Opinion
La contamination
des bases étasuniennes en Italie
Andrea Palladino
La base
d'Aviano
Dimanche 17 novembre 2013
Métaux lourds, pesticides, Pcb : ce sont
les déchets des bases étasuniennes d’Aviano,
Livourne, Naples, Sigonella et Vicenza,
écoulés en Italie aux bons soins de
sociétés italiennes. Un dossier du
Pentagone.
Tous les camions indiqués par Carmine
Schiavone[1]
ne suffiraient pas à contenir la
montagne de poisons que produisent
chaque année les bases étasuniennes en
Italie. C’est l’autre face – tenue comme
il se doit réservée- de la présence
militaire d’outre-atlantique. Pendant
que le Département d’Etat pour la
défense dépense trente millions de
dollars en études pour surveiller la
santé des militaires et de leurs
familles basées à Naples, en élaborant
le dossier de 2010 qu’a republié hier
L’Espresso, le service de logistique
de l’armée étasunienne cherche la
meilleure façon d’écouler les matériaux
classifiés en « hazardous waste ».
Restes d’hydrocarbures, solvants, vernis
en tous genres, substances chimiques
résiduelles dans la gestion des
munitions : ce qui sort d’une base
militaire pourrait faire le bonheur des
meilleurs brokers de déchets.
Difficile de mettre le nez dans
la chaîne de la logistique des casernes
USA. Pour le faire nous devons entrer
par la porte de service. Dans un
document du 6 octobre 2010 signé par la Defence Logistics
Agency que il manifesto a
consulté, est rapporté le chapitre
d’appel d’offres pour la « gestion, la
charge et décharge, le déplacement, le
transport, le stockage et l’écoulement »
des substances dangereuses des
installations étasuniennes en Italie.
Cinq villes sont concernées : Aviano,
Livourne (base Camp Darby), Naples,
Sigonella et Vicence (base Dal Molin).
Dans une pièce jointe en marge se trouve
le détail des substances produites à
écouler : plus de dix tonnes de
batteries hors d’usage en tous genres,
des centaines de kilos d’acides
inorganiques, ammoniaque, agents
décontaminations, solvants (presque deux
tonnes annuelles rien que dans les bases
de Sigonella et Naples), hydrocarbures
aromatiques (les dangereux benzène et
xylène), des métaux lourds comme le
chrome hexavalent, le chrome, le plomb
et le mercure, le Pcb, des pesticides et
herbicides, des lubrifiants, des huiles
usées et autres poisons.
Le long document de 2010 spécifie
dans le détail comment devront être
liquidées les scories dangereuses :
traitement, incinération et décharges.
Tous les types de poisons ont la même
destination : et tous les chemins mènent
en Italie. Il est strictement interdit,
par exemple, de liquider les déchets à
l’intérieur des bases. Et si des
controverses surgissent, quelles
qu’elles soient, ce ne seront pas des
tribunaux italiens qui statueront : le
jugement est réservé à un forum
étasunien spécifique. Question très
délicate qui nous ramène à l’époque des
bateaux des poisons.
C’était
en février 1986. Dans le port de Marina
di Carrara appareille un navire, le
Lynx, chargé de milliers de fûts
toxiques pour le Venezuela (antérieur
à la Constitution
bolivarienne, Ndt). Une année et
demie plus tard ces déchets sont ramenés
en Italie, avec le navire Zanoobia qui
débarque à Gênes. De l’expertise
effectuée à l’arrivée il s’avère que ces
déchets sont estampillés Ministère de la
défense étasunien. Déchets partis de
bases militaires, qui ont utilisé les
mêmes canaux que les entreprises
chimiques italiennes de l’époque, pour
finir –dans l’intention des
liquidateurs- sur les collines d’une
plage vénézuélienne, abandonnés et
incontrôlés. Dans les années qui suivent
le gouvernement italien a attaqué en
justice des producteurs et transporteurs
des fûts, en demandant des dommages sur
les dérivés de ce trafic de poisons :
tous quasiment se sont retrouvés au
tribunal civil ; manquaient cependant à
l’appel les protagonistes étasuniens. Y
avait-il un accord spécifique secret ?
Après la Convention de Bâle sur le trafic transfrontalier
des déchets, les choses ont
partiellement changé. Aujourd’hui la
gestion des déchets dangereux des bases
étasuniennes est confiée à des sociétés
qui travaillent surtout avec les
implantations italiennes et européennes.
Comme la société Ecoservizi de Brescia.
Selon des sources autorisées consultées
par il manifesto, la société a eu
en gestion l’écoulement des déchets
dangereux de la base de Camp Darby,
entre Livourne et Pise, quand elle était
encore contrôlée par des gens de la Compagnia delle
opere (Compagnie des œuvres), le
bras économique (du mouvement
catholique, NdT) de Comunione e
liberazione[2].
Où ces déchets ont-ils fini ?
Ecoservizi s’occupait de
plusieurs décharges pour déchets
dangereux à Brescia. Aujourd’hui un de
ces sites –fermé en 2000- est considéré
comme étant à haut risque et en attente
d’être décontaminé. Qui va payer la
note ?
Difficile à dire, mais on peut
tranquillement exclure les producteurs.
C’est la face encore inconnue des
terres de feu du nord de l’Italie.
Si le rapport sur la qualité des
eaux de Naples reste bien en vue sur le
site de la US
Navy de Naples, il est
difficile –si ce n’est impossible- de
trouver quelque information sur la
filière de l’écoulement des déchets
étasuniens. Et portant il s’agit, comme
nous l’avons vu, de substances
extrêmement dangereuses, qui
demanderaient la plus grande
transparence, à commencer par les noms
des contractors. Comme devrait
être transparente l’information sur
l’impact environnemental de la présence
militaire étasunienne et OTAN dans notre
pays. Thème extrêmement délicat, vu le
type d’armement utilisé (conventionnel
et nucléaire, NdT). A Camp Darby
toujours, les déversements et les
contaminations ne seraient pas une
exception, d’après le Rapport sur l’état
de l’environnement de
la Mairie
de Pise, en 2006. Dans la liste des
sites à décontaminer, la base apparaît
plusieurs fois, avec des signalements de
pertes d’hydrocarbures et des problèmes
à la plateforme pour le stockage des
déchets dangereux.
Inutile de rappeler qu’une
surveillance environnementale
indépendante dans ces installations est
de fait impossible. Certains secrets,
assurément, ne se mettent pas sur le
Net.
Edition de samedi 16 novembre de il
manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20131116/manip2pg/06/manip2pz/348663/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio.
Apostille de la traductrice :
Les défenseurs de l’environnement
dénoncent la pollution produite par les
bases étasuniennes mais ne mettent
généralement pas en question la présence
de ces bases sur le territoire italien.
Suffirait-il donc que les bases soient
propres ?
Le
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