Opinion
La catastrophe déclenchée par
l'impérialisme américain au Moyen-Orient
Bill Van Auken
Mercredi 15 janvier 2014
En décembre 2011,
après avoir été forcé à retirer les
dernières troupes de combat américaines
d'Irak après l'échec de sa tentative
d'obtenir un accord avec Bagdad sur le
statut de ces forces, le président
Barack Obama a promis à plusieurs
reprises que « la vague de guerres se
retir[ait]. »
À peine plus de
deux ans plus tard, toute la région
s'engouffre dans la violence à cause de
la politique poursuivie par
l'impérialisme américain et la
possibilité d'une guerre s'étendant à
toute la région devient un risque
sérieux.
Le gouvernement
Obama est actuellement en négociation
avec la Russie sur un accord politique
possible en Syrie, et avec l'Iran sur un
rapprochement sur la base d’un accord
relatif à son programme nucléaire et au
moins une levée partielle des sanctions
économiques.
Ces deux séries de
négociations ont été initiées en
septembre dernier, après que Washington
ait renoncé au dernier moment à une
intervention directe en Syrie à laquelle
la population américaine, comme celle du
monde entier, étaient opposée dans sa
grande majorité. Loin d'un tournant vers
la paix et la diplomatie, cependant, le
passage du bombardement de la Syrie aux
négociations a émergé dans le cadre du «
pivot vers l'Asie » poursuivi par
l'impérialisme américain et s'appuyant
sur la vision stratégique qu'en calmant
la confrontation avec l'Iran, on
créerait des conditions plus favorables
pour poursuivre le conflit avec le
principal rival mondial de
l'impérialisme américain, la Chine.
Pourtant,
Washington ne parvient pas vraiment à
exécuter correctement ce changement
d’axe. Il a de plus en plus de mal à
s'extirper de la catastrophe qu'il a
lui-même créé au Moyen-Orient.
La guerre soutenue
par les États-Unis pour un changement de
régime en Syrie, qui a coûté la vie à
130 000 personnes et en a contraint 9
millions à fuir leur foyer, déborde de
plus en plus des frontières syriennes,
vers le Liban, où les assassinats, les
attentats-suicide et les confrontations
armées sont devenues quotidiens, et en
Irak, qui a été le théâtre d'une
confrontation armée entre l'armée
irakienne et les milices locales dans
les villes de Fallouja et de Ramadi à
l'Ouest du pays.
La responsabilité
principale – politique et morale – de
tout ce sang versé est celle de
l'impérialisme américain. Il a commis
des crimes de guerre dont les dimensions
peuvent être comparées à celles des
crimes du Troisième Reich durant la
seconde guerre mondiale. Le lancement
d’une guerre d’agression – la principale
accusation soulevée contre les criminels
de guerre nazis au procès de Nuremberg –
est aussi le principal crime du
gouvernement américain, dont découlent
toutes les autres horreurs.
La guerre d'Irak,
promue sur la base de mensonges sur des
armes de destruction massives
inexistantes, était un acte d'agression
impérialiste prémédité et prédateur. Il
visait à affirmer l'hégémonie américaine
dans une région stratégiquement vitale
et riche en pétrole et à donner à toute
la planète une démonstration de toute la
puissance du militarisme américain.
Au passage, l'armée
américaine n'est pas seulement parvenue
à détruire une société fragile, déjà
ravagée et dévastée par les sanctions,
mais également à saper tout le système
des états de la région.
Washington est
responsable non seulement du taux de
mortalité massif en près de neuf ans de
guerre en Irak – évalué par une récente
étude américano-canadienne à plus de 500
000 – mais également pour les millions
de morts en plus qui pourraient se
produire compte tenu de la poursuite de
cette destruction du Moyen-Orient. Le
coût en vies d'une nouvelle partition de
la région serait probablement bien pire
que la partition de l'Inde il y a 65
ans.
En Irak, ces
risques se voient clairement. Les
derniers combats ont été déclenchés par
la répression sectaire lancée par le
gouvernement majoritairement Chiite du
Premier ministre Nouri al-Maliki contre
la population majoritairement sunnite de
la province d'Anbar. L'arrestation
violente d'un politicien sunnite
important et la répression sanglante
contre un campement de protestation en
place depuis un an à Ramadi a abouti au
début de l'année à la prise de contrôle
de Fallouja et Ramadi par les milices
sunnites. Les confrontations armées
entre les milices et l'armée irakienne
se poursuivent.
Parmi les
combattants, il y a l'EIIL (État
islamique d'Irak et du Levant) lié à Al
Qaïda, qui a a été l'un des principaux
éléments de la guerre par procuration de
l'Occident pour faire tomber le
gouvernement du président Bashar el-Assad
de l’autre côté de la frontières, en
Syrie.
Ce conflit sectaire
ne relève pas, quoi qu'en disent les
médias, d'une querelle de longue date
entre sunnites et chiites. Il a été
déclenché et alimenté par l'intervention
américaine, qui cherchait à exploiter
les questions sectaires dans le cadre
d'une stratégie consistant à diviser
pour mieux régner. Cette politique
criminelle a trouvé son expression dans
les opérations de nettoyage ethnique
menées sous le couvert de l'afflux
massif de renforts (surge) de
2007-2008. Le gouvernement Maliki a été
mis en place sous l'occupation
américaine, pendant que l'armée
irakienne était transformée, passant
d'une armée de conscrits qui trouvait
ses effectifs dans toutes les sections
de la société à une force armée
s'appuyant sur les milices sectaires des
différents partis chiites.
Quant à Al Qaïda,
il n'existait pas en Irak avant
l'invasion américaine. Maintenant il a
été grandement renforcé par la guerre en
Syrie soutenue par les Américains et
l'afflux d'argent et d'armes envoyé aux
soi-disant « rebelles » par Washington
et ses alliés dans la région.
Alors même que le
conflit entre le gouvernement chiite et
les sunnites se développe dans la
province d’Anbar, une nouvelle
confrontation potentiellement plus
meurtrière encore se prépare entre le
Gouvernement régional kurde (KRG) au
Nord de l'Irak qui bénéficie d'une
autonomie partielle, et le régime de
Baghdad au sujet des ventes unilatérales
de pétrole du KRG, qui seront livrées à
l'étranger par l'oléoduc trans-Turquie.
Cette décision, dénoncée par le
gouvernement Maliki qui la considère
comme illégale, est considérée comme un
pas de plus vers l'indépendance du KRG,
une partition qui impliquerait
certainement une âpre lutte pour la
ville pétrolière de Kirkouk.
La réaction de
Washington à l’emballement de cette
crise est de jeter de l'huile sur le feu
avec un cynisme à couper le souffle.
Presque en même temps, le gouvernement
Obama a annoncé qu'il envoyait des
cargaisons de missiles Hellfire et
d’autres armes au régime Maliki –
censément pour exterminer les éléments
liés à Al Qaïda en Irak – et sa décision
de reprendre l'aide directe aux «
rebelles » en Syrie, y compris ce qu’on
promeut comme une faction plus « modérée
» d'Al Qaïda. Cette seconde décision
fait suite à une série de batailles
entre ces factions et l'EIIL.
Le caractère
cynique et criminel de la politique
américaine a été résumé dans un
éditorial du New York Times lundi
qui reconnaît qu’il y a : « un risque
que l'aide américaine se retourne contre
nous comme c'est arrivé dans les années
1980, quand le soutien aux
moudjahiddines qui se battaient contre
l'Union soviétique a contribué à créer
le terreau fertile des mouvements
terroristes des années plus tard », puis
ajoute « Mais le risque peut en valoir
le coût. »
À l'approche du
100e anniversaire de la première Guerre
mondiale, il devient de plus en plus
clair que le système étatique fondé sur
la division de la région par les
vieilles puissances coloniales, la
France et la Grande-Bretagne, dans
l'accord Sykes-Picot de 1916, est éclaté
par les nouvelles interventions
impérialistes et par l'impact de la
crise capitaliste mondiale sur les
nations opprimées du monde Arabe.
Cette évolution
menace d'engloutir toute la région dans
un bain de sang sectaire et de servir de
déclencheur à une nouvelle conflagration
mondiale.
Ces menaces ne
peuvent être écartées que par la classe
ouvrière internationale mobilisant sa
force indépendante dans une lutte unie
contre le capitalisme. Pour les
travailleurs du Moyen-Orient, cela exige
la construction d'un nouveau mouvement
socialiste qui lutte pour unir la classe
ouvrière à travers toutes les frontières
nationales et sectaires dans une lutte
commune pour établir les états
socialistes unis du Moyen-Orient. La
tâche qui se pose aux travailleurs des
États-Unis et d'Europe est la
construction d'un mouvement anti-guerre
socialiste de masse qui se consacre à
mettre un terme à la source des guerres
et du militarisme, le système
capitaliste de profit.
(Article original
paru le 14 janvier 2014)
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Publié le 15 janvier 2014 avec
l'aimable autorisation du WSWS
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