Monde
Trump : les raisons de la victoire
Bruno Guigue
Mercredi 9 novembre 2016
La veille du scrutin, un grand journal
américain écrivait : "Trump est dans son
bunker comme Hitler la veille de sa
mort". Quel brillant pronostic ! Il
résume l'aveuglement impressionnant de
ces élites bien-pensantes qui croient
que leur monde est le monde tout court.
Provoquant un véritable séisme
politique, le businessman new-yorkais
vient de conquérir la Maison blanche à
la hussarde. Il a transformé le camp
adverse en champ de ruines. Il a
ridiculisé les médias qui n'ont eu de
cesse de le vilipender.
Enfin,
et ce n'est pas rien, il frappe de
stupeur une classe politique européenne
qui s'était amourachée d'Hillary Clinton
parce qu'elle lui ressemblait. A l'image
d'un président Hollande qui bredouille
des platitudes faute d'avoir quelque
chose d'intelligent à dire sur la
déculottée qu'il vient de recevoir,
cette classe politique ne sait plus à
quel saint se vouer. Elle croyait au
mythe de l'Amérique "leader du monde
libre", et ce mythe ridicule s'évanouit
sous les vivats qui saluent le discours
de victoire de ce nouvel élu qu'elle
abhorrait. Il va falloir qu'elle s'en
accommode.
Pourquoi Donald Trump a-t-il gagné ?
On
peut formuler trois hypothèses.
Premièrement, de larges couches de la
population ont vu dans le candidat
républicain un recours contre des
politiques libre-échangistes qui les ont
appauvries. Les mêmes analystes qui
fulminent contre Donald Trump oublient
généralement de rappeler qu'aux USA il y
a 20 à 25% de pauvres. Les classes
moyennes ont encaissé le choc en retour
de la crise de 2008 et les travailleurs
ont fait les frais de la mondialisation
libérale encensée par les démocrates.
Après huit années de présidence Obama,
ce délabrement de la société américaine
peut difficilement être porté au crédit
du président sortant. Première leçon de
cette élection : quand ceux qui se
disent progressistes ne le sont qu'en
paroles, le peuple essaie autre chose.
Deuxièmement, Donald Trump a gagné parce
qu'il est apparu à tort ou à raison
comme un électron libre, sans allégeance
particulière, voire étranger au système
politique traditionnel. Le milliardaire
qui pavoise les gratte-ciel de son nom
en lettres géantes, bien sûr, est un pur
produit du système capitaliste. Il aime
se présenter comme un self-made man qui
s'est taillé un empire immobilier dans
la jungle new-yorkaise. Evidemment ce
n'est qu'une belle histoire enjolivée
pour les besoins de la cause, mais peu
importe puisque les Américains qui
votent pour lui ont follement envie d'y
croire.
Représentatif d'une couche de managers
chevillée au marché intérieur, il a fait
fortune dans l'immobilier, la
télé-réalité et les élections de miss.
Trump, c'est l'homme qui vend du rêve
aux Américains, de préférence "blancs,
masculins et peu éduqués", comme disent
aimablement les sociologues. Il a choisi
son cœur de cible et il s'y est tenu,
quitte à caresser dans le sens du poil
les tendances xénophobes et islamophobes
de l'Amérique profonde, avivées par le
climat international et les problèmes
liés à l'immigration clandestine.
Du
coup, il a pu tenir un discours contre
le système oligarchique tout en étant
lui-même un parfait oligarque.
Contrairement à Hillary Clinton, il n'a
pas sollicité le soutien des lobbies qui
font et défont les carrières politiques
aux USA. Les magnats de l'armement, les
financiers de Wall Street et les
prête-nom d'Israël lui ont préféré son
adversaire. N'étant pas leur débiteur,
rien ne le retenait de faire le procès
de "l'establishment" comme s'il n'en
faisait pas partie. Capitaliste sans
complexe, mais franc-tireur, il a su
détourner à son profit la vindicte
populaire contre les vautours de la
finance qui se sont enrichis pendant la
crise sur le dos des classes moyennes.
Deuxième leçon de cette élection : quand
le peuple en veut à l'oligarchie, il
vaut mieux montrer qu'on ne dépend pas
d'elle, même si on en fait partie.
Troisièmement, Donald Trump doit aussi
son succès massif, bien sûr, au climat
pestilentiel qui régnait autour de la
candidate démocrate. Experte en double
langage, Hillary Clinton s'est pris les
pieds dans le tapis à force de
multiplier les mensonges. Elle s'est
mouillée jusqu'au cou avec Wall Street,
allant jusqu'à confesser qu'elle se
sentait "plus proche des financiers que
de la classe moyenne depuis qu'elle et
Bill avaient gagné des dizaines de
millions de dollars". Le trucage éhonté
des primaires démocrates et l'affaire
rocambolesque des emails ont fait le
reste. Les ploucs qui se lèvent tôt le
matin pour aller nourrir leur famille ou
payer les études de leurs enfants
viennent de renvoyer l'ascenseur à celle
dont ils ne supportaient plus la
duplicité. Direction le sous-sol.
On va
beaucoup dire, à gauche, que la victoire
de Trump est surtout la défaite de
Clinton parce que c'était une mauvaise
candidate. Mais peu d'observateurs iront
jusqu'à admettre que c'était une
mauvaise candidate parce que le parti
démocrate lui-même est une véritable
planche pourrie. C'est pourtant vrai. Et
si ce parti est en putréfaction, c'est
parce qu'il s'est livré au clan Clinton,
cheval de Troie des intérêts
capitalistes les plus rapaces au sein du
système politique américain.
Pourtant, pour la première fois, le
parti démocrate avait un candidat
honorable. Bernie Sanders n'était ni
menteur, ni corrompu. Il avait des idées
sur la société américaine qui
séduisaient cette partie de la jeunesse
qui ne voulait pas passer sa vie à se
prosterner aux pieds du dieu-dollar.
Mais il n'avait aucune chance parce que
le système n'en voulait pas. Avides de
pouvoir, les Clinton l'ont cyniquement
descendu en plein vol pour le compte
d'une oligarchie cupide. Le symbole des
Clinton, c'est la fondation du même nom.
Cette pompe à fric financée par les
Saoudiens fut l'instrument d'une
effroyable corruption et d'une
compromission éhontée avec les sponsors
du terrorisme. Vaincue, Hillary Clinton
ira donc rejoindre le club des
conférenciers à 300 000 dollars. Bon
débarras.
Bruno
Guigue (09/11/2016).
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