Politique
Lettre à un ami qui me conjure de voter
Macron
Bruno Guigue
© Bruno
Guigue
Lundi 1er mai 2017
Tu me dis que le 7 mai nous n’avons pas
le choix et qu’il faut voter Macron. Si
je m’abstiens, dis-tu, je fais le jeu de
Le Pen. Dans ta bouche, c’est comme une
injonction morale. Au deuxième tour, il
faut faire barrage au Front national,
parce que si on ne le fait pas, Marine
Le Pen sera élue. Je comprends tes
arguments, car, comme toi, je n’ai pas
envie que le FN accède au pouvoir. C’est
une formation politique dont j’ai
toujours combattu l’idéologie, et la
possibilité de lui accorder mon suffrage
ne m’a jamais traversé l’esprit.
Le problème est
ailleurs. Le problème, c’est que pour me
convaincre de voter Macron, tu pars de
fausses prémisses. Tu fais comme si le
résultat du 7 mai était incertain et
nimbé de mystère. Or ce n’est pas le
cas. Un deuxième tour d’élection
présidentielle, c’est une arithmétique
des reports de voix. Non seulement
Macron (24%) a de l’avance sur Le Pen
(21,3%), mais il bénéficiera d’un report
massif des voix de Hamon et d’un report
substantiel des voix de Fillon et
Mélenchon.
A supposer qu’elle
bénéficie d’une partie des voix de
Fillon et de la totalité des voix de
Dupont-Aignan, Marine Le Pen est très
loin du compte ! On glose beaucoup sur
les électeurs de Mélenchon qui seraient
tentés de voter Le Pen, mais cette
fraction de l’électorat est dérisoire.
En réalité, personne ne croit à la
victoire du FN, mais il faut faire
semblant d’y croire pour lever les
inhibitions qui nous empêchent de voter
pour le candidat de la caste.
En fait, tu
invoques une urgence électorale
imaginaire, tu me demandes de faire
barrage à une candidate dont tout le
monde sait qu’elle sera battue. Tu vas
me répondre que je suis un irresponsable
et que je compte sur les autres pour
battre Le Pen. Mais il y a les faits, et
l’arithmétique est implacable. Oui, Le
Pen est un danger. Non, elle ne sera pas
élue. Nier cette réalité, c’est fausser
l’analyse. En m’abstenant le 7 mai, je
ne favorise pas le FN. Je conteste la
légitimité d’une élection qui a été
truquée par la scandaleuse partialité
des médias. Ce n’est pas la même chose.
Macron sera élu,
mais je souhaite qu’il soit élu dans les
pires conditions. Avec un taux
d’abstention à 40%, ce sera un
président-fantoche. Aux élections
législatives, il faudra se battre pour
l’empêcher d’avoir une majorité ! Et
s’il a une majorité parlementaire de
bric et de broc, il faudra combattre sa
politique. Tu as choisi de voter Macron
pour éliminer Le Pen. Je m’abstiens pour
torpiller Macron sans voter Le Pen.
Macron veut légiférer par ordonnances
pour démolir le code du travail. En
m’abstenant, je choisis mon camp. En
votant pour lui, tu choisis le sien.
Macron, tu le sais,
est le pantin d’une oligarchie dont la
cupidité est responsable du délabrement
de notre pays. Elle bafoue la
souveraineté populaire, elle asservit
les médias, elle détruit les emplois
pour se gaver, elle fait la guerre pour
le fric à des pays qui ne nous ont rien
fait. C’est elle, et personne d’autre,
qui fait le lit du nationalisme
identitaire, et tu veux que je vote pour
son gigolo ? Tu me demandes de voter
contre les métastases en votant pour le
cancer ! Hors de question. Contre Macron
et contre Le Pen, pour moi, ce sera
l’abstention.
Publié avec l'aimable autorisation de
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