Syrie
François Burgat, blanchisseur d'Al-Qaïda
Bruno Guigue
© Bruno
Guigue
Samedi 20 août 2016
Les amis de la « révolution
syrienne » nous disaient que Bachar Al-Assad
était un tyran sanguinaire coupable
d'atrocités sans nom. Ils clamaient que
le peuple syrien dressé comme un seul
homme aurait bientôt raison du « boucher
de Damas ». La main sur le coeur, ils
juraient que l'opposition démocratique
congédierait les djihadistes, préparant
la Syrie de demain. Huilée comme un
roulement à billes, cette narration, en
accréditant la fiction d'une révolution
vertueuse, nous étourdissait de ses
promesses. Rassurante pour l'esprit,
elle distribuait les rôles selon un axe
manichéen, confortant la bonne
conscience occidentale et justifiant
l'ingérence étrangère.
Pour peu, on aurait fini par y
adhérer tant la désinformation sur le
drame syrien était massive. On nous
servit hier le « false flag » d'une
attaque chimique attribuée en dépit du
bon sens au gouvernement syrien. On nous
vend aujourd'hui la photo accusatrice
d'un enfant blessé, image cruelle
désignant aussitôt le coupable, le
frappant d'indignité à la vitesse
trompeuse d'une émotion sur commande.
Conflit entre le bien et le mal, la
guerre civile syrienne se coule dans le
moule d'un récit préfabriqué, elle se
laisse happer par les fausses évidences
d'une compassion sélective.
Mais cette fable politique semble
avoir épuisé ses charmes. Le mythe d'une
opposition laïque et démocratique s'est
évanoui comme un écran de fumée. Il ne
laisse derrière lui que des vapeurs
d'alcool se dissipant peu à peu dans les
salons feutrés des grands hôtels de
Paris et Doha. Vautrée dans les
fauteuils en moleskine, une coterie de
patriciens déchus, de renégats
vieillissants et de rombières appointées
en dollars y devisa longuement sur
l'avenir d'un pays qu'elle trahissait.
Puis ces héros de pacotille sont partis,
les uns après les autres, oubliant leurs
rêves de gloire. De cette mauvaise
farce, il ne reste rien d'autre que
l'odeur rance d'un lendemain de fête
triste.
Cette révolution-bidon s'est
effondrée comme un château de cartes.
Dans le fracas de sa chute, elle a
laissé la place à une réalité tenace, de
ces réalités qui émergent à marée basse,
résistant obstinément aux tentatives de
dénégation : la Syrie est un champ de
bataille titanesque où s'opposent un
Etat souverain soutenu par la majorité
de la population et une armée de
mercenaires lourdement armés par les
maîtres du monde. C'est l'affrontement
sans pitié entre deux projets
incompatibles. D'un côté, un
nationalisme arabe séculier, respectueux
des minorités, intransigeant sur
l'intégrité territoriale et la
souveraineté nationale. De l'autre, un
islamisme rétrograde vendu au plus
offrant, décidé à régler leur compte aux
minorités récalcitrantes et à instaurer
un Etat confessionnel fondé sur une
charia rigoriste.
Cette réalité, il faut croire que
les défenseurs les plus acharnés de la «
révolution syrienne » ont fini par
l'admettre. Car ils font leur deuil des
modérés en costume-cravate et se
rallient sans vergogne aux djihadistes.
Le Front Al-Nosra ayant ravalé la façade
en rompant son affiliation à la
maison-mère, le tabou peut être
transgressé. Au lendemain même du
changement de label, voilà que commence
l'opération de blanchiment. « Al-Nosra
», ex-« Al-Qaida » rebaptisé « Fatah
Al-Cham » ? Des gens bien, des gens
fréquentables ! Un grand chercheur
français nous le dit : « Je pense que
l’un des grands défis des Occidentaux,
c’est d’être capable de mettre le
curseur sur des forces politiques que
l’on va considérer comme fréquentable,
ou dont on va accepter qu’elles font
partie de ce lot de forces politiques
parmi lesquels les Syriennes et les
Syriens choisiront, le jour venu. Et je
pense que oui, l’ex-Front al-Nosra
devrait faire partie des forces
politiques considérées comme
fréquentables », déclare François Burgat
sur RFI le 9 août 2016.
Merveilleux pays que la France, où
un chercheur du CNRS tresse des
couronnes à une bande d'assassins
revendiquant l'héritage d'Oussama Ben
Laden. Fonctionnaire français
s'exprimant sur une chaîne de service
public, il affirme non seulement qu' Al-Nosra,
branche syrienne d'Al-Qaida jusqu'à la
semaine dernière, est « fréquentable »,
mais que cette organisation responsable
d'innombrables atrocités doit faire
partie de l'avenir de la Syrie. Les
Syriens sauront gré à M. Burgat, n'en
doutons pas, de cette touchante
sollicitude pour leur avenir ! Mais il
est vrai que pour M. Burgat et ses
condisciples, la volonté du peuple
syrien ne pèse pas lourd.
Notre chercheur conseille aux
Occidentaux davantage de bienveillance à
l'égard des émules fraîchement
reconvertis d'Al-Qaida pour vaincre
Bachar Al-Assad. Quel brillant stratège
! Il doit ignorer que la collaboration
entre Al-Nosra et Daech fonctionne déjà
à plein régime dans la bataille d'Alep,
et que ses amis n'ont pas attendu ses
conseils pour recevoir l'aide précieuse
des Occidentaux qui leur fournissent
armes et munitions depuis belle lurette.
Débordant d'empathie pour Al-Nosra
reconvertie, M. Burgat ignore-t-il aussi
que cette organisation criminelle a
approuvé les attentats, commis par Daech
le 13 novembre 2015, qui ont coûté la
vie à 130 de nos compatriotes ? Nul
doute que les familles des victimes
apprécieront à leur juste valeur ses
savantes recommandations.
Bruno Guigue (20
août 2016)
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