes soutiennent que le
commerce de l’opium aux États-Unis et
les événements d’Afghanistan sont
étroitement liés. La CIA y aurait pris
une place prépondérante.
Selon le New-York Times, « l’argent
(des services secrets, NDLR) aurait
servi à financer les vastes réseaux
clientélistes qui ont permis à M. Karzaï
de consolider son pouvoir ». Les
liens de certains seigneurs de guerre et
politiciens afghans achetés avec le
trafic de drogue et les talibans
permettent au quotidien de conclure que
« les services secrets américains
ont graissé la roue des mêmes réseaux
que les diplomates américains et les
diplomates essayaient, sans succès, de
démanteler, et laissé le gouvernement
entre les mains de forces qui
s’apparentent à un syndicat du crime
organisé ». Dans un entretien au
quotidien new-yorkais, de nombreux
diplomates américains ont confié leur
désarroi : « la principale source de
corruption en Afghanistan, c’étaient les
États-Unis ».
Si on en croit les media occidentaux, la
famille de l’actuel président Karzaï et
ses affidés sont les responsables de la
large diffusion de l’héroïne à travers
le monde. Pourtant, à peine 20 % des
pavots sont cultivés dans le centre et
le nord de l’Afghanistan, qui sont
contrôlés par le gouvernement Karzaï. Le
reste est cultivé dans les provinces du
sud du pays ou dans celles proches de la
frontière pakistanaise, sous contrôle
des forces de l’OTAN. Le principal
centre de production est le Helmand, qui
était encore il y a peu sous la coupe
britannique.
Au lieu d’aider des agriculteurs à
passer résolument à des cultures
alternatives, les « pacifistes »
occidentaux se contentent de palabrer
sur le phénomène sans apporter de
solutions tangibles. Pis,
il leur arrive de participer de manière
active aux trafics. Certains
analystes attribuent cette situation au
fait que les États-Unis cherchent à
éviter un conflit potentiel avec les
barons de la drogue, dont le soutien est
important pour l’existence du
gouvernement Karzaï. L’Oncle Sam semble
cependant ignorer les liens étroits
entre le trafic de stupéfiants, la
montée de l’instabilité en Afghanistan
et l’augmentation des activités de la
résistance intérieure. En d’autres
termes, tout porte à croire que
Washington laisse les coudées franches
aux narcotrafiquants en échange d’un
soutien politique au gouvernement Karzaï,
ce qui est une grave erreur car les
objectifs officiels poursuivis (à savoir
le retour à la paix et à le sécurité du
pays) sont en train de s’éloigner à
tire-d’aile.
Des experts occidentaux comme
Thomas Ruttig notent qu’avec le
retrait imminent des forces de l’OTAN
d’Afghanistan, la pression des autorités
sur les producteurs de pavot s’est faite
plus lâche. Le rapport des Nations Unies
montrent ainsi qu’en 2013, ces mêmes
autorités ont détruit 24 % de moins de
plans de pavot par rapport à l’année
précédente. Résultat : l’Afghanistan est
solidement installé à la première place
mondiale des producteurs d’opium avec
pas moins de 90 % de la production
totale. Alors que l’ONU avait observé il
y a trois ans que le pavot était cultivé
dans quatorze régions (sur trente-quatre
que compte le pays), vingt régions en
cultivaient au tout début de l’année
2014. De vastes plantations sont
parallèlement réapparues dans les
provinces septentrionales comme celles
de Balkh et Faryab qui avaient pourtant
déclaré publiquement avoir perdu leur
statut de producteur d’opium. Ces
provinces sont limitrophes de
l’Ouzbékistan et du Turkménistan.
Dans le même temps, un processus de
militarisation des groupes liés au
commerce de la drogue est en cours.
Viktor Ivanov, chef du service fédéral
russe de contrôle des stupéfiants
(FSKN), l’affirme sans ambages : « ces
groupes armés sont consubstantiels de la
recrudescence des activités des cartels
dans le nord de l’Afghanistan. Ces
groupes ont leurs propres unités de
combat. Ils sont très bien armés et leur
chiffre d’affaires annuel avoisine les
dix-huit milliards de dollars. C’est la
raison pour laquelle ces groupes
influent de manière extrêmement
importante sur la situation politique et
économique en Asie centrale ».
L’Amérique a utilisé pendant des années
l’arme de la drogue pour continuer
sa guerre froide contre les États post
soviétiques et détruire leur potentiel
humain. À la veille du retrait
d’Afghanistan des forces d’occupation de
l’OTAN, les États-Unis continuent
d’encourager par tous les moyens
possibles la production d’opium. L’Oncle
Sam inocule au passage le virus de la
guerre en utilisant des groupes armés et
des mafias qui se concentrent dans le
ventre de l’ex-URSS après leur avoir
préalablement fourni tout l’armement
nécessaire. Mieux, il leur fournit aussi
l’alibi de l’islam derrière lequel ils
pourront se cacher.
Capitaine Martin
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