Opinion
Le voyage en Israël des orphelins de
Gaza :
un coup de pub soutenu par le
gouvernement
Ali Abunimah
Les images
d'orphelins palestiniens en visite dans
un zoo de Tel-Aviv peuvent-elles effacer
le souvenir des enfants dont Israël a
versé le sang à Gaza ?
(Ezz
al-Zanoun / APA images)
Mardi 30 décembre 2014
Une initiative israélienne visant à
tirer parti d'un groupe d'orphelins
palestiniens de Gaza pour atténuer
l'image entachée de sang d'Israël s'est
soldée par un couac ce dimanche, lorsque
le Hamas, le mouvement palestinien de
résistance politique et militaire, y a
mis un terme.
Ce dimanche, un groupe d'enfants dont
les parents ont été tués lors de
l'agression israélienne contre Gaza
l'été dernier et plusieurs de leurs
accompagnateurs adultes étaient sur le
point de franchir le carrefour d'Erez
vers Israël afin d'être accueillis par
des officiels israéliens et tout un
grand déploiement médiatique.
Mais les responsables du Hamas ont mis
le holà à la visite. D'après une
déclaration postée sur Facebook par le
ministre de l'Intérieur à Gaza, les
services de sécurité ont empêché «
37 enfants de se rendre dans les
territoires occupés en 1948 [en Israël]
pour une visite douteuse de plusieurs
colonies et villes occupées ». La
déclaration ajoutait que cette mesure
était destinée « à sauvegarder la
culture de nos enfants et de notre
peuple et à les protéger de la politique
de normalisation ».
Mais il apparaît que ce n'étaient pas
les enfants que l'on ciblait – en fait,
ils n'étaient que des accessoires.
Cette visite était une trouvaille
d'un agent israélien profondément
impliqué dans les colonies situées en
Cisjordanie occupée et qui travaille en
collaboration étroite avec les
gouvernement israélien.
Elle impliquait des homologues
palestiniens en Israël ayant des liens
avec le parti Likoud au pouvoir et
l'establishment politique sioniste.
Il est peu probable que l'organisation
non gouvernementale à Gaza qui a aidé à
coordonner la visite ait été au courant
de ces faits quand elle a confirmé sa
participation.
Une
propagande sans prix
Il était prévu que les enfants
visitent la ville palestinienne de
Kafr Qasim et la ville de Rahat,
où l'on a forcé les Bédouins à se
réinstaller. Ils devaient également être
reçus à Ramallah par le chef de facto de
l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Mais la visite, longue d'une semaine,
aurait également fourni à Israël
d'inestimables opportunités de faire des
photos d'enfants de Gaza heureux et
souriants lors de leur passage au zoo
situé dans le quartier de Ramat Gan, un
faubourg de Tel-Aviv, ainsi que dans
plusieurs colonies israéliennes.
Cette propagande aurait fourni un
contrepoint de poids aux images
indélébiles de l'été dernier montrant
nombre des cinq cents et quelques
enfants tués et des milliers d'autres
blessés et terrorisés par l'agression
israélienne.
Les médias et les responsables des
relations publiques en Israël, ainsi que
les médias internationaux qui leur sont
favorables, y compris la BBC et AP, ont
présenté l'intervention du Hamas comme
une tentative d'empêcher d'infortunés
orphelins de participer à ce que Reuters
a qualifié de « visite d'une rare
bienveillance à l’État juif ».
L'exploitation des orphelins
Bien des commentateurs des médias
sociaux ont fait remarquer que des
défenseurs d'Israël absolument partisans
du siège de Gaza et des restrictions qui
empêchent habituellement les étudiants
palestiniens, les patients médicaux et
les proches des prisonniers de franchir
le carrefour d'Erez, s'étaient
brusquement indignés du fait que ce
groupe particulier d'enfants a été
retenu.
Marian Houk, un journaliste en poste
pour l'instant à Ramallah, a déclaré
qu'il était « malaisé de comprendre
» la décision d'Israël de permettre aux
orphelins d'aller « rendre visite à
des kibboutzim, à un zoo » et à
Mahmoud Abbas, alors que, tout
récemment, Israël « avait refusé à
un homme de Gaza de pouvoir se rendre en
Cisjordanie pour une visite à son fils
mourant de 18 mois, et qu'il lui avait
ensuite refusé de pouvoir assister aux
funérailles ».
L'histoire du refus d'Israël d'autoriser
Bakr Hafi a rendre visite à son jeune
fils, Emir, décédé le 14 décembre, a été
reprise par Haaretz.
Rami Almeghari (The Electronic
Intifada) a rapporté l'an dernier
le cas d'Amal Samouni, une fillette de
douze ans qui avait des éclats d'obus
dans la tête suite à l'agression
israélienne contre Gaza en 2009, et qui
s'était vu interdire le passage à Erez
pour aller se faire soigner en
Cisjordanie.
Il n'est pas surprenant que l'annonce de
la visite ait provoqué de vives
protestations de la part des
Palestiniens dans les médias sociaux.
Refaat Alareer, écrivain palestinien et
éducateur à Gaza, a tweeté ceci : «
Je refuserais catégoriquement à ma
nièce, dont le père a été tué par
Israël, d'aller se faire laver le
cerveau par des libéraux israéliens.
»
En juillet, Alareer a rédigé un hommage
émouvant à son frère Mohammed, qui
interprétait un personnage adoré des
enfants à la télévision palestinienne et
qui avait été tué dans les bombardements
aveugles d'Israël sur le quartier de
Shujaiya, à Gaza City.
« Israël est tellement vulgaire et
méprisable qu'il a assassiné le père de
ma nièce Raneem et que, maintenant, il
veut utiliser des enfants comme elle
pour sa propagande », avait ajouté
Alareer.
Sur Twitter
« Regarde, mon garçon, c'est
l'endroit où se trouvait l'artillerie
israélienne quand elle a bombardé ta
maison. Génial, non ? Aime-nous ! C'est
nous qui avons tué tes parents », a
posté @Animer, un usager de Twitter, en
imaginant un échange entre l'un des
orphelins et ses hôtes israéliens.
Un promoteur
des colonies derrière la visite
Les médias ont identifié
l'organisateur de l'initiative : Yoel
Marshak, un responsable du Mouvement des
kibboutzim. Les kibboutzim sont des
colonies communautaires sionistes dont
l'influence et la popularité ont été
très grandes au milieu du vingtième
siècle.
Bien qu'ils aient repris beaucoup de
terres aux Palestiniens victimes du
nettoyage ethnique de 1948 – qui a donné
lieu à des atrocités auxquelles de
nombreux membres des kibboutzim avaient
participé –, les kibboutzim ont
longtemps bénéficié d'une image
progressiste, voire socialiste, en
Occident en raison de leur idéologie
collectiviste. Cette image a été
utilisée des années durant pour faire
passer efficacement le sionisme parmi un
public international pauvrement informé
ou crédule.
Reuters qualifie Marshak d'«
activiste pacifiste », mais une
description plus adéquate pourrait en
faire un « activiste du vol de
terres ». Lui-même est un agent qui
encourage les implantations juives en
Cisjordanie occupée au nom du
gouvernement israélien.
Marshak présente l'accueil des orphelins
comme étant absolument désintéressé.
« Nous avons organisé la chose afin de
planter des semences de paix »,
expliquait-il dans le journal en anglais
Times of Israel.
« Dans quelques années, lorsque ces
enfants deviendront les dirigeants de la
bande de Gaza, ils se souviendront
encore de cette expérience positive et
ils sauront qu'ils peuvent vivre en
paix, une nation à côté d'une autre.
Nous ne devons pas combattre et tuer,
nous pouvons également accueillir dans
nos bras et tendre la main en guise
d'amitié. »
Marshak a expliqué sur le site en arabe
Lakom que cette visite était « la
moindre des choses que nous puissions
offrir à ces orphelins dont les familles
ont été tuées par notre armée ».
Il a également nié toute connotation
politique dans cette visite.
« Faire de cela un acte politique à
l'approche des élections israéliennes
[en mars], ce serait exploiter la
douleur de ces orphelins »,
déclarait encore Marshak dans le
Times of Israel.
Soutenu par
le ministère de la Défense
Mais, dans les médias en hébreu,
Marshak est plus franc à propos de la
valeur propagandiste des enfants pour la
réputation entachée de sang d'Israël.
« Il n'y a que des bénéficiaires, dans
cette visite : les enfants innocents,
qui sont délivrés pendant une semaine de
l'enfermement et du stress et qui
reçoivent quelques jours de vacances et
un voyage, et l’État d'Israël, à qui
échoit l'occasion de montrer aux enfants
contre qui et quoi leurs parents
combattaient, et qui ainsi va marquer
des points dans l'opinion mondiale qui
lui est hostile », a déclaré
Marshak dans la publication israélienne
Ynet.
« Le voyage était censé présenter
une image positive d'Israël », a
également rapporté Haaretz,
citant Marshak.
Quand on lui demande « Pour le
compte de qui travaillez-vous ? »,
Marshak dit clairement qu'il ne
s'agissait pas d'une initiative
individuelle, mais qu'elle avait le
soutien de l’État à un niveau supérieur.
« Il importe de dire que j'agis – et ici
j'insiste – en tant qu'agent du
Mouvement des kibboutzim et en tant que
volontaire », a-t-il déclaré sur
Ynet. « Et, qui plus est, je
n'agis pas seul. Parmi les gens qui
travaillent avec moi en pleine
coopération et avec engagement, il y a
l'équipe régionale du sud, et des gens
des ministères de l'Intégration, de
l’Éducation et de la Défense, et il y a
également un important soutien massif de
la part du secrétaire du Mouvement des
kibboutzim, Eitan Broshi. »
Aucun Palestinien ne peut passer par
Erez sans l'autorisation des services de
renseignement israéliens, de sorte que
le seul et simple fait que la visite a
été approuvée confirme l'intérêt et
l'engagement au niveau officiel.
« Le Shin Bet [service de sécurité]
a donné le feu vert aux enfants et à
leurs cinq accompagnateurs pour qu'ils
entrent en Israël », a déclaré
Marshak à l'AFP.
Interdire
les visites des mères
Marshak n'a pas toujours été partisan
des contacts humanitaires et du passage
des frontières imposées par Israël.
En 2010, il était l'un des organisateurs
d'une action destinée à empêcher des
prisonniers palestiniens de recevoir des
visites de leurs proches.
« Jeudi, les participants à la
campagne de libération du soldat
israélien capturé Gilad Shalit ont
bloqué l'entrée de la prison de Hadarim,
près de Netanya, dans une tentative
d'empêcher les mères des détenus
palestiniens de rendre visite à leurs
fils », avait rapporté Haaretz
à l'époque.
Marshak n'avait éprouvé aucune gêne à
défendre cette punition collective
vindicative dans le but d'atteindre ses
objectifs. « Nous voulons enclencher
le processus et éviter une situation
dans laquelle les pourparlers
s'enliseraient et nous perdrions ainsi
Gilad », avait dit Marshak au
journal, faisant allusion au soldat
d'occupation capturé par les combattants
de la résistance palestinienne de Gaza
en 2006 et relâché lors de l'échange de
prisonniers d'octobre 2011.
Contribution
au vol de terres palestiniennes
Les affirmations de Marshak à propos
du soutien au niveau supérieur sont
parfaitement crédibles. En 2010,
Haaretz rapportait que Marshak
dirigeait une task-force du Mouvement
des kibboutzim, dont l'objectif
consistait à encourager les soldats
israéliens démobilisés à rallier les
colonies en Cisjordanie occupée, et en
particulier dans la vallée du Jourdain,
dont la population palestinienne
autochtone a été presque entièrement
expulsée par les colons.
Marshak a déclaré à Haaretz
que, des années plus tard, son unité
« avait lancé un projet visant à
installer des membres des kibboutzim
dans les installations militaires
évacuées à proximité de Yitav, un
kibboutz situé au nord de Jéricho, en
coopération avec le cabinet du Premier
ministre ».
Le but, avait dit Marshak, « était
de garder les terres d’État » -
prises aux Palestiniens - « dans des
mains juives et d'assurer la sécurité
des personnes envoyées là-bas par l’État
et par le Mouvement des kibboutzim ».
L'an dernier, Marshak a vivement défendu
la colonisation israélienne en
Cisjordanie occupée, déclarant que même
s'il y avait une solution à deux États,
il n'en résulterait pas par l'abandon
des colonies qu'il avait contribué à
renforcer.
« Je ne conçois pas la moindre situation
dans laquelle ils évacueraient des
centaines de milliers de résidents de
leurs foyers », avait déclaré
Marshak dans la publication israélienne
Arutz Sheva.
Des
partenaires palestiniens en Israël
Parmi ceux qui attendaient les
orphelins du côté israélien du carrefour
d'Erez, figurait Malik Freij, un citoyen
palestinien d'Israël, directeur d'«
Une Bougie pour la paix et la fraternité
», une organisation non gouvernementale
installée dans la ville de Kafr Qasim.
Sur cette
capture d'écran de i24 News (Israël), on
voit Malik Freij, directeur d'« Une
Bougie pour la paix et la fraternité »,
s'adressant à des journalistes au
passage d'Erez.
À Erez, Freij posait devant une
banderole, accrochée au car israélien
censé accueillir les enfants, et portant
le nom de son organisation en arabe et
en hébreu.
En arabe uniquement, la banderole dit :
« Les orphelins de Gaza... nos
enfants » et, pour ajouter
l'insulte à l'injure : « Rompre le
siège de Gaza ».
Freij a été cité dans de
nombreux rapports de médias, se
plaignant de ce que le Hamas ait bloqué
les orphelins et affirmant que
l'initiative était essentiellement
humanitaire.
« Il y avait un projet, il a été
approuvé par les autorités de Gaza et il
a été approuvé par les organisations
caritatives [de Gaza], », a
prétendu Freij dans une interview
accordée à la chaîne de télévision
israélienne i24 News.
« Mais, malheureusement, il y a des
médias, ici. On voudrait dire qu'Israël
a voulu utiliser les enfants, qu’Israël
a tué leurs parents et qu'il veut se
servir des enfants. C'est une erreur »,
a ajouté Freij.
Freij a raconté aux médias que son
organisations avait envoyé des camions
entiers d'aide à Gaza lors de
l'agression israélienne de l'été dernier
et que, précédemment, il avait déjà
accueilli un nombre similaire
d'orphelins.
Il s'est toutefois montré moins bavard à
propos de ses liens et de ceux de son
organisation avec les partis sionistes
au pouvoir et l'establishment en Israël.
Selon ses documents officiels
d'enregistrement en Israël,
l'organisation « Une Bougie pour la
paix et la fraternité » a été
fondée par Freij, Yishai Zandani, Jaafar
Khaled Abdul, Said Sarsour, Shawqi
Sarsour, Amin Issa et Atif Qrinawi.
Il s'avère qu'aucun rapport financier
n'a jamais été disponible depuis sa
fondation, en 2002.
Des liens
avec le Likoud
Mais ce qui est remarquable, ce sont
les liens que plusieurs fondateurs d'«
Une Bougie pour la paix et la
fraternité » ont avec le
Likoud, le parti au pouvoir du
Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Des recherches sur internet permettent
d'établir que Yishai Zandani est un
activiste, modeste toutefois, du parti
Likoud. Par contre, Atif Qrinawi, lui, a
montré des ambitions bien plus grandes.
Qrinawi est un ancien membre du Likoud
et il était soixante-septième sur la
liste des candidats du parti aux
élections de 2006.
Lors des élections de 2013 en Israël,
Qrinawi se présentait à la tête de son
propre parti, « Espoir de changement
».
Dans une interview accordée à
Reuters, Qrinawi avait prédit qu'il
allait gagner dix des 120 sièges au
Parlement israélien et balayer ainsi les
traditionnels partis arabes (son parti
ne remporta aucun siège, en fait). Il
avait même proposé de constituer un
pacte électoral « sans précédent
» avec le Likoud, pacte qui leur
aurait valu le ralliement du public
arabe.
Quand on lui avait demandé s'il était
prêt à rallier un gouvernement dirigé
par Netanyahu et son allié politique
clé, Avigdor Lieberman, particulièrement
connu pour son racisme anti-arabe,
Qrinawi avait répondu : « Je suis
prêt à siéger dans n'importe quelle
coalition. »
Le « bon
Arabe »
Le directeur d'« Une Bougie pour
la paix et la fraternité », Malik
Freij, s'est profilé moins ouvertement
sur le plan politique, bien qu'il y ait
de nombreuses preuves qu'il recherche
les bonnes grâces de l'establishment
israélien.
En 2010, Freij faisait partie d'une
délégation – en compagnie de Marshak –
qui prévoyait de se rendre à Gaza afin
de plaider en faveur de la libération du
prisonnier de guerre israélien Gilad
Shalit. Le projet avait été annulé.
Almakan, un site internet qui témoigne
souvent sa sympathie à l'égard de Freij,
a révélé qu'en 2012, l'homme avait rendu
visite, en privé, à Shaul Mofaz,
dirigeant du parti israélien Kadima.
Le but de la visite, selon Almakan,
était de « féliciter [Mofaz] de sa
décision courageuse de rallier le
gouvernement de coalition dirigé par le
Likoud ».
Mofaz, chef d'état-major de l'armée
israélienne lors de la deuxième Intifada
et, plus tard, ministre de la Défense,
est particulièrement connu des
Palestiniens pour avoir soutenu et
appliqué une violence extrême qui allait
coûter des milliers de vies
palestiniennes. Depuis 2002, les
victimes de Mofaz cherchent, sans
succès, à le traîner devant la justice
pour crimes de guerre.
Dans une veine similaire, en 2009, Freij
a adressé à Marshak un courriel dans
lequel il se présentait et lui adressait
des félicitations on ne peut plus
serviles du fait que le colon activiste
allait assumer des fonctions plus
élevées au sein du Mouvement des
Kibboutzim.
En cherchant le contact avec des gens
comme Mofaz et Marshak et en les
flattant, il s'avère que Freij endosse
volontairement un rôle particulièrement
encouragé par Israël depuis les années
1950, à savoir celui du « bon Arabe
» qui accepte une position
subalterne au sein de l'ordre en vigueur
et qui est prêt à poursuivre sa route en
compagnie de l’État sioniste. En retour,
il peut acquérir une parcelle de statut
et de condescendance qu'il peut faire
valoir auprès d'autres Arabes
obéissants.
Freij apparaît dans de nombreuses vidéos
de YouTube où il fait la promotion de
ses diverses tentatives. Dans une vidéo
datée de 2011 video, par exemple, il se
vante de la façon dont, via ses appels
adressés au ministre israélien de la
Défense, il est parvenu à obtenir pour
une femme palestinienne de Cisjordanie
la permission d'entrer en Israël pour y
épouser son fiancé.
Dans cette vidéo, il prétend que des
citoyens palestiniens d'Israël
s'adressent à lui de partout dans le
pays pour ce genre d'aide et, dans la
même vidéo, il dénonce vertement l'échec
supposé des partis politiques arabes
existants.
Freij n'a pas répondu à une adresse mail
trouvée à son nom en ligne, pas plus
qu'il n'y a eu de réponse à un numéro de
téléphone attribué à son nom. Il n'a pas
été possible non plus d'obtenir des
informations de contact sur le plan
organisationnel, pour « Une Bougie
pour la paix et la fraternité ».
Un homologue
à Gaza
En se servant de son organisation en
tant que façade de l'initiative
concernant les orphelins, il s'avère que
Freij a rendu un autre service à
l'establishment israélien, mais le plan
nécessitait encore une association
équivalente à Gaza.
Le partenaire de la visite prévue était
Yaboos Charitable Society, une
institution palestinienne de services
sociaux installée dans la ville de
Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Yaboos a fermement démenti que son
implication dans la visite des orphelins
ait eu le moindre objectif de «
normalisation » ni quelque but
politique que ce soit. Khalid Abu al-Aramneh,
directeur de la programmation et de la
communication de Yaboos, a déclaré à
l'agence de presse Ma’an News
que son organisation avait reçu une
invitation de « Bougies pour la paix
et la fraternité', une «
organisation palestinienne de Kafr Qasim
», afin de sponsoriser un certain nombre
d'orphelins lors d'un séjour récréatif à
Kafr Qasim, Umm al-Fahm et Rahat – des
villes à majorité palestinienne dans
l'Israël d'aujourd'hui.
Le simple nom de Kafr Qasim devait
présenter une forte connotation
palestinienne : tous les Palestiniens
savent que cet endroit a été le site du
fameux massacre de 1956, durant lequel
les forces israéliennes avaient tué des
dizaines de villageois désarmés.
Al-Aramneh a déclaré qu'il n'y avait
jamais eu d'intention de visiter des
colonies israéliennes ou de renforcer
des liens avec Israël, comme l'avaient
prétendu les médias israéliens. Il a
ajouté que, sur base de l'invitation,
son groupe avait établi une coordination
avec les « autorités concernées
» à Gaza – il s'agit presque
certainement ici d'une allusion au Hamas
– afin de prendre des dispositions pour
le voyage des enfants que Yaboos avait
désignés.
Al-Aramneh a déclaré qu'au moment où le
car transportant les enfants était
arrivé dans la partie gazaouie du
carrefour d'Erez et où les médias
israéliens avaient commencé à dire que
les enfants allaient visiter des
colonies israéliennes, le comité
directorial de son organisation avait
décidé, « après plusieurs
discussions », d'annuler le voyage,
du fait que les « services de
sécurité au carrefour avaient conforté
leur position en leur conseillant de ne
pas laisser se poursuivre le voyage ».
Lettre de
Yaboos Charitable Society à Gaza
répondant à l'invitation d'« Une Bougie
pour la paix et la fraternité » à une
visite d'enfants à Kafr Qasim.
Un peu plus tôt, en décembre, le site
internet en langue arabe installé en
Israël, Lakom a publié la photo d'une
lettre du comité directorial de Yaboos
accueillant favorablement l'invitation
d'« Une Bougie pour la paix et la
fraternité » et adressant les
salutations des citoyens de Gaza à leurs
homologues de Kafr Qasim.
Bien que le texte soit difficilement
lisible en raison de la mauvaise qualité
de l'image, la lettre de décembre
s'adresse effectivement à « Une
Bougie pour la paix et la fraternité »
et aux habitants de Kafr Qasim en
tant qu'amis palestiniens liés par «
le sang des martyrs et le sol de la
nation ».
La lettre dit spécifiquement que les
enfants orphelins visiteraient « le
village de Kafr Qasim » et il n'est
fait mention d'aucune autre destination.
Il n'y est fait aucune référence – et
l'auteur de la lettre ne laisse pas
transparaître une éventuelle conscience
de la chose – à quelque implication
d'organisations sionistes pas plus qu'il
n'est fait état de quelque «
bienveillance » que ce soit à
l'égard d'Israël.
La lettre corrobore les dires d'al-Aramneh
selon lesquels Yaboos a perçu
l'initiative comme intégralement motivée
par la solidarité des Palestiniens en
Israël à l'égard des Palestiniens de
Gaza, et sans aucune connexion avec des
entités sionistes.
En conclusion de l'explication de Yaboos
associée au contenu même de la lettre,
on peut dire que l'organisation
caritative a été piégée en effet par une
espèce de miroir aux alouettes.
Il convient de remarquer qu'aucune
organisation à Gaza ne pourrait
sciemment s'associer à une visite
appuyée par des officiels israéliens et
des institutions des colonies tel le
Mouvement des kibboutzim et espérer en
même temps conserver sa crédibilité et
son soutien au niveau local.
Hasbara
Alors qu'il est clair que Marshak –
et il l'a affirmé lui-même – travaillait
avec le gouvernement israélien, il est
difficile de déterminer où a été mis sur
pied ce plan concernant les orphelins.
Le propagandiste de l'Agence juive, Avi
Mayer, omniprésent sur internet, a
aussitôt débarqué sur Twitter pour
tenter de réfuter tout rôle officiel
israélien ou toute intention d'utiliser
les enfants pour faire de la hasbara –
ou propagande officielle.
« Ce qui est remarquable à propos de
cette initiative humanitaire incroyable,
c'est que ses organisateurs n'ont
absolument fait aucun effort pour
attirer l'attention dessus », a
tweeté Mayer.
« L'idée ridicule que ce voyage était un
coup monté des relations publiques
israéliennes est démentie par le fait
que personne n'a été au courant de la
chose avant que le Hamas vienne tout
mettre par terre », a-t-il ajouté.
Capture
d'écran tirée d'une vidéo postée par le
site en langue arabe installé en Israël,
Lakom, montrant une foule de
journalistes attendant les orphelins de
Gaza du côté israélien du carrefour d'Erez.
Ce que Mayer n'a pas expliqué, c'est
comment tous les journalistes massés du
côté israélien d'Erez savaient où ils
devaient attendre les enfants.
En outre, le fait d'annoncer cette
visite « humanitaire » aurait
été absolument contre-productif et se
serait traduit – comme ce fut le cas –
par son annulation.
La valeur de propagande des enfants
n'aurait été comprise qu'une fois qu'ils
auraient franchi le carrefour d'Erez.
Pour la même raison, le Mouvement des
kibboutzim n'a pas envoyé l'invitation
directement à l'organisation caritative
de Gaza, mais a utilisé « Une Bougie
pour la paix et la fraternité » de Malik
Freij, liée au Likoud, en tant que front
apparemment palestinien patriotique.
Maintenant que ce montage cynique a
échoué, les défenseurs d'Israël essaient
de gonfler l'histoire en compagnie de
Mayer, qui noircit le Hamas pour son «
incroyable cruauté » en
n'autorisant pas ce voyage.
Ce qui reste inchangé, c'est que 900.000
enfants – la moitié de la population de
Gaza – subissent toujours un siège très
dur et que leur situation ne cesse de se
détériorer.
Emprisonnés comme ils le sont dans un
ghetto, les enfants de Gaza se voient
accorder par Israël moins de droits
encore que les animaux du zoo de
Tel-Aviv que les orphelins n'auront pu
voir.
Avec mes remerciements à Dena Shunra
pour son aide dans les recherches et la
traduction.
Publié sur
Electronic Intifadah le 29 décembre
2014.
Traduction pour le site de la
Plate-forme Charleroi-Palestine : JM
Flémal.
Ali Abunimah,
journaliste palestino-américain est le
cofondateur de ’The
Electronic Intifada’ et
auteur du livre "One Country
: A bold Proposal to end the Israeli-Palestinian
Impasse"
On peut suivre Ali
Abunimah sur Twitter :
@AliAbunimah
Publié le 2 janvier
2015
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