Syrie
Victorieuse Syrie
Bruno Guigue
Jeudi 22 juin 2017
Comme par un matin calme, le paysage
s’éclaircit peu à peu en Syrie. Partout
à l’offensive, l’armée nationale a
reconquis des milliers de kilomètres
carrés de territoire à l’est d’Alep, de
Homs et de Damas. Elle s’apprête à
reprendre le contrôle intégral des
frontières syro-jordanienne et
syro-irakienne, traditionnelles voies de
transit des mercenaires venus dévaster
le berceau de la civilisation pour une
poignée de pétrodollars. En restaurant
la souveraineté de l’Etat sur le sol
national, cette courageuse armée de
conscrits inflige un camouflet à tous
ceux qui rêvaient de détruire cet Etat
récalcitrant, à tous ceux qui voulaient
le mettre en charpie parce qu’il osait
déjouer leurs plans néo-coloniaux.
Victorieuse sur le
plan militaire depuis la libération
d’Alep, la Syrie souveraine l’emporte
aussi sur le plan politique. Le temps
paraît lointain où “Le Monde
diplomatique” pouvait prédire, sans
craindre le ridicule, l’exil doré de la
famille Assad quelque part en Sibérie.
Ses adversaires, le président syrien les
a vus défiler, qui psalmodiaient les
mêmes stupidités sur un pays dont ils
ignoraient tout. A en croire les
Occidentaux, le départ de Bachar Al-Assad
devait être un “préalable” à la solution
de la crise. En réalité, c’était tout le
contraire. La résistance de l’Etat
syrien dont le président est la clé de
voûte exigeait son maintien. Là où tant
d’autres auraient pris la poudre
d’escampette, le chef est resté à son
poste, et il a bien fait.
Fervent admirateur
d’Al-Qaida, Laurent Fabius estimait que
le chef de l’Etat syrien “ne méritait
pas d’être sur terre”. Mauvaise pioche !
Car si M. Fabius cultive son éthylisme
mondain au Conseil constitutionnel, M.
Assad, lui, est toujours aux commandes à
Damas. Son armée élimine la nébuleuse de
groupes sectaires dont l’ancien ministre
espérait le triomphe, et le peuple
syrien goûte l’espoir renaissant d’une
issue à la guerre. Ce qui est frappant
avec les dirigeants occidentaux, c’est
leur tendance à parler trop vite.
Pendant six ans, leur presse aux ordres
répétait comme un mantra l’effondrement
imminent du régime syrien. Heureusement
pour les journalistes, ils ne sont pas
payés au résultat.
Pour comprendre les
raisons de cette résistance à une
offensive internationale sans précédent,
il suffisait de consulter des sources
fiables et d’exercer son jugement
critique. Les officines de propagande
avaient beau prétendre qu’un peuple
unanime se dressait contre le tyran, on
pouvait voir sur “Al-Mayadeen”, en mars
et octobre 2011, de gigantesques
rassemblements populaires en faveur du
“gouvernement et des réformes”. Clamant
sa fidélité à l’Etat nationaliste laïc
et son rejet de la charia wahhabite, la
foule inondait les rues de Damas, Alep,
Tartous et ailleurs. Mais les médias
occidentaux préféraient braquer leurs
caméras vers des attroupements de barbus
en les faisant passer pour un
soulèvement populaire.
Des faits majeurs,
indispensables à l’intelligence des
événements, ne firent donc l’objet
d’aucune narration, tandis qu’on nous
proposait une narration des “faits” qui
consistait à les fabriquer pour les
besoins de la cause. Les “rebelles
modérés” massacraient les familles des
fonctionnaires baasistes, par exemple,
et ces horreurs étaient imputées à une
armée nationale dont il était entendu
qu’elle “tire sur les civils”. Les “neocons”
de Washington étant à la manoeuvre, ce
genre de supercherie était pourtant plus
que prévisible. “Pendant que vous parlez
de la réalité que nous produisons, nous
produisons une nouvelle réalité”, disait
Karl Rove, conseiller de George W. Bush
et apôtre distingué du “chaos
constructif”.
Heureusement, vient
un moment où l’épreuve des faits dissipe
les mensonges les plus grossiers.
Difficile de répéter les sornettes
habituelles lorsque les populations
fuient manifestement les zones rebelles,
l’armée reconquiert peu à peu le
territoire national et le gouvernement
syrien, à l’évidence, bénéficie du
soutien sans faille de ses alliés. Après
avoir renoncé à la formule rituelle sur
le “régime aux abois”, la presse
occidentale a fini par proscrire son
ironie coutumière sur les “victoires en
trompe-l’oeil” de Damas. Pour se
divertir, il aurait fallu conserver les
centaines d’articles expliquant que les
Russes et les Iraniens allaient “lâcher
Bachar” et que c’était cuit pour le
“despote”. Seul Jean-Pierre Filiu, tel
un disque rayé, s’obstine à dire qu’il
n’y a “plus d’armée syrienne”, mais on
se demande sur quelle planète il habite.
Victorieuse sur le
plan militaire face aux milices
takfiristes, soutenue par la majorité du
peuple syrien qui veut en finir avec
cette tragédie, confortée par un jeu
d’alliances qui penche en sa faveur, la
Syrie souveraine entrevoit le bout du
tunnel. L’impérialisme n’ayant pas
l’habitude de lâcher le morceau, la
route sera encore longue, mais
l’évolution favorable de la “guerre du
désert” laisse augurer une accélération
des événements. Combat d’arrière-garde
mené par une puissance en déclin, les
provocations militaires US n’y
changeront rien. La dernière agression,
qui a vu un SU-22 syrien abattu par un
F-16 près de Raqqa, a eu pour seul effet
de torpiller les velléités de
coopération russo-américaine contre
Daech, Moscou ayant annoncé que tout
aéronef étranger serait dorénavant ciblé
par la DCA russe.
Cette provocation a
aussi incité les Iraniens à effectuer
leur premier tir de missile en
territoire syrien contre Daech,
l’implication militaire de Téhéran ayant
fait preuve d’une discrétion qui n’est
plus de mise dès lors que le bras de fer
avec Washington atteint un seuil
critique. En réalité, cette montée des
tensions sert Damas, qui condamne
fermement la présence occidentale sur le
territoire national, et dont l’allié
russe joue sa crédibilité à chaque
provocation US. Même s’ils prennent
Raqqa, les alliés arabo-kurdes des
Etats-Unis vont se retrouver le bec dans
l’eau, et l’armée syrienne y retournera
sous peu. Bientôt chassé de ses
pseudo-capitales (Mossoul et Raqqa),
privé de ses voies de ravitaillement,
pris en tenailles par les forces
irakiennes et syriennes, Daech est en
mauvaise posture.
Mais ce n’est pas
tout. Une enquête du “Wall Street
Journal” vient de donner de précieuses
informations sur le soutien d’Israël aux
rebelles syriens qui assurent la garde
rapprochée du Golan occupé. Peu
préoccupé par le sort de ces supplétifs,
le journal de la finance new-yorkaise
ironise sur le “cash” touché par les
chefs de milices. Lorsque Damas en aura
fini avec Daech, ces collaborateurs de
l’occupant auront du souci à se faire.
Quant aux pseudo-défenseurs de la cause
palestinienne qui réclamaient des armes
pour la “rébellion syrienne”, ils ont
l’air malin. “Provoquer la chute de
Bachar al-Assad est le meilleur moyen de
protéger Israël”, écrivait Hillary
Clinton. Après six années de mensonges,
les masques tombent. La Syrie a affronté
l’envahisseur sioniste en 1948-49, 1967,
1973 et 1982, et elle n’a jamais
capitulé. Aujourd’hui, l’heure de vérité
approche, mais on sait déjà qui a gagné
la partie.
Le sommaire de Bruno Guigue
Le dossier
Syrie
Les dernières mises à jour
|