Chroniques de la
Palestine occupée
L'enfer du peuple palestinien
Aline de Diéguez
La bouche de l'Enfer
Sculpture
du XVIe siècle in Jardins de Bomarzo,
province de Viterbe,
cœur de la civilisation étrusque Sur la
lèvre supérieure est inscrit
"Ogni pensiero vola", (Toute
pensée s'envole)
Dimanche 6 novembre 2016
"
Lasciate ogni speranza, voi ch'intrate "
(Vous qui
entrez, abandonnez toute espérance)
Dante,
La divine
comédie, l'Enfer)
Dante
se représentait l'Enfer comme une sorte
d'abîme en forme d'entonnoir sans fond
que Lucifer aurait creusé lors de sa
chute sous la ville de Jérusalem et dans
lequel glissaient les damnés avant de
déboucher dans les salles des tortures
éternelles. Etonnante prémonition de
l'auteur de la Divine comédie
d'avoir situé son enfer en Palestine
et plus précisément, à Jérusalem!
Aujourd'hui, Lucifer a fait surface et
règne en maître au grand jour non
seulement à Jérusalem, mais sur la
Palestine tout entière. Il s'active
frénétiquement à enfourner un peuple
crucifié depuis trois-quarts de siècle
dans l'entonnoir sans fond du désespoir
et de l'annihilation.
C'est
l'histoire de cette tragédie que le
monde regarde d'un oeil vide et morne et
que, courageusement, Chérif Abdedaïm
décrit avec une précision chirurgicale
dans son ouvrage De la mythologie
sioniste à la tragédie palestinienne.
Ecrire
aujourd'hui sur le sort des
Palestiniens, qu'ils soient de
Cisjordanie, de Gaza ou des camps de
l'exil, c'est d'abord essayer de
maîtriser une colère impuissante et une
indignation qui ne peuvent manquer
d'envahir toute personne dotée de sens
moral et de respect de la dignité
humaine. C'est pourquoi il faut admirer
le ton retenu de Chérif Abdedaïm lors de
sa recension sans concessions des étapes
du drame enduré par le peuple
palestinien.
Car la
tragédie a commencé depuis si longtemps
qu'un monde futile a fini par oublier
les funestes exploits quotidiens de
Lucifer, le démon qui met cyniquement la
corde au cou à tout un peuple et cherche
à l'étrangler avant de le précipiter
dans le néant.
Rappelons comment il le terrorise,
l'affame, l'assoiffe, le pilonne,
l'empêche de se soigner, de se déplacer,
martyrise , terrorise, emprisonne sans
jugement et torture même ses enfants
qu'il empêche d'étudier, l'emmure, vole
l'argent de ses impôts, le soumet à
l'arbitraire de colons féroces et armés
ainsi que de policiers brutaux et
sadiques aux checkpoints où il blesse,
humilie et assassine en toute impunité.
Il laisse son armée caillasser les
enfants sur le chemin de l'école et au
besoin, les utilise comme boucliers
humains. Il bombarde centrale électrique
et réserves d'eau potable, déracine les
merveilleux oliviers centenaires, dresse
des murailles au milieu des villages.
Animé d'une rage dévastatrice il réduit
en cendres les vergers et les cultures
d'un peuple colonisé et emprisonné, vole
ses terres, son eau, ses ressources
naturelles, poursuit sa colonisation,
détruit les maisons, empêche les
agriculteurs de travailler, défonce les
routes, ruine les infrastructures, les
récoltes, ravage le port et l'aéroport
de Gaza, bombarde sa plage, les bateaux
de pêche, pilonne même les hôpitaux, les
écoles et les ambulances, laisse le
champ libre à ses snipers assassins,
empoisonne la population de Cisjordanie
à petit feu en se débarrassant de ses
déchets toxiques dans les territoires
palestiniens au mépris de la protection
de l'environnement et des nappes
phréatiques, asperge les maisons des
villages de déjections puantes, invente
chaque jour de nouvelles brimades et de
nouvelles humiliations.
Lucifer, Tableau
de Dali
N'est-ce pas là une description
saisissante de l'Enfer sur la terre? Et
c'est de ce peuple courageux que la
résistance héroïque est qualifiée de "terrorisme"
par les bourreaux et les complices
occidentaux du Lucifer local!
C'est
bien dans le toboggan en forme
d'entonnoir que glisse inexorablement le
peuple palestinien poussé par le Lucifer
sioniste. Jusqu'à quelle profondeur lui
faudra-t-il sombrer dans les abysses de
l'humiliation et de la souffrance avant
que ses pieds se posent sur un sol assez
dur pour lui permettre de rebondir et de
remonter à la lumière?
Mais
aujourd'hui, Lucifer est toujours dans
le dos de sa victime et il s'active,
année après année, à le précipiter
toujours plus profondément dans
l'amertume et le désespoir. S'il fallait
attribuer le prix Nobel du malheur aux
victimes de l'ignominie de leurs
Lucifers respectifs, il serait attribué
conjointement aux nations indiennes
exterminées vicieusement par les troupes
sans honneur, sans foi ni loi des colons
européens fraîchement établis dans le
Nouveau Monde, ainsi qu'au peuple
palestinien en voie de subir un sort
analogue de la part - ô ironie de
l'histoire - d'une armée de colons se
prétendant les descendants des plus
grands persécutés de la planète - et
formant aujourd'hui l'Etat d'Israël.
Or, il
faut bien comprendre que les
comportements cruels et sadiques de
l'Etat sioniste ne sont pas le résultat
d'actes isolés et circonstantiels. Ils
sont voulus, théorisés et planifiés.
C'est ce que démontre avec une rigueur
implacable l'ouvrage de Chérif Abdedaïm.
Après avoir lu De la mythologie
sioniste à la tragédie palestinienne,
personne ne pourra prétendre qu'il ne
savait pas ce qui était en train de se
tramer dans le petit mouchoir de terre
sur lequel une poignée d'immigrants
issus du monde entier revendique, au nom
d'un vieux mythe, la possession du
territoire habité depuis la nuit des
temps par un autre peuple.
Le
parallélisme est saisissant entre ceux
qui se déclarent fièrement une nation "exceptionnelle
et indispensable" et qui ont réussi
le prodige d'exterminer par la ruse, les
pièges et la violence la quasi totalité
des nations indiennes, et ceux qui se
proclament un "peuple élu" et
dont le rêve est d'éliminer aussi
parfaitement la population autochtone du
territoire qui est le sien. Pour ce
faire, tous les moyens sont bons,
sévices, assassinats, déportations. Ah,
s'ils pouvaient expédier tous ces "arabes"
sur la lune!
La
politique actuellement menée en
Palestine et que décrit si justement M.
Abdedaïm démontre que les principes
d'humanité et d'éthique ne sont pas
universels et que seule la fâcheuse
publicité internationale que permettent
les moyens de communication modernes
empêche aujourd'hui les massacres à
moyenne et grande échelle tels qu'ils
furent accomplis dans les années
cinquante à Deir Yassine, Haïfa, Jaffa,
Acre, Oum Al Fahem et AL-Ramla,
Al-Daouayma, Abou Shousha, Qazaza, Jaffa
à plusieurs reprises, Tannoura, Tireh,
Kfar Husseinia, Haïfa encore et encore,
Sarafand, Kolonia, Saris, Biddu, Lod,
Bayt Surik, Sasa, Balad al-Cheikh, hier
Jenine et Gaza tant et tant de fois. La
litanie des villes et villages-martyrs
s'étire, interminable.
C'est
pourquoi Lucifer recourt dorénavant à un
artisanat du crime et de la terreur plus
cachés et donc plus pervers. Nos
droits-de-l'hommistes ne se mobilisent
pas pour les enfants palestiniens
assassinés de sang froid, mais goutte à
goutte et leurs couinements sont
modestes et rapidement réduits au
silence au moment des grands carnages à
Gaza.
Ne pas
oublier ces martyrs est notre devoir et
l'immense mérite de Chérif Abdedaïm est
de démontrer que ces crimes prennent
place dans la stricte logique du
sinistre projet politique sioniste.
Car
l'Etat hébreu, conduit par les
machinistes du sionisme poursuit
inlassablement un seul et unique but:
conquérir mètre carré par mètre carré,
et par tous les moyens, la totalité de
la terre de sa géographie mythique.
L'actuelle guerre de Syrie à laquelle
Israël participe activement en sous-main
fait partie des plans de conquête de
l'Etat sioniste.
L'ouvrage de Chérif Abdedaïm démontre
pas à pas et preuves à l'appui, que le
projet d'extermination sournoise du
peuple palestinien a été poursuivi avec
une farouche détermination par tous les
gouvernements sionistes qui se sont
succédé depuis que l'existence d'Israël
a été acceptée par l'ONU, et même avant
cette reconnaissance de fait, lorsque
les groupes terroristes sionistes -
Irgoun, Lehi, Ha Sommer, Haganah - se
sont heurtés au mandat anglais et
massacraient à la fois des Anglais et
des Palestiniens.
Dans
la longue et très importante citation
d'une déclaration de l'un des principaux
théoriciens du sionisme, Vladimir
Jabotinski, une phrase résume
parfaitement ce projet : "Toute
colonisation, même la plus réduite, doit
se poursuivre au mépris de la volonté de
la population indigène. Et donc, elle ne
peut se poursuivre et se développer qu'à
l'abri du bouclier de la force, ce qui
veut dire un Mur d'acier que la
population locale ne pourra jamais
briser. Telle est notre politique arabe.
(…). La force doit jouer son rôle -
brutalement et sans indulgence (…) et
cela jusqu'à ce qu'il ne reste aucun
espoir, jusqu'à ce que nous ayons
supprimé toute ouverture visible dans le
Mur d'acier."
Voilà
exprimé noir sur blanc le mode d'emploi
du projet luciférien.
Tous
les gouvernements sionistes ont collé à
la lettre à ce plan. Les interminables
négociations et autres accords, de camp
David, d'Oslo ou d'ailleurs, n'étaient
que poudre aux yeux et avaient d'autant
moins pour finalité d'être mis en œuvre
honnêtement que les exactions du pouvoir
sioniste jouissent depuis les origines
d'une impunité absolue de la part de son
protecteur d'Outre-Altlantique. En
témoignent plus de soixante vetos
opposés par les USA aux résolutions de
l'ONU qui condamnaient l'Etat sioniste.
Mais
on ne peut cacher que le plan du Mur
d'acier n'a pu se concrétiser que grâce
à la complicité et à la collaboration
tantôt tacite, tantôt officielle des
dirigeants des ghettos palestiniens
eux-mêmes, ces "Présidents" d'opérette
trop heureux de bénéficier pour
eux-mêmes et pour leurs proches des
miettes de pouvoir et de richesses que
l'occupant dédaigneux leur jette de
temps en temps, en échange de leur
soumission et de la création d'une
milice chargée d'espionner, de réprimer,
d'arrêter et même de torturer les
résistants.
Lucifer en rit encore.
Grâce
à l'ouvrage de Chérif Abdedaïm nous
pouvons suivre pas à pas la progression
de la mise en œuvre du sinistre plan
d'élimination du peuple palestinien. La
lucidité et la rigueur de son auteur
auront rendu un immense service à la
cause de la Palestine et surtout à la
cause de la vérité.
Malgré
le Mur d'acier, malgré les trahisons
viendra un jour où Lucifer rendra les
armes.
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