Actualité
Seuls les lâches et les sadiques
soutiennent
la persécution d’Assange
Caitlin JOHNSTONE
Vendredi 25 octobre 2019
L’ancien ambassadeur britannique Craig
Murray a publié hier
un compte-rendu très inquiétant (version
française) de la comparution de
Julian Assange au tribunal, que je
recommande de lire en entier. De
nombreux rapports ont été publiés au
sujet de cette audience, mais la
combinaison de l’expérience antérieure
de Murray avec les victimes de torture,
sa familiarité avec les tribunaux
britanniques, son amitié avec Assange et
son manque de respect pour les
structures de pouvoir occidentales lui
ont permis d’avoir un aperçu des
événements beaucoup plus pénétrant que
quiconque jusqu’à présent.
En voici un petit
extrait :
Avant d’en venir au manque flagrant
d’équité du processus, la première chose
que je dois noter, c’est l’état de
Julian. J’ai été très choqué par la
perte de poids de mon ami, par la
vitesse à laquelle a perdu des cheveux
et par l’apparition d’un vieillissement
prématuré et largement accéléré. Il
boite comme je ne l’ai jamais vu
auparavant. Depuis son arrestation, il a
perdu plus de 15 kg.Mais son apparence
physique n’était pas aussi choquante que
sa détérioration mentale. Lorsqu’on lui
a demandé de donner son nom et sa date
de naissance, il a visiblement lutté
pendant plusieurs secondes pour se les
rappeler. Je reviendrai sur le contenu
important de sa déclaration finale, mais
la difficulté qu’il a eue pour
s’exprimer était très évidente ; il a eu
beaucoup de mal à articuler les mots et
à se concentrer sur son raisonnement.
Jusqu’à hier,
j’avais toujours été sceptique à l’égard
de ceux qui affirmaient que le
traitement de Julian était assimilable à
de la torture - même de la part de Nils
Melzer, le Rapporteur spécial des
Nations Unies sur la torture - et
sceptique à l’égard de ceux qui
suggéraient qu’il pourrait être sujet à
des traitements médicamenteux
débilitants. Mais après avoir assisté
aux procès en Ouzbékistan de plusieurs
victimes de tortures extrêmes, et après
avoir travaillé avec des survivants de
Sierra Leone et d’ailleurs, je peux vous
dire qu’hier, j’ai complètement changé
d’avis et Julian a présenté exactement
les symptômes d’une victime de torture
qui plisse les yeux à la lumière,
notamment en termes de désorientation,
de confusion et de difficultés pour
exprimer son libre arbitre à travers le
brouillard de son impuissance.
Murray rapporte
qu’il n’y avait pas moins de cinq
représentants du gouvernement américain
au tribunal de première instance de
Westminster ce jour-là, et qu’ils
étaient assis derrière les procureurs
britanniques et leur donnaient
essentiellement des ordres. La juge,
Vanessa Baraitser, se serait comportée
froidement en ricanant envers la
défense, souriant et refusant leurs
demandes sans explication, tout en se
montrant chaleureuse et réceptive envers
l’accusation. L’audience d’extradition
d’Assange débutera sans délai en février
de l’année prochaine, malgré la
violation du traité d’extradition de
2003 entre les États-Unis et le
Royaume-Uni, et malgré l’apparition de
nouvelles preuves d’espionnage lié à la
CIA contre Assange et ses avocats alors
qu’il était à l’ambassade de l’Équateur.
Elle commencera dans une minuscule salle
d’audience à [la prison de haute
sécurité de] Belmarsh où le public
n’aura pratiquement pas de place pour y
assister et sans que la défense d’Assange
ait suffisamment de temps pour se
préparer.L’avocat d’Assange,
Mark Summers, a déclaré à la Cour que
l’affaire était "une tentative
politique" des États-Unis "de montrer
aux journalistes les conséquences de la
publication d’informations". Il a
raison, bien-sûr. Personne ne croit
sincèrement que la peine de 175 ans qu’Assange
risque s’il est extradé vers les
États-Unis par l’administration Trump
est une punition raisonnable pour avoir
publié des activités que
l’administration Obama avait auparavant
refusé de poursuivre sur la base des
mêmes preuves, invoquant la crainte des
dommages que le précédent causerait aux
libertés de la presse. Ces accusations
n’ont rien à voir avec la justice, et
elles ne sont pas censées être
simplement punitives. Ils sont faites
pour servir de dissuasion. Un moyen de
dissuasion pour les journalistes du
monde entier qui, autrement, pourraient
juger bon de publier des faits gênants
sur le gouvernement américain.
C’est une évidence.
Il est évident que le gouvernement
américain détruit Assange pour montrer
aux journalistes les conséquences de la
publication d’informations. Il est donc
également évident que tout journaliste
qui n’utilise pas le moyen de
communication dont il dispose pour
s’élever contre la persécution d’Assange
n’a pas l’intention de publier quoi que
ce soit que le gouvernement américain ne
veut pas voir publié. Leur silence ou
leur soutien à ce qui est fait à cet
homme peut et doit être considéré comme
un aveu qu’ils ne sont rien d’autre que
des propagandistes d’État. Des
propagandistes d’État, des flagorneurs
et des lâches.
La lâcheté incite
le public à soutenir la persécution d’Assange.
Lâcheté et sadisme. Même si chaque faux
témoignage et diffamation contre lui
était vrai, qu’il s’agisse des mensonges
sur les excréments sur les murs de
l’ambassade ou de l’allégation toujours
sans preuve de collusion entre Trump et
la Russie, même si chacun de ces
fantasmes ridicules était vrai, sa peine
à ce jour serait plus que suffisante. Je
veux dire, à quel point la torture
est-elle justifiée juste parce que votre
candidat préféré n’a pas été élu ? Il
est bizarre qu’un sadisme aussi assumé
ne soit pas remis en question. Continuer
à en demander plus, c’est révéler un
fétichisme malade, que ce soit chez
l’une des personnes puissantes qu’il a
énervées ou simplement un de ces
perroquets sans cerveau qui s’exprime
dans la section commentaires. Assez.
Vous avez eu votre dose de souffrances.
Nous assistons au
déroulement d’une grande tragédie à la
manière d’une fractale, de la
méta-tragédie d’un coup mortel porté à
la liberté de la presse dans le monde,
en passant par la tragédie individuel
d’un coup mortel porté à un homme appelé
Julian Assange. Son cerveau, autrefois
encyclopédique, se souvient à peine de
sa date de naissance. Je n’en reviens
pas. Il n’y a pas d’autre esprit sur
terre qui aient compris aussi bien que
lui la dynamique du pouvoir de
l’impérialisme invisible et les dangers
orwelliens auxquels l’humanité est
maintenant confrontée alors que nous
nous précipitons vers un paysage de
l’information dominé par l’IA
(Intelligence Artificielle). Cet esprit
a été délibérément détruit. Nous ne
devons jamais oublier. Nous ne devons
jamais pardonner.
La journée fut
rude. Mon cœur me fit mal et mes soupirs
furent longs. Le seul point positif que
j’entrevois est le dilemme qui semble
émerger pour ces ploutocrates apatrides
qui tirent les ficelles. Plus ils
obtiennent ce qu’ils veulent, plus leurs
actions deviennent évidentes, parce que
la chose qu’ils tentent de faire est
totalement anormale. Les procédures
judiciaires d’hier ont été une farce
flagrante, depuis les curieuses
décisions de justice jusqu’à l’étrange
présence de conseillers américains
s’ingérant dans une affaire britannique
concernant un citoyen australien, en
passant par le sourire dédaigneux sur le
visage de la juge. Rien de tout cela
n’est normal, et quand les choses ne
sont pas normales, il y a un risque que
les gens s’en rendent compte, et les
choses ne feront qu’empirer au fur et à
mesure qu’ils tentent de réussir leur
coup.
La seule chose qui
empêche les gens de vraiment voir ce qui
se passe ici est une mince couche de
gestion narrative, et la seule chose qui
les empêche d’agir est le sentiment
d’être seuls à le voir. Maintenez la
pression, continuez à regarder et
continuez à parler de ce que vous voyez
à tous ceux qui vous écouteront. Cela
pourrait très bien sauver la vie de
Julian.
Caitlin
Johnstone
Traduction
"lâches, sadiques et quelque peu ordures
aussi" par VD pour le Grand Soir avec
probablement toutes les fautes et
coquilles habituelles
Source :
https://medium.com/@caityjohnstone/only-cowards-and-sadists-support-th...
©
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Le Grand Soir - Diffusion autorisée et
même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
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