Syrie
Syrie. Voyage au cœur du pays de Bachar
(1) :
un pays en guerre
Rédaction de Breizh-info
Crédit
photo : Breizh-info.com
Jeudi 14 avril 2016
Depuis 5 ans le conflit
syrien est au cœur de l’actualité. Pour
en parler, la plupart des médias se
contentent de reprendre les dépêches de
l’Agence France presse, qui s’appuient
eux-mêmes sur les communiqués de
l’Observatoire syrien des droits de
l’homme (OSDH), une officine très
controversée.
Alors pour tenter de
comprendre la réalité, trois membres de
la rédaction de Breizh-info viennent de
séjourner en Syrie, où ils se sont
rendus avec le concours de l’association
de solidarité France-Syrie ( contact
: syrianafrance@gmail.com) . Ce voyage
d’une semaine s’est entièrement déroulé
dans la partie du pays sous contrôle du
gouvernement légal. De Damas à
Lattaquié, notre équipe est allée à la
rencontre de la population :
combattants, victimes de guerre,
déplacés, chrétiens, musulmans,
religieux, mères de famille,
enfants, universitaires, industriels,
artisans, commerçants, agriculteurs…
Sans préjugés ni tabous, récit d’un
voyage dans un pays en guerre.
La rédaction
Tard le soir, nous retrouvons
Damas que nous avions
rapidement aperçue il y a une semaine
lors de notre arrivée en Syrie. Depuis,
nous avons sillonné le pays. Nous avons
pu constater la diversité de
la population qui partage cependant un
lien très fort, son attachement à la
patrie. A Saidnaya et Maaloula,
nous avons rencontrés des représentants
des églises chrétiennes. A Homs, ville
martyre, les ravages de la guerre
se sont imposés. A Hama, ville
majoritairement sunnite, l’histoire
sourd de l’Oronte. A Ain el Kroum,
au-dessus d’Apamée, nous avons partagé
le quotidien des habitants. A Lattaquié,
fief des Alaouites et à Tartous, la
base russe, règne encore la
douceur méditerranéenne.
Damas, une des villes les plus
anciennes du monde, est mythique dans
l’imaginaire européen et oriental. Elle
résume plus de 3000 ans d’histoire
depuis l’installation des Amorites.
Capitale d’un puissant royaume araméen,
elle a subi la domination assyrienne,
babylonienne, perse puis romaine. Une
importante population juive y vivait
alors. Celle-ci a abrité les premières
communautés chrétiennes. Damas est
devenue musulmane en 636 et capitale de
l’empire omeyyade en 661. Elle a connu
l’invasion des croisés, des mongols, des
mamelouks et des Ottomans. Ces derniers
ont été remplacés par les français après
la guerre de 14/18 avant de redevenir
capitale de la Syrie indépendante en
1946.
La guerre y est présente. Les hommes
du Front Al Nosra occupent une partie de
l’agglomération. On entend parfois le
bruit sourd des explosions. Pourtant
la vie continue. La circulation est
intense. les rues débordent de piétons
d’autant que la température est
printanière. Le souk est animé. Dans les
cafés pleins, hommes et femmes de toute
génération boivent jus de fruit, thé,
café ou fument le narguilé.
Le mardi précédent, où nous nous
étions retrouvés en fin d’après-midi à
l’aéroport de Roissy CDG, nous semble
loin. Nous avions emporté du matériel
médical et des médicaments qui manquent
cruellement en Syrie, embargo oblige.
Nous les remettrons à diverses
associations sur place. A l’hôtesse
d’Air Serbia chargée de l’enregistrement
qui nous demandait si nous allons
séjourner à Beyrouth, nous répondons que
« nous allons un peu plus loin« .
« Ah ! Vous allez à... ».
Stupéfaite, son visage s’illumine. Les
larmes lui montent aux yeux. Solidarité…
Chaises
roulantes, béquilles et médicaments sont
du voyage…
Après une escale à Belgrade, nous
arrivons à Beyrouth à 3h15. Nous sommes
un groupe de 17 personnes y compris les
membres de l’association. Les formalités
douanières accomplies, nous mettons les
bagages dans deux camionnettes taxi qui
vont nous conduire à Damas. Nous
traversons Beyrouth où chaque quartier
est protégé par des hommes en armes. La
ville semble assez bien reconstruite.
Nous la quittons à 5h30. Nous
traversons la plaine de la Bekaa. Comme
les bureaux de la frontière n’ouvrent
qu’à 8 heures, nous faisons une halte
pour un petit-déjeuner dans
un bar – restaurant – épicerie – bazar,
qui nous procure un avant-goût de
couleur locale.
Le temps du trajet d’environ 110
kilomètres et du passage de la
frontière nous en donnera un
autre. Nous allons devoir oublier notre
notion occidentale du temps et faire
preuve de patience. En effet, nous
n’arriverons qu’à 14h30 à notre hôtel,
situé dans le quartier chrétien du vieux
Damas. Les 5 heures passées en douane
nous permettent un premier constat sur
la grande diversité de style
vestimentaire des très nombreux Syriens
qui y passent. Pour les femmes, en
particulier, cela peut aller d’une tenue
de type européen, sexy voire provocante,
à une robe noire et un voile qui
dissimulent entièrement la personne.
Peint sur
les fermetures des échoppes, le drapeau
syrien est omniprésent
A l’entrée en Syrie, nous découvrons
de grands portraits du président Bachar
el-Assad, soit seul, soit en compagnie
de Vladimir Poutine ou avec Sayed Nasrallah,
le chef du Hezbollah. Ils nous suivront
pendant tout le voyage. De même, devant
les habitations, on peut voir les
portraits des victimes, dénommés
martyrs. Plongée dans un pays en guerre
depuis cinq longues année, guerre que
subit en première ligne la population.
Nous voyons dans les villages traversés
des maisons détruites, des ruines, des
restes de véhicules calcinés.
Par contre, le gouvernement et les
habitants assurent la sécurité grâce à
de nombreux points de contrôle. Il en
existe à chaque carrefour routier, à
chaque entrée et sortie de communes,
entre les quartiers dans les villes.
Précédés de chicanes et ralentisseurs,
ils sont tenus par des militaires ou par
des milices locales. Les véhicules
doivent s’arrêter et les
passagers justifier de leur identité.
Ainsi de l’entrée de Damas à notre
hôtel, nous en passerons une quinzaine.
Précisons le tout de suite, jamais nous
ne ressentirons le moindre sentiment
d’insécurité tout au long de ce voyage.
« Vous êtes fous ! » nous
avait-on dit parfois, à l’annonce de
notre voyage. Mais les rues de Paris ou
de Bruxelles s’avèrent aussi risquées…
Les
portraits de ceux qui sont tombés au
front ornent les rues des villes et des
villages
Le lendemain, nous prenons
l’autoroute du nord pour gagner Saidnaya,
un fief chrétien, dans la montagne de l’anti-Liban.
Cette région est très aride. Comme
pendant tout notre séjour, nous
passerons de multiples points de
contrôle. Chaque entrée de ville ou de
village, chaque carrefour important est
contrôlé par des hommes en armes – avec
interdiction formelle de photographier.
Nous verrons également les
preuves d’affrontements violents :
véhicules incendiés, immeubles et
maisons effondrés ou brûlés. Les
affiches de ceux qui sont tombés au
combat – appelés les martyrs – sont
nombreuses. Régulièrement, nous ferons
des crochets pour éviter les zones
encore occupées par les islamistes. La
Syrie est une peau de léopard avec une
alternance de secteurs contrôlés par les
forces légales et d’autres occupés par
les groupes djihadistes.
(à suivre)
Crédit photos : Breizh-info.com (
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