Politique
Quand Macron ricane des naufragés de la
Françafrique
Bruno Guigue
Samedi 3 juin 2017
“Le kwassa-kwassa pêche peu, mais il
amène du Comorien”. Pour ceux qui
avaient encore besoin d’une leçon de
choses sur M. Macron, les voilà servis.
Que des milliers de Comoriens aient péri
noyés en cherchant à fuir la pauvreté
d’une ex-colonie française, c’est
tellement drôle ! Cette tragédie humaine
devrait nous couvrir de honte. Mais non,
voyons ! Des Africains engloutis par les
flots à une encablure de Mayotte ? Pour
M. Macron, c’est marrant. La mine
réjouie, le potache fait une blague
comme s’il racontait une partie de pêche
au gros. Goguenard, le freluquet
rigolard amuse la galerie avec sa vanne
à deux balles.
Regardez bien la vidéo. Oui, c’est vrai,
sa cour trouve ça drôle ! Lorsque le
dandy lâche sa boulette, les joyaux
lurons ricanent en choeur. Le ministre
des affaires étrangères, Jean-Yves Le
Drian, fait partie de la bande. Il
paraît qu’il représente la France dans
le monde ! Quant à M. Macron, il ne faut
pas trop lui en demander. Né avec une
cuillère en argent dans la bouche, élevé
en batterie chez Rothschild, il n’a pas
la compassion facile. On connaissait
déjà son mépris pour les illettrés, les
fainéants qui n’ont qu’à “travailler
pour se payer un costard”. On découvre
son mépris pour les pauvres du
Tiers-Monde, ces crève-la-faim qui
frappent à nos portes pour échapper à la
misère.
Comment ces gueux,
d’ailleurs, mériteraient-ils notre
respect ? Ils n’ont même pas de compte
en banque ! Dans les salons cossus de
l’oligarchie, ces histoires de rafiots
qui chavirent avec leur cargaison
humaine sont aussi drôles que “Tintin au
Congo”. Qu’est-ce qu’on se marre, avec
Manu, sur les Nègres en kwassa-kwassa !
Au passage, notez bien l’expression. “Le
kwassa-kwassa amène du Comorien”. Pour
Macron, le Comorien n’est même pas une
marchandise. C’est un matériau informe.
Il ne vaut rien, il ne compte pas, et
d’ailleurs il se noie dans
l’indifférence générale. Le Comorien, ce
n’est rien. Ce n’est même pas de la
poiscaille, à peine un déchet dont on
rigole quand il coule à pic.
Lesté de violence
symbolique, un tel sarcasme illustre le
racisme structurel de la caste
dominante. Ceux qui ont appelé à voter
Macron pour battre Le Pen ont l’air fin.
A force de pointer du doigt le racisme
qui gangrène les couches populaires, on
a oublié celui des riches. Ce racisme
est plus discret, mais plus féroce. Il
crache sur ceux qui luttent pour la
survie, sur les gueux, les pouilleux. Ce
racisme prospère sur l’ahurissante
misère qui frappe les damnés de la
terre. C’est le sarcasme des vainqueurs
de la compétition planétaire. “Noyée
dans les eaux glacées du calcul
égoïste”, comme disait Marx, toute
compassion s’évanouit, elle disparaît
dans un rictus.
Ne reste que le
mépris, de classe et de race à la fois,
qui expédie les déshérités de
l’hémisphère Sud dans les oubliettes de
“l’humanisme” occidental. On omet alors
de dire que les migrants qui bravent la
noyade sont aussi les victimes du pacte
néo-colonial. L’aurait-on oublié ? C’est
la France qui a extirpé Mayotte de
l’archipel des Comores. C’est elle qui a
semé le chaos dans la région, au mépris
du droit international. Mais peu
importe. M. Macron tient tant à la
Françafrique ! Pour l’oligarchie, ce
continent n’est qu’un terrain de chasse.
Les Africains, à ses yeux, n’existent
que dans la mesure où ils la servent. En
attendant, le blanc-bec de l’Elysée peut
faire le mariole sur le dos des
naufragés.
Publié avec l'aimable autorisation de
l'auteur
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