France
François Hollande, une déchéance
française
Bruno Guigue
Dimanche 16 octobre 2016
Le 8 octobre, alors que les combats
faisaient rage à Alep, le projet de
résolution présenté par la France a été
rejeté par le Conseil de sécurité de
l'ONU. La Russie et le Vénézuéla ont
voté contre. La Chine et l'Egypte se
sont abstenues. François Hollande
déclara avant le vote que le pays qui
opposerait son veto à la proposition
française serait « discrédité aux yeux
du monde » et que les responsables de «
crimes de guerre » seraient déférés
devant la Cour pénale internationale.
Trois jours plus tard, François Hollande
manifesta publiquement son « hésitation
» à recevoir Vladimir Poutine à Paris.
Moscou préféra reporter cette rencontre,
attendant que M. Hollande soit « prêt ».
Cette
initiative mort-née, suivie de cette
palinodie ridicule, est un excellent
résumé de la politique de gribouille qui
tient lieu de diplomatie à la France
hollandienne. Repoussant les
propositions d'amendement présentées par
Moscou, Paris ne pouvait ignorer que son
projet de résolution finirait à la
poubelle. Ce texte surréaliste demandait
l'arrêt des frappes aériennes russes et
syriennes, mais ne mentionnait pas la
violence exercée par le camp adverse,
lourdement armé et généreusement financé
par des puissances étrangères en
violation flagrante du droit
international. Coup d'épée dans l'eau,
cette initiative témoignait d'une
agitation stérile et sans issue.
Volant
au secours de ses protégés en mauvaise
posture, la politique française faisait
alors une double démonstration. Elle
manifestait d'abord une hypocrisie sans
limite en jouant du violon à propos des
victimes civiles d'Alep-Est tout en
fermant les yeux sur celles
d'Alep-Ouest. Il faut croire que selon
la situation géographique, les
considérations humanitaires subissent de
mystérieuses variations. A Paris, on
fait volontiers le tri parmi les
victimes. Les bonnes sont du côté des
milices takfiries, les mauvaises du côté
du gouvernement syrien. Orchestrée sur
commande à chaque défaite djihadiste,
cette indignation sélective est devenue
une véritable spécialité française.
La
deuxième démonstration faite par la
diplomatie française est celle de son
alignement pavlovien sur Washington. Au
moment où les matamores galonnés du
Pentagone menacent la Russie d'un
conflit nucléaire, Paris fulmine contre
Moscou. La propagande anti-russe se
déchaîne aux USA, et M. Hollande ne veut
pas être en reste. Tel un roquet
teigneux, il aboie en faisant mine de
mordre l'ours russe aux mollets et
détale lorsqu'il se retourne. Une fois
de plus, le suivisme atlantiste du
président français atteint des sommets
et défie l'imagination. Faute d'en avoir
lui-même, le président français colle à
la politique US dans ses méandres les
plus sinueux et s'y perd sans qu'on s'en
aperçoive.
Cette
pitoyable servilité du président actuel
n'est pas nouvelle. En février 2014,
Barack Obama et François Hollande
signaient une tribune parue
simultanément dans « Le Monde » et le «
Washington Post ». A la fin de ce texte
insipide, véritable filet d'eau tiède
qui débitait les poncifs de la doxa
occidentale, on pouvait lire : « Pendant
plus de deux siècles, nos deux peuples
ont fait front pour défendre notre
liberté commune. A présent, nous
assumons, une fois encore, nos
responsabilités, non seulement l'un
envers l'autre, mais envers un monde qui
est plus sûr grâce à la pérennité de
notre alliance aujourd'hui réaffirmée ».
Avec
50% des dépenses militaires mondiales,
725 bases militaires à l'étranger et une
doctrine militaire qui autorise la
première frappe nucléaire, qui pourrait
nier que les Etats-Unis d'Amérique
œuvrent à la paix mondiale et à la
concorde universelle ? Heureusement,
grâce à M. Hollande, ils ne sont plus
seuls à apporter la lumière au monde
ébahi devant tant de générosité. Phare
de l'humanité, la grande nation au «
destin manifeste » sait désormais
qu'elle est fidèlement secondée, pour
accomplir cette tâche grandiose, par un
nouvel auxiliaire à la fidélité de
caniche.
Joignant le geste à la parole, François
Hollande n'a cessé de se comporter en
supplétif de Washington. Dans son
enthousiasme à servir une puissance
qu'il croit invincible, il a toutefois
perdu le sens des réalités. Décidé à
bombarder un Etat souverain qui n'a
jamais agressé la France, il joua
obstinément le boute-feu en Syrie.
Heureusement, il fut refroidi pour de
bon par l'initiative diplomatique russe.
Puis il endossa le rôle du redresseur de
torts face à l'Iran. Peine perdue. En
dépit de ses efforts, M. Fabius ne put
empêcher l'accord sur le nucléaire. Dans
les deux cas, cette attitude de volaille
en furie qui montre ses ergots n'aboutit
à rien. La décision est venue
d'ailleurs. Paris l'a entérinée. Et la
diplomatie française apparut comme un
vieux souvenir.
Elle
exista pourtant en d'autres temps. En
1966, le général de Gaulle avait extrait
les forces françaises du commandement
intégré de l'OTAN pour redonner à la
France son indépendance stratégique.
Prônant un monde multipolaire, il
entendait conjurer les affres de la
guerre froide. Le sort du monde était
suspendu à l’affrontement entre les
blocs, les USA embourbés au Vietnam, le
Tiers Monde en effervescence.
L'affirmation de la souveraineté
française visait à desserrer l'étreinte
des impérialismes de tous bords. Cette
époque est révolue. Avec de Gaulle, la
France était contre les empires.
Aujourd'hui, la France est une colonie
de l'Empire.
Adhérant à Washington comme l'huître au
rocher, la présidence actuelle a abdiqué
toute ambition. Jetant aux orties
l'héritage gaulliste, Nicolas Sarkozy
avait replacé les forces françaises sous
commandement US. Nouveau fossoyeur,
François Hollande jette à son tour une
dernière pelletée de terre sur la
souveraineté française. Le 7 avril 2016,
l'Assemblée nationale a voté à sa
demande la ratification du protocole de
Paris, un texte qui entérine la
réintégration de la France dans
l'organisation militaire de l'OTAN et
autorise la construction sur le
territoire national de ces bases US que
le général de Gaulle avait fait
démanteler.
Complices sur toute la ligne, MM.
Hollande et Obama ont beaucoup d'amis
communs. Protégée des USA depuis 1945,
la pétromonarchie saoudienne est pour
François Hollande un « partenaire de
référence » au Moyen-Orient. Paris a
signé avec Riyad des contrats
d'équipement militaire pour plusieurs
milliards de dollars. L'Arabie saoudite
est son premier client pour la période
2010-2015. La France livre aux Saoudiens
des armes sophistiquées avec lesquelles
ils massacrent la population yéménite.
Cela ne suffit pas. Sans vergogne,
l'Elysée distribue des médailles aux
dirigeants d'un pays qui finance ce
terrorisme qui frappe régulièrement la
population française. Mais M. Hollande
n'en a cure. Ce n'est pas sa priorité.
Appendice colonial de l'Occident et
porte-avions US, Israël bénéficie aussi
des faveurs empressées de la présidence
française. La colonisation à outrance et
la répression en Palestine occupée
n'empêchent pas François Hollande de
proclamer son soutien sans faille à
l'Etat hébreu. A l'instar de son premier
ministre éternellement lié à Israël, le
président français se déclare « l'ami
d'Israël pour toujours » (novembre
2013). Une promesse qui sonne
étrangement au moment où le ministre des
affaires étrangères israélien parle de «
décapiter à la hache » tous ceux qui
s'opposent à ses desseins. Peu importe.
Tel Aviv est satisfait des services de
l'Elysée. C'est l'essentiel.
Contre
les dirigeants saoudiens et israéliens,
Paris ne brandira jamais la menace de la
Cour pénale internationale. La France ne
réclamera pas de « right to protect » en
faveur des enfants palestiniens et
yéménites. Elle n'exigera pas de « no
fly zone » pour mettre hors d'état de
nuire les bombardiers de Riyad et de Tel
Aviv. Vu de Paris, le droit
international humanitaire est toujours à
géométrie variable. C'est une arme
d'intimidation massive dont on use au
gré des intérêts de l'Empire. Quand les
dirigeants français invoquent les droits
de l'homme, c'est pour la galerie. Et
l'on doit assister au spectacle de ces
supplétifs qui apportent leur misérable
contribution à la stratégie du chaos
décidée à Washington.
Bruno
Guigue (16/10/2016).
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