Syrie
Alep : entre trêve humanitaire et
troisième guerre mondiale ?
Antoine Charpentier
© Antoine-Noura
Charpentier
Mercredi 2 novembre 2016
Une énième trêve humanitaire a
lieu à Alep où l’Etat syrien, comme
stipulé dans l’accord, a ouvert deux
passages afin que la population civile,
notamment les plus vulnérables comme les
blessés, les enfants et les personnes
âgées, puissent sortir vers l’ouest
d’Alep. Quant aux combattants, l’Etat
syrien a laissé le choix à ceux qui le
souhaitent de rendre les armes en
rejoignant les postes de l’armée,
bénéficiant de l’amnistie présidentielle
toujours en cours, ou partir vers une
destination de leur choix comme l’a déjà
évoqué M. Staffan de Mistoura [1], qui a
proposé dans un élan de générosité de
les accompagner personnellement. L’Etat
syrien a encore une fois donné une
preuve de son respect des décisions
prises par la communauté internationale.
L’Etat syrien
a encore une fois prouvé sa bonne
volonté, ainsi que son souhait d’avoir
une solution politique afin de mettre un
terme à la guerre qui se déroule sur son
sol. Il a accepté une nouvelle trêve
malgré les événements passés à Deir
Es-Zor lors du dernier cessez-le-feu. La
Russie a fait pression sur son allié
syrien à la demande des Français et des
Allemands pour prolonger la trêve. Ce
que l’Etat syrien s’est employé à faire.
Les
mercenaires de l’est d’Alep n’ont pas
trouvé mieux que d’empêcher les civils
de quitter les lieux par les
bombardements des passages ouverts par
l’armée syrienne, laquelle a gardé son
sang-froid, et s’est retirée vers
l’arrière sans riposter. Les snipers
sont également entrés en action afin
d’empêcher les civils de faire mouvement
vers l’ouest d’Alep. Certains voient
dans le comportement des groupuscules
armés, ainsi que dans l’escalade verbale
de leurs sponsors, un certain désarroi
mais leur attitude révèle surtout une
volonté de persister dans la logique de
guerre.
Les
Etats-Unis et leurs alliés disent avoir
de l’influence sur les combattants de
l’est d’Alep, mais ils ne montrent
aucune bonne volonté pour trouver une
quelconque solution politique. En même
temps, ils ne cessent pas d’exiger des
trêves humanitaires. Toutefois, la
question qui mérite d’être posée est la
suivante : le terme humanitaire concerne
vraiment les civils, ou les
combattants ? Le but est-il de trouver
une solution politique ? Ou de trouver
des issues pour les combattants de l’est
d’Alep, en ralentissant l’avancée de
l’armée syrienne et de ses alliés ?
Pourquoi les trêves échouent aussitôt
qu’elles sont instaurées ?
Les données
du terrain démontrent qu’à chaque fois
que l’armée syrienne est sur le point de
remporter une bataille, les adversaires
de la Syrie se précipitent pour
instaurer un cessez-le-feu ainsi qu’une
trêve humanitaire, trouvant en parallèle
les moyens pour faire échouer le
processus.
Une
éventuelle sortie d’Al-Nosra de l’est
d’Alep ne signifie guère la fin de la
guerre en Syrie. Ses ennemis mèneront
encore et toujours une guerre par
procuration. L’intérêt de sortir les
combattants d’Al-Nosra de l’est d’Alep,
ou encore de laisser Daech se replier
sur l’est de la Syrie suite à sa
débandade de Mossoul, est-il une
stratégie afin de disséminer les
combattants ailleurs sur le territoire
syrien ?
Mais où est
la coalition internationale dont nous
avons tant entendu parler face au repli
de Daech sur l’est de la Syrie ?
Pourquoi ne frappe-t-elle pas les
convois de Daech afin d’être en cohésion
avec les discours de ses dirigeants qui
souhaitent de toutes leurs forces
éradiquer le terrorisme ?
En parallèle
de ces faits, les Américains menacent la
Russie d’un éventuel affrontement direct
au risque d’une troisième guerre
mondiale. Il convient de préciser que la
guerre du bloc Occidental contre la
Russie a déjà commencé depuis longtemps,
et dans plusieurs domaines. À titre
d’exemples : les sanctions économiques,
les péripéties des Jeux Olympiques et
actuellement la volonté de l’Union
Européenne d’interdire les médias russes
en Europe, sans oublier le problème
ukrainien. Le complexe de supériorité
exagéré d’une partie de l’establishment
américain pousserait-il le monde au bord
du brasier ?
Enfin, le
conflit syrien demeurera une guerre par
procuration en raison de l’incapacité
des Etats-Unis à intervenir directement
en Syrie. Sans négliger le fait que dans
un scénario de frappe directe des
Etats-Unis en Syrie, certains de ses
alliés au Moyen-Orient pourraient
constituer une carte de pression très
importante.
Sauver
l’hégémonie américaine primerait-il sur
la vie de milliers et de milliers
d’innocents, dont le peuple américain
fait partie ?
Antoine
Charpentier
[1]
Face à l’avancée de
l’armée syrienne arabe à Alep,
et dans un excès de désespoir,
M. de Mistura a proposé un
accompagnement personnel pour
900 combattants d’Al-Nosra sur 4
000 enfermés dans les quartiers
d’Alep-est, afin de les sortir
vers les destinations de leurs
choix. Mais qui sont ces 900
combattants ? Et que vont
devenir les autres combattants
qui resteraient à Alep ?
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