P.A.S.
Il est temps de l’admettre,
la politique d’Israël est ce qu’elle
est : de l’apartheid !
Bradley Burston
Vendredi 28 août 2015
Ce que je vais maintenant écrire
n’est pas facile pour moi. Je faisais
partie de ceux qui étaient en désaccord
quand on appliquait l’étiquette « apartheid »
à Israël. Je faisais partie de ceux sur
qui on pouvait compter pour soutenir,
qu’en dépit du fait que les politiques
de colonisation et d’occupation étaient
antidémocratiques, brutales, que c’était
un suicide à petites doses, le terme
d’apartheid ne pouvait pas s’appliquer.
Je ne fais plus partie de ces
gens-là, plus depuis ces dernières
semaines.
Je n’en fais plus partie depuis que
des terroristes ont incendié une maison
en Cisjordanie, détruisant une famille,
assassinant un petit garçon de 18 mois
et son père, brûlant la mère à plus de
90% et ensuite entendre le gouvernement
israélien décréter que cette même
famille « n’était pas éligible »
au soutien financier et aux
compensations automatiquement allouées
aux victimes du terrorisme, alors que
les colons y ont droit.
Je ne peux plus continuer à soutenir
ces idées. Plus depuis que la ministre
de la Justice, Ayelet Shaked, déclarant
que jeter des pierres était un acte de
terrorisme, poussait le passage d’une
loi tenant les lanceurs de pierre
passibles de jusqu’à 20 ans de prison.
La loi n’indiquait pas si elle ne
s’appliquait qu’aux seuls Palestiniens.
Il n’y avait pas besoin de le préciser…
Et seulement une semaine plus tard,
dans une colonie de Cisjordanie, des
Juifs ont jeté des pierres, des meubles
et des bouteilles d’urine sur des
soldats et des policiers. En guise de
réponse, Benjamin Netanyahou les a
immédiatement récompensés avec la
promesse de construire des centaines de
logements dans les colonies.
C’est ce qu’est devenue l’application
de la loi : 2 versions d’un même
bouquin. Une pour nous et une que l’on
jette aux autres : apartheid. Nous avons
ce que nous avons créé. Nous sommes ce
que nous faisons, y compris les mille
différents dommages que nous faisons à
des millions d’autres. Nous sommes ce
que nous constatons en aveugles. Notre
Israël est ce qu’il est devenu :
l’apartheid.
Il y eut un temps où je faisais une
distinction entre les actes de Benjamin
Netanyahou et ce pays que j’ai tant
aimé, si longtemps. C’est fini. Chaque
jour, nous découvrons de nouvelles
atrocités.
J’étais une personne qui voulait
croire qu’il y avait des limites
imposées par la démocratie – ou au moins
des contraintes réalistes –auxquelles le
Premier ministre voulait bien se plier.
Même qu’il avait à accepter quelques
compromis face aux fiers tenants de
l’apartheid, afin de conserver son
pouvoir.
C’est fini. Plus depuis Danny
Danon, plus depuis que le choix du
Premier ministre pour nous représenter,
nous Israël, aux Nations unies, s’est
porté sur un homme qui avait proposé une
loi pour annexer la Cisjordanie, de
créer des bantoustans où les
Palestiniens vivraient sans Etat et
privés des droits humains les plus
basiques. Celui qui va nous représenter,
nous tous, à l’ONU, l’homme qui va
porter notre parole au Tiers monde est
le même qui avait qualifié de « plaie
nationale » les demandeurs d’asile
africains ! L’homme qui va personnifier
Israël à l’ONU est le même politicien
qui avait proposé une législation
destinée à écraser les ONG qui secourent
les Palestiniens et s’opposent aux
institutions de l’occupation. En même
temps, sa loi donnait le feu vert au
gouvernement pour continuer à financer
des ONG d’extrême-droite, soupçonnées de
transférer cet argent pour soutenir la
violence des Juifs, partisans des
colonies.
Que veut dire apartheid, façon
israélienne ?
L’apartheid, c’est un clergé
fondamentaliste, fer de lance du
renforcement de la ségrégation, des
inégalités, de la suprématie et de
l’assujettissement. Apartheid c’est Avi
Dichter, législateur du Likoud (parti
politique israélien nationaliste) et
ancien chef du Shin Bet (service de
contre-espionnage israélien), qui décide
un dimanche, l’organisation de routes et
d’autoroutes séparées pour les Juifs et
les Palestiniens en Cisjordanie.
Apartheid, c’est des centaines
d’attaques de colons contre la
propriété, les moyens de subsistance et
la vie des Palestiniens qui se terminent
sans condamnation, inculpation ni même
de suspects. Apartheid, c’est un nombre
incalculable de Palestiniens emprisonnés
ou abattus sans jugement, à qui on a
tiré, sans aucune raison, dans le dos
alors qu’ils s’enfuyaient.
Apartheid, c’est des fonctionnaires
israéliens utilisant armée, police,
tribunaux militaires et détention
administrative draconienne, en principe
pour faire tomber les terroristes mais
surtout pour fermer toute voie de
contestation non-violente aux
Palestiniens.
A la fin du mois dernier, malgré la
condamnation sans ambiguïté du directeur
de l’Association médicale israélienne et
de plusieurs groupes de défense des
droits humains opposés à la torture,
Israël a voté la loi intitulée « loi
pour prévenir les dommages causés par
les grèves de la faim ». Celle-ci
autorise le gavage de force des
prisonniers, sous prétexte que leur vie
serait en danger. Gilad Erdan, le
ministre de la Sécurité intérieure de
Benjamin Netanyahou, qui a « poussé »
pour faire passer cette loi, a qualifié
les grèves de la faim des Palestiniens,
enfermés depuis des mois sans
inculpation, ni procès, de « nouveau
type d’attaque-suicide qui va menacer
l’Etat d’Israël ».
Il n’y a que dans un système
aussi tordu que l’apartheid qu’un
gouvernement a besoin d’étiqueter et de
traiter la non-violence comme du
terrorisme. Il y a quelques années, dans
l’Afrique du sud de l’apartheid, des
Juifs qui aimaient leur pays mais
détestaient ses lois, ont participé avec
courage à la lutte non-violente qui a
renversé un régime de racisme et de déni
des droits humains. Puissions nous en
Israël suivre leur exemple !
Source : AURDIP
Par
Bradley Burston, journaliste israélien
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